Une
grande salle de théâtre
Des personnes qui
s'installent
Les
lumières qui s’estompent
Nous
voilà, corps spectateur, plongés dans le noir, les yeux rivés sur la scène du
grand T ce vendredi 26 Janvier 2018.
Ce
noir, c'est tout au long du spectacle que nous allons le vivre ; il va
nous transporter, nous émouvoir, nous submerger individuellement durant deux
heures.
A couper le
souffle.
C'est
comme ça que je me suis retrouvée, cramponnée, frissonnante, face au cri de
désespoir que Phia Ménard a déposé sur scène. Ce cri, c'est surtout du point de
vue sonore qu'il m'a attrapée.
D'abord
c'est la scénographie qui nous interpelle ; des matières noires,
flottantes, gonflantes remplissent l'espace scénique. Des bâches en plastique,
du papier, du tissu qui vous engloutissent comme des monstres géants.
Et
c'est à ce monstre géant que l'artiste parle. Ce monstre intérieur de l'être
qui dévore, qui détruit, qui le pousse au plus proche du désespoir, de la mort.
Une
jeune femme est seule face à elle-même, seule face à sa perte.
Démunie.
Une
vague noire l'engloutit, envahit la scène, submerge les corps et étourdit les
regards.
C'est
comme ça que débute la rencontre entre le public et la scène, entre moi et
cette angoissante beauté de la noirceur.
Des
formes en érection, noires, composent bientôt une forêt. Face à des peurs
innommables on la retrouve haletante. Elle tente de se relever mais s'enfonce
un peu plus dans une pénombre effroyable.
Puis,
elle ; monstre, monstrueuse, inquiétante et inquiète de sa propre forme.
Des cris, des grognements, tout droit venus d'un petit corps de femme, nous
accablent.
Elle
valse, elle tourne, traverse les âges, pousse des cris qui se transforment peu
à peu, se sexualisent pour finir en cris d'alarmes de désespoir.
Ils
retentissent en canon, de plus en plus en forts. Ils me crispent et
m'attrapent.
Je
me retrouve alors passive de mon corps, entièrement submergée d'effroi.
Relativiser m'est alors impossible.
C'est
là, dans le réel, et je n'ai plus de prise.
Et
après ? Un point culminant. Peut-être ce point précis de la limite de
l'être.
Un
rectangle noir apparaît au centre de la scène. Un trou, un vide et son corps
entier face à ce noir absolu.
Elle
s'y jette.
Et
dans un chaos, des matières s'entrechoquent et rougissent peu à peu comme si
tout brûlait jusqu'au noir complet.
Noir
Des os noirs
Brûlés
Intérieurs
La
femme, qui ne ressemble plus vraiment à une femme ; tout à coup
métallisée, ramasse un corps brûlé, fragile et sombre.
Ce
corps, c'est peut-être le sien, inanimé, qu'elle porte désormais avec soin.
De cette salle
je ressors sans mots, mon corps entier submergé d'une inexplicable sensation.
Je ne pourrai
en parler que quelques jours après.
Les os Noirs de Phia Ménard
http://www.legrandt.fr/spectacles/les-os-noirs
Soizic Trohel-Herbel
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