BERNARD
PLOSSU
Couleurs Plossu, séquences
photographiques 1956 – 2013
au Pavillon Populaire, Montpellier (28
juin-6 octobre 2013)
Commissaire
d'Exposition : Marc Donnadieu
Grenoble, France, 1974 - © Bernard Plossu
Au milieu d’une de ces journées où
tu erres sans savoir quoi faire de tes pieds, de tes mains, de ta
tête, tu trouves toujours quelque chose à faire de tes yeux. Le
bâtiment du Pavillon Populaire est apparu, une réponse venue de
nulle-part, comme ça, paf. Les photographies de Plossu, c'est un peu
pareil, elles me sont tombées dessus, mais dans un choc feutré.
Ce sont des images troubles,
troublées, troublantes, à la fois grises et à la fois gueulant
leurs couleurs, mais de façon sourde. Enfin. Je rectifie :
elles sont silencieuses. Elles donnent envie de se taire et de les
regarder. Non, plus : les voir, de se plonger dedans, de se
confondre avec elles. Ce sont des photos qui fourmillent.
Je parlais de silence, précédemment,
et c'est drôle, mais finalement, il y a du bruit. Du bruit, du
grain, comme des grains de sable, comme des grains de sable du temps,
comme pour un sablier, comme ces cinquante-sept années de photos
offertes aux yeux. Des échantillons mystérieux de tout ce temps. Tu
te dis que holy shit, il y a des clichés qui datent.
Après réflexion, je dirais - de façon
triviale : en fait tu t'en fous un peu de quand ça a été
pris. Les photos t'atteignent tout autant en plein cœur, quand bien
même elles aient pu dormir tant de temps dans les archives perso de
Plossu (qui a longtemps été really famous pour ses noirs et
blancs, mais qui gardait ses travaux couleur de côté et ne les
sortait que pour des occases bien choisies).
Plossu a décidé de donner dans les
notices de l'exposition le lieu et l'année où il a appuyé sur la
gâchette. Il se situe dans le temps et l'espace, mais en vrai, j'ai
rien retenu, sauf l'information basique qu'il est allé un peu
partout. Il a bougé, le type, il a navigué entre les continents, il
est allé dans les villes, dans les forêts, les déserts. Ah, si, je
me rappelle : un peu d'Ardèche par-ci, un peu de Sahara par-là,
et quelque peu de Mexique là-bas aussi.
Toutes ces petites informations,
repères spatio-temporels, j'en parle, j'en parle. Au final, c'est
pas forcément le plus important. Déjà, Plossu, il prend des choses
simples (ça n'enlève aucune profondeur, aucune complexité dans son
travail) en photo. Il se prend pas le chou. Mais il sent beaucoup de
choses.
C'est des lignes qui se tirent, et tu
te dis que même au-delà des limites de l'objet photo, les lignes
elles poursuivent leur route, elles font leur bonhomme de chemin.
Ces grandes photos, quand t'arrives
devant, tu peux plus bouger. T'es en plein dans un instant, à la
fois tu as la connaissance rationnelle que c'est un instant mort, et
pourtant, ce qui focalise tes yeux, c'est juste de la vie, des purs
moments de vie. Plossu, il est fort, parce que clairement, il touche
du bout de l'orteil quelque chose d'insaisissable. Je sais pas si on
peut comprendre, expliquer, savoir. Il y a juste à à à voilà.
C'est un étrange voyage dans
l'existence, un voyage dans le regard, le tien, le mien, le sien, le
leur.
Paris, 1967 - © Bernard Plossu
Mexico - © Bernard Plossu
Margaux Foucret