Alina Szapocznikow
Du dessin à la sculpture
27 février – 20 mai
Centre Pompidou
J’ai découvert le travail de cette artiste
polonaise il y a deux ans, en tombant sur le catalogue de l’exposition
monographique qui venait d’avoir lieu au centre d’art contemporain de Bruxelles
(Alina Szapocznikow – Sculpture Undone
– 1955 -1972). À la fois dérangée et fascinée par ces étranges dessins et sculptures,
j’avais très envie de les voir « en vrai ».
La petite exposition qui a lieu en ce moment au
quatrième étage du Centre Pompidou ne m’a pas déçue. Elle regroupe une centaine
de dessins et monotypes, et quelques œuvres tridimensionnelles. Dès la première
salle, j’ai apprécié ressentir le caractère expérimental de son travail :
pas d’impression de gradation entre des dessins que l’on pourrait définir de
préparatoires, et les monotypes ou sculptures. Les croquis à l’encre sont
peut-être le point de départ d’œuvres plus « abouties », mais je les
trouve d’une intensité presque plus saisissante. Corps fragmenté, amas de
chair, agglomérats de matières. Alina Szapocznikow expérimente de nouveaux
matériaux tels que la mousse polyuréthane, résine polyester, limités à l’époque
à un usage industriel. Elle démembre, défigure, déconstruit pour reconstruire.
C’est souvent son propre corps qui est la base de ses expériences, presque toujours
identifiable malgré les déformations. Dans ses premiers dessins d’étude, le
corps apparaît encore comme entité, puis il se métamorphose en objets étranges,
anthropomorphes. Ce passage de désarticulation de la forme est fascinant et
bien mis en lumière par la scénographie de l’exposition.
Aussi bien dans ses œuvres en deux dimensions
que dans ses sculptures, je ressens une certaine fragilité, de l’instabilité.
Un peu comme si le centre de gravité de la figure était déplacé, toujours un
peu trop haut ou un peu trop à gauche. Elle joue avec la pesanteur, et c’est
peut-être ce déséquilibre (très maîtrisé) qui me tient en admiration devant
chaque dessin. Les quelques prototypes d’objets « fonctionnels » qui
nous sont présentés (coussin, lampe) sont d’autant plus étranges qu’ils se
trouvent entre l’objet de consommation de masse et quelque chose de très unique,
purement charnel.
Pierre Cabanne a écrit à propos d’une série de
sculptures en cire « On ne sait jamais si les seins ou les cuisses qui
émergent de cette espèce de lit sont objets d’étreintes ou saisis par la boue
d’Hiroshima. On ne sait jamais si c’est l’amour ou la mort qui les révèlent ».
Cette déclaration résume parfaitement l’ambiguïté du travail d’Alina
Szapocznicow, entre angoisse et extase, déstabilisant et fascinant, viscéral et
sensuel.
Gabrielle
Petiau
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