Du 11 février au 31 mai
2018 se tient à la galerie Thaddaeus Ropac de Pantin, une exposition
intitulée Für Andrea Emo. Elle présente une nouvelle série
d’œuvres du peintre et sculpteur allemand Anselm Kiefer.
L’artiste
a sélectionné une vingtaine de tableaux et trois sculptures pour
rendre hommage au philosophe italien Andrea Emo. Kiefer dit en effet
trouver dans les écrits du philosophe la formulation de pensées
qu’il n’a jamais pu mettre au clair et pour cause, tous deux
axent leur travail autour du souvenir, notamment de sa
sédimentation.
Le temps est un cycle pour Anselm Kiefer, dont le
travail est souvent fait, détruit, puis régénéré.
Les œuvres
présentées sont en effet pour la plupart des anciens travaux
oubliés, décevants au moment de leur redécouverte, donc remodelés
par l’artiste à l’aide de plomb brûlant jeté à même la
toile.
Le résultat évoque autant de plaies en putréfaction,
croûtes purulentes que de coulures de lave et paysages lunaires. Ainsi, les toiles, éclatantes par leurs couleurs et textures, nous
rappellent les heures les plus sombres de notre si souvent
représentée enveloppe charnelle.
L’oubli se lit dans ces
blessures, qui semblent laissées aux vers et à la pourriture.
Il
est question de l’effacement, tout au long de la visite :
provoqué, par des couches opaques de plomb brûlant, ou empêché,
par des vernis appliqués sur des branches et feuilles d’arbres.
Kiefer montre l’oubli comme un processus violent, brutal, presque
cruel, mais inhérent et nécessaire à la mémoire. Il est pointé
comme une agression, un facteur brut, brûlant.
Cependant, si le
plomb recouvre les surfaces, il en fait aussi des moulages.
Des
formes qui, plutôt que de disparaître sous les couches, se
retrouvent doublées, mises en relief par les pellicules de plomb que
l’artiste décolle et enroule sur la toile.
Ce faisant, des zones
réapparaissent, calcinées par le métal en fusion.
Les souvenirs
oubliés refont surface, modifiés mais ayant tout de même gardé
leur forme de base.
Les rouleaux de plomb évoquent tantôt des
chrysalides, tantôt des cours d’eau, toujours dans cette logique
de l’effacement et du renouveau.
L’artiste aborde aussi, au
travers de ce prisme de la mémoire, des sujets qui lui sont
habituellement chers comme la guerre ou la religion, via des
représentations de bombardements et de scènes bibliques.
Ainsi,
l’exposition Für Andrea Emo, présentée dans une galerie
lumineuse et spacieuse, frappe par sa densité et sa matérialité.
Comme souvent avec Anselm Kiefer.
Yuma NADAUD
Galerie Thaddaeus Ropac
Pantin, 69 avenue du Général Leclerc, 93500 PANTIN
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire