LEÇONS D’HARMONIE
Réalisé par Emir
Baigazin
Kazakhstan
En salle le 26 mars 2014
(durée 1H44min)
Aslan
est un adolescent vivant dans un village du Kazakhstan
avec sa grand-mère. Isolé et perpétuellement brimé par ses
camarades, dont un gang de racketteurs mené par le caïd Bolat.
Aslan se replie sur lui-même, il est d’une intelligence perverse
et expérimente la chimie seul chez lui, il souffre apparemment d’un
perfectionnisme effronté. Il semble en désaccord complet avec son
environnement dont il détient cependant tous les codes.
Une
leçon d’harmonie ? En
musique, l'harmonie renvoie aux simultanéités sonores et plus
précisément aux accords. Dans la théorie de la musique
occidentale, l'harmonie étudie la construction des accords, les
principes qui les gouvernent et leurs enchaînements.
Dans
le drame d’Emir Baigazin, c’est une leçon de composition qui
nous est imposée, l’enchaînement des événements depuis la
première scène nous plonge dans un suspens qui pourrait devenir
insoutenable bien que régulé par la lenteur de la construction.
La
caméra est un témoin, au même niveau que le spectateur, des
dérives du film. Violence, drame, crime, tentative de suicide, la
suggestion est un travail primordial pour Emir Baigazin, l’ellipse
devient une fascination.
Mais
là ou une réalité est filmée crûment, on assiste à une très
inquiétante leçon d’harmonie de la modernité. Dans une
importante opposition entre des cours d’histoire ou un professeur
fait un portrait de Gandhi, la morale de l’islam et les smartphones
et baskets nike des collégiens vivant pour la plupart dans la
misère.
La
leçon d’harmonie c’est bien Aslan qui nous la dispense, le
personnage nous immerge dans un semi-rêve d’images parfaites et
nous laisse construire un thriller qui n’en est pas un,
manipulation silencieuse et gracieuse, perturbante leçon de cinéma.
Capucine
Lageat