MUSÉE D'ARTS DE NANTES
La disparition de The
Ballad of Sexual Dependency de Nan Goldin
Lors de la
réouverture du Musée d'Arts de Nantes en juin 2017, une œuvre majeure de la
photographe américaine Nan Goldin (née en 1953) était présentée dans le Cube au
deuxième étage. The Ballad of Sexual Dependency est une installation
mixte, comprenant la projection de 687 diapositives réparties en 9 carrousels
et une bande-son sur CD. L’œuvre a été achetée en 2000 à la Galerie Yvon
Lambert avec la participation du FRAM (Fonds Régional d'Acquisition des
musées). Les photographies ont été réalisées par Nan Goldin entre 1981 et 1993
et traitent de sujets complexes et tabous : la marginalité, l'orientation
sexuelle et l'identité du genre, la drogue, le sexe et la mort. L’artiste
s'intéresse aux rapports des corps et à la condition humaine, comme en
témoignent ses photographies couleurs qui brossent le portrait vivant de ses proches
et de sa propre personne. La recherche de la vérité, d'un certain réalisme
non-idéalisé prime dans son travail photographique, comme dans l'autoportrait
qu'elle réalise pour témoigner de la violence conjugale dont elle est victime.
De cette œuvre engagée et humaniste émane une forte volonté de faire trace,
garder mémoire et de capturer la vie dans son essence la plus pure et radicale.
Cependant, comme Nan Goldin le dit-elle même : « I used to think
that I could never lose anyone if I photographed them enough. In fact, my
pictures show me how much I’ve lost. ». Ce témoignage photographique
n'est-il donc pas un ensemble de disparus qui finalement incarnent le mieux le
concept de l’existence ? Et comme si on les faisait disparaître de nouveau,
the ballad of sexual dependency n'est plus exposée au musée d'Arts de
Nantes. Par le choix de présenter cet ensemble photographique d'une poésie
brute, les visiteurs pouvaient redonner vie à ces disparus, à travers leur
attention et leurs regards, comprendre un peu ceux que l'on considère différents.
L'absence de cette œuvre dans l'exposition permanente du musée est, selon moi,
un manquant regrettable qui pour autant questionne l’œuvre : faut-il
montrer l'existence de ces gens là, une présence qui aujourd'hui encore dérange
dans nos sociétés. L'interrogation qui introduit le film Laurence Anyways
du réalisateur québécois Xavier Dolan permet d'ouvrir les yeux sur cette disparition
de l’œuvre : « Je voudrais que l’on se penche un peu non pas sur les
droits et l’utilité des marginaux mais, sur les droits et l’utilité de ceux qui
se targuent d’être normaux ».
MOREAU Antoine
Nan Goldin, The Ballad of Sexual Dependency, 1979-1995
Version n°3. Achat à la Galerie Yvon Lambert
avec la participation du FRAM en 2000