Pierre Huyghe au Centre Pompidou
Paris, le 27 septembre 2013
Dès le seuil de l’exposition de
Pierre Huyghe, je peux apercevoir l’évaporation d’une fumée
brumeuse et épaisse, et je crois reconnaître le son de la pluie
s’abattre frénétiquement contre le sol.
Dans la première salle se dresse un
talus de pierres, disposées de façon à penser qu’elles seraient
directement tombées du ciel. Cette œuvre nous laisse seul face à
une fatalité évidente : la mort. La pesanteur s’impose d’elle
même, en nous élevant avec légèreté de façon à faire du
visiteur l’acteur de second rôle de l’œuvre. Les pierres sont
posées sur un socle blanc, la magie du contraste opère. Le face à
face est inévitable.
Dans la deuxième salle j’entends des
voix. Je devine un son audio, je touche de la glace et aperçois un
lévrier à l’allure nonchalante traîner péniblement sa patte
rose dans l’espace d’exposition. P. Huyghe joue avec nos sens, il
les manipule comme s’il pouvait jongler avec chacun d’entre eux,
et s’en amuser. C’est en fait de cela qu’il s’agit au travers
de l’exposition de Pierre Huyghe. Il ne se restreint pas seulement
à nous montrer, il nous fait Voir, ressentir. J’avance. Je me
dirige instinctivement vers la pièce la plus subjectivement
attrayante de l’exposition : De la brume, la déferlante de la
pluie, le bourdonnement des abeilles. Mes mains deviennent moites, et
mes cheveux, humides. L’artiste nous invite à pénétrer dans les
abîmes de son âme, et parvient à matérialiser ses pensées, des
souvenirs. Cette exposition agit comme un carnet de bord de la
pensée. L’aboiement du lévrier interrompt subitement ce rêve
éveillé. Une patineuse apparaît désormais devant moi. Légère,
elle s’envole, glisse et touche à peine le sol. Quelque chose de
Divin se dégage de son mouvement. Pendant une minute, le regard des
visiteurs se confond avec la pureté d’une expression enfantine et
laisse apparaître une admiration puérile, mais touchante.
Pierre Huyghe explore les facettes les
plus obscures de l’art visuel à des fins sensationnelles. J’ai
l’impression que si ces installations pouvaient parler, elles nous
diraient : « Sortez-nous de là, nous ne sommes pas à notre
place. Nous sommes dans l’air, nous sommes dans le mouvement d’une
jupe contre la cuisse d’une jeune fille, dans l’étreinte d’une
caresse, ou dans le réconfort d’un feu de bois ». Il s’agit
donc, selon moi, d’un questionnement de l’art in-situ à travers
les abîmes de la pensée. Pierre Huyghe est un poète, et son
atelier est la vie. Il saisit des instants de l’existence, et les
retranscrit tels qu’il les ressent dans son fort intérieur.
Il est presque difficile de mettre des
mots sur cette exposition. Il faut la sentir et la ressentir pour
l’apprécier dans sa juste vérité.
Une citation du poète Rainer Maria
Rilke illustre bien cette pensée :
« Les oeuvres d'art sont d'une infinie
solitude ; rien n'est pire que la critique pour les aborder. Seul
l'amour peut les saisir, les garder, être juste envers elles. »
François Durel
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire