Au
Lieu Unique
Léviathan
et ses fantômes
installation ''The Last Judgment" de
Véréna
Paravel et Lucien Castaing-Taylor
A
l'extérieur, quotidien. Les couleurs, les gens. La vie suit son
cours. Un pas. Un seul. Et l'obscurité nous engloutit. La porte,
derrière nous, est restée
ouverte et pourtant, le monde n'existe plus. Il s'est évaporé dans
ce silence spirituel, balayé par le bruit des remous, envolé avec
les oiseaux de mer, il s'est dissout dans l'écume. Ici, un autre
univers s'est formé dans les
vagues lumières.
On
se demande si notre corps n'est pas devenu éther car la pesanteur
semble ne plus être qu'un souvenir éteint. Nous devenons pure
sensation. La solitude n'est plus un mot, aucun mot n'est, car autour
de nous, le langage est devenu autre.
La
pénombre réveille des brumes rêveuses sur tous les murs, nous
obligeant à lever la tête, à oublier la vision de notre propre
enveloppe charnelle. Aussitôt, je pense à la bande dessinée de
Benoît Sokal, L'Amerzone.
''Les oiseaux blancs,
c'est rien que des histoires pour faire rêver les enfants de
l'Amerzone''. Alors le rêve est devenu réalité dans cet immense
espace vide du Lieu Unique. Un espace entre monde
qui invite à déployer son corps, comme les ailes de ces mouettes
géantes projetées sur les murs et à danser dans les vagues qui
parfois submergent notre vue. Dans nos oreilles, la
voix de la mer est un chant si ouvert, tout est possible. On y voit
un cortège d'hommes-poissons
vibrer
comme des chamans. L'Atlantis vient de sortir des eaux.
On
pourrait rester des heures, ici, à voyager entre les ombres, à
tournoyer sur soi-même
pour saisir chaque fois une silhouette nouvelle. Je me souviens alors
d'une installation semblable
à
celle-ci, immersive
et contemplative, où l'on perd sa propre conscience dans nos sens.
C'était à la Fondation Cartier lors de l'exposition The Great
Animal Orchestra. On y trouvait alors cette œuvre : Plancton,
aux origines du vivant.
Une même ascendance, la mer, une même magie, au sein de la pénombre
d'une pièce, des sons et des images. Là-bas, comme ici, la notion
du temps s'est éclipsée.
Ces
expériences parviennent à nous faire ressentir un échantillon
lointain de ce que peut être cette chose aussi grandiose,
mystérieuse et éternelle que la Mer. Cette contrée impalpable,
source de tant de fantasmes s'est faite une place dans notre
imaginaire, a
creusé
en nous une profonde estime. Plus d'une fois, des frissons glacés
ont
parcouru mon corps, entre frayeur et fascination. Espérons que cela
nous aide tous à la considérer autrement, et à y voir un avenir
qu'il nous faut à tout prix préserver.
Oriane
Cavin
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