Disarm (Mechanized)
Pedro REYES
du 21 octobre au 27
novembre 2016
au LU (Lieu Unique), 2
quai Ferdinand Favre à Nantes
Dans la grande pièce blanche
d'exposition à l'étage, le Lieu Unique présente en ce moment même
Disarm (Mechanized), une oeuvre sonore de l'artiste mexicain
Pedro Reyes.
Cette grande installation mécanique
présente d'étranges instruments de musiques, reliés entre eux et
amplifiés qui jouent par intermittence des petites phrases afin de
former une mélodie d'ensemble. Le spectateur est invité à circuler
autour de cet orchestre automatique et à se rapprocher afin de
comprendre ce qui produit ces sons. La surprise est grande et ferait
presque reculer ce dernier lorsqu'il comprend que ce sont des armes à
feu qu'il a sous les yeux. En effet, Pedro Reyes a réutilisé,
modifié, re-sculpté des revolvers, fusils et mitraillettes afin de
composer un ensemble d'instruments de musique. Le spectateur inspecte
alors sous un autre angle ces appareils de ferraille et
l'impressionnante quantité d'armes dressées droit sur lui dans son
environnement. La musique qui semblait alors à l'entrée inoffensive
avec ces « presque » batterie, xylophone, marimba,
violoncelle, basse, carillon...prend alors un tout autre sens.
Le morceau, composé par et pour ces
instruments et présenté au LU, est régulièrement entrecoupé de
silences, tout en restant temps rythmé et plein d'énergie. Il
mélange des sons quasiment électroniques, rappelant ceux d'un
synthétiseur, avec des sons de musiques tribales : telle
l'alliance de la technologie avec des impulsions traditionnelles et
naturelles. Les espaces de vides au sein de la composition musicale
permettent le déplacement des spectateurs et à la quête de la
provenance des sons.
Cette installation est la continuité
de deux œuvres précédentes de Pedro Reyes. Celui-ci avait commencé
en 2008 avec Palas por pistolas à Culiacàn, une des villes
les plus dangereuses du Mexique par la violence qui y règne.
L'artiste y avait collecté 1527 armes à feu grâce à la simple
donation des citadins de Culiacàn qui recevaient en échange un
coupon d'achat dans les magasins locaux. Avec cet arsenal qu'il a
fait fondre, 1527 pelles ont été forgées en partenariat avec le
jardin botanique de la ville afin de servir à faire planter 1527
arbres à des institutions, des associations, des écoles, etc... Ce
désarmement avait pour but de ré-utiliser ce qui avait servi à
provoquer la mort, en un outil pour donner la vie.
Ensuite, en 2012, le gouvernement
mexicain propose à Pedro Reyes de récupérer le métal de 6700
armes prêtes à être détruites. Ce dernier accepte, et décide de
transformer ces fusils et pistolets en instruments de musique. C'est
la naissance d'Imagine, où il a été question de recréer
des instruments « traditionnels » d'orchestre qui sont
joués aujourd'hui lors de concerts-performances. Des musiciens ont
ainsi pu reprendre avec ces instruments le tube mythique et pacifiste
Imagine de John Lennon
(https://www.youtube.com/watch?v=rgMW2VuGItM).
Dans l'exposition, deux vidéos près
de l'entrée complètent l'installation sonore. L'une présente la
destruction par l'état mexicain des armes confisquées. Celles-ci
sont broyées, désossées... afin de ne plus être qu'alors un
simple tas de ferraille. Mais symboliquement cette action est lourde
de résonances lorsque l'on sait que chaque revolver a été utilisé
pour sa fonction première.
La seconde vidéo est une démonstration
d'un morceau qui a été programmé sur ces mêmes instruments de
l'installation. Elle nous offre une autre mélodie que celle
présentée dans la salle, plus énergique, à la manière d'une
répétition d'un groupe d'amis en studio. Ce mini clip dévoile
ainsi d'autres facettes de ces instruments et de cette performance
mécanisée. Cependant, si Pedro Reyes ne présente cette vidéo
qu'en « plus » de l'installation c'est dans la volonté
de montrer réellement les instruments, et de les faire jouer devant
un public qui doit vivre et appréhender cette combinaison au premier
abord inadéquate avec les armes à feu pour comprendre son propos.
La musique est la première des communications universelles depuis tout temps, et dans notre monde d'aujourd'hui, il est malheureusement admis que la guerre et la violence en soit une également. Pedro Reyes combat l'industrie de la mort, ainsi que la banalisation des armes dans les jeux vidéo ou les films qui sont les premiers acteurs invisibles du trafic d'armes, et de la violence dans le monde où le nombre d'homicide est affolant. Il nourrit l'utopie d'un monde sans arme et souhaite enclencher une prise de conscience sociale et psychologique grâce à ses travaux afin d'améliorer notre société.
Pour finir, cette installation
mélange sculpture et musique, et du même coup les nouvelles
technologies. Ni bonnes, ni mauvaises, il faut savoir les utiliser à
bon escient comme nous le montre l'artiste. Cette exposition,
présente plastiquement une musique mécanisée, industrialisée et
peut renvoyer à ce genre de musique actuelle en plein essor. Certes,
ce n'est sans doute absolument pas le propos de l'artiste, mais j'y
retournerais bien une seconde fois afin de me pencher vers d'autres
pistes comme celle-ci et ré-explorer cette œuvre sous un autre
angle.
Pour en voir plus et noter qu'il ne
vous reste que quelques jours pour profiter de cette exposition :
http://www.lelieuunique.com/site/2016/10/21/disarm/
Mathilde Blieck
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