« Femme
avec tête(s) » par ORLAN, dans le cadre de la biennale de
conférences « Circonférences » au Théâtre des
Ursulines de Château-Gontier, le samedi 11 mars.
Sur le programme, point de ORLAN.
Jean-Luc VERNA, qui a pourtant annulé, a un encart dédié à sa
présentation, et c'est une feuille volante « ERRATUM »
qui vient prévenir qu'il sera donc remplacé par ORLAN. Si certains
de mes camarades semblent émus à l'idée de voir cette artiste, qui
par son œuvre subversive, a acquis un statut de star dans le monde
de l'art, je suis plus réservé et attend de voir ce qui se cache
derrière sa notoriété.
Le début de la conférence arrive, et
avec elle, une surprise, un énorme pied-de-nez, qui je l'avoue, me
fait bien rire. Un tract nous est en effet distribué et annonce :
« ORLAN
REMPLACANTE SE FAIT REMPLACER PAR L'AGENCE AIR POUR FEMME AVEC
TÊTE(S) »
Et plus clairement, elle indique
« CONCEPT DE L'INTERVENTION
D'ORLAN,
VOUS
AVEZ INVITE ORLAN A REMPLACER JEAN-LUC VERNA,
ORLAN
MET EN ABÎMES ET EN REPONSE ACTIVE,
SA
RETRO INVITATION, EN SE FAISANT REMPLACER PAR ALAIN GINTZBURGER,
SECRETAIRE
GENERAL DE L'AGENCE INTERNATIONALE DE REMPLACEMENT AIR. »
Arrive alors son
remplaçant, grimé en ORLAN, deux de ses têtes greffées sur ses
épaules, une valise à sa suite, pendant qu'un message téléphonique
retrace le début de la substitution. Et le voilà qui annonce, que
lui, ORLAN, a une dent de bœuf dans la mâchoire et que l'artiste a
toujours promu l'altérité. Chouette, il semblerait qu'on ait
affaire à une personnalité un peu fantasque qui n'a peur ni de la
dérision, ni de la conviction.
Cependant, alors
que j'avais réussi à associer ORLAN et son remplaçant pour ne
former qu'une seule entité, la conférence prend à mon sens un
tournant ennuyeux avec la présentation d'un powerpoint qui
s'éternise, et devient une simple lecture de fiches quant au début,
ORLAN remplaçant écoutait le discours d'ORLAN source via des
écouteurs et le retranscrivait en direct.
La présentation
énumère ses travaux d'artiste : remise en question des
conventions notamment liées au christianisme, animations 3D
d'humains écorchés pour éliminer le racisme -soit.-, pièces
produites grâce aux cellules d'ORLAN, interventions chirurgicales
multiples, filmées et accessibles au public, …
Mais alors
qu'ORLAN parle de soi à la troisième personne, ce qui faisait cas
du dédoublement de son identité par le simple fait qu'elle soit
remplacée - donc présente et absente à la fois, cette présentation
tourne en éloge incessant de son travail. Peut-être
l'interprétation de son remplaçant manque de finesse, mais ce qui
me semblait être malin, taquin et prétexte à une performance,
tourne en discours de propagande. Ça y est, je me
sens trompé.
Et le malaise s'accentue quand au
moment de répondre à nos questions, Alain GINTZBURGER, interprète
de cette conférence, souligne à quel point nous avons été
chanceux d'assister à une œuvre d'ORLAN. J'écris d'ailleurs à
chaud, en sortant :
« PERTINENT MAIS DERANGEANT
Le comble du génie ou de
l'enfumage ?
C'est ORLAN, soyons
chanceux !?
L'altérité résiste-t-elle
au narcissisme ? »
Avec plus de recul, je regrette d'abord
que cette bonne idée de remplacement, qui est cohérente quant au
travail d'ORLAN, ait été exploitée pour une présentation banale,
puisque outre l'accoutrement et une fois l'effet de surprise passé,
nous n'assistions qu'à l'exposé du travail de l'artiste par un de
ses fans.
Je me demande si ORLAN, plutôt que de
créer un substitut à la va-vite, avec l'assurance qu'au moins, il
ferait suffisamment le « buzz » pour être accepté,
n'aurait pas dû saisir cette occasion pour remplacer littéralement
Jean-Luc VERNA. L'acte aurait eu la même portée critique, mais avec
cet engagement qui la caractérise, et cette envie d'altérité, que
je n'ai pas retrouvé ce jour-là.
Alexandre MONTINA