A.
Perrault, L1, Poétiques des traces
Au
moment d’un temps creux ou d’un creux dans le temps, à trois nous nous sommes
laissées guider dans Paris. La balade était tranquille parmi les ruelles en
agitation perpétuelle. Notre destination était plus connue que l’était le
chemin. Ultime voie, vers cette impasse attendue. Stable et éternelle, la
médiathèque Françoise Sagan se dressait face à quelques frêles tentes bleutées
et encombrées.
L’une
d’entre nous y avait ses habitudes mais nous étions deux à découvrir ce lieu.
Grand jardin à volonté solaire, grandes fenêtres reflétant les palmiers atypiques sur ce fond fait de
ciel parisien, tout est disposé pour plaire et pour que notre temps fuit en ces
lieux. Nous sommes tombées, entre un couloir et un escalier, sur cette pièce
qui se découpait dans son propre encadrement blanchi , et qui n’était autre
qu’une salle d’exposition exiguë. Charmées par la coïncidence, sa visite était
presque évidente.Intriguées dès le premier objet ; quand on est seul face
aux œuvres on essaye de comprendre ; Une arrivée impromptue, c’est
l’artiste Cristina Hoffman qui mène désormais la visite.
Son
exposition est basée de manière très concrète sur le lieu qu’elle occupe,
c’est-à-dire la médiathèque dans son entité, mais plus on avance dans la salle
et plus le lien œuvre-sujet devient implicite. Sa démarche était plutôt
complète puisqu’elle a tenté de promouvoir plusieurs facettes du lieu : un
lieu ancré dans l’histoire et un lieu ancré dans la société. La médiathèque est
un espace spécial au cœur de la ville, tout le monde y a accès peu importe
l’intention. A la fois passage et stationnement ; « Dans
la rencontre de savoirs, d’outils et d’êtres humains » (C.H.).
Je vais
plutôt m’attarder ici sur les deux dernières œuvres de l’exposition, dont les
aspects plastiques et les processus m’ont plu.
La
première est une petite installation comprenant une partie projetée, qui est
tout simplement un projecteur avec des filtres colorés qui se succèdent, et une
sérigraphie de trois phrases superposées et imprimées de trois couleurs
différentes. Dans cette approche épurée, les filtres ont formé un cycle
fascinant marquant la cadence des écritures que l’on voyait au fur et mesure s’effacer
au profit de la suivante. C’est la magie des couleurs complémentaires. Une
succession de mots bruts et de couleurs pures ; un confort s’installe par
le biais de cette allure. Elle nous rappelle la justesse des rapports colorés
et leurs effets logiques.
La
seconde est également une installation, elle se constitue d’un banc blanc un
peu stylisé par des bords arrondis sur lequel elle a disposé des plaques de
cuivre gravées (dessin d’une main) et reliées à des capteurs. Nous sommes à
genoux à même le sol, les mains à la hauteur du torse. Grâce à l’impulsion
électrique fournie par notre corps conducteur et le cuivre (qui est un des
meilleurs conducteur d’électricité), une bande audio se déclenche. L’attention
du spectateur concerné est immédiate mais ailleurs un autre processus est
activé, il est chimique, c’est celui de sa lente corrosion. Par la sueur de nos
mains immobiles le cuivre se dégrade, son apparence, sa texture se modifient.
Néanmoins, ce processus est très lent. C’est l’accumulation de personnes qui
prennent ce temps qui le permet. Chacune prend la même position, à genoux, les
mains en avant, le regard au loin. L’action d’attention-destruction fait figure
de prière.
Lien
vers l’article de la médiathèque :
Lien
vers le site l’artiste : http://cristinahoffmann.com/
Agathe Perrault
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