« (…)
des gens qu'on voit partout mais qu'on n'entend jamais" (Claus
Drexel)
AU
BORD DU MONDE
Un
film de Claus Drexel, 2013
« Film magnifique, où la beauté des lieux révèlent celle des êtres qui y vivent si mal. »
« Claus Drexel ne les
humilie pas. Il ne les filme pas, comme beaucoup avant lui, avec une
pitié maladroite. Il en fait, au contraire, de purs héros
tragiques, victimes de forces qui les dépassent et qui les broient.
Démarche passionnante. »
(Télérama)
« Chaque
plan ressemble à un tableau, mais les images sont glaçantes : là
un SDF pieds-nus sur les Champs-Elysées, ici des corps d'hommes
allongés contre un mur, d'entre lesquels surgissent des rats
s'enfuyant avec des quignons de pain. »
(Le
Nouvel Observateur)
« Bonjour ! »
« Passe
une bonne journée. », je souris.
Il
est assis, une 1664 à la main : le bon rapport qualité/prix
pour supporter le froid et emmener son cerveau ailleurs. Je le vois
tous les matins, et tous les matins on se salue en souriant. Installé
dans la rue qui longe les galeries Lafayette à Nantes il n'est pas
très habillé : un jean, une modeste veste et un petit bonnet
noir qu'il ne quitte jamais. Il me rappelle Christine, Jeni, Pascal
et les autres.
Ils
habillent les pavés des rues parisiennes, décorent les couloirs du
métro et la nuit, le Paris « carte postale » s'efface
pour leur céder la place.
Parfois,
l'éclat d'une pauvre pièce tinte devant leur lit de fortune. Juste
parfois.
Claus
Drexel les a suivis pendant un an et a filmé, d'avril 2012 à mars
2013, leur quotidien en plans fixes. Ils rencontrent la caméra et
nous racontent la misère, la faim, le froid, mais aussi leurs rêves
et leurs rencontres.
Christine
nous touche. Emmitouflée dans sa couverture aux abords du jardin des
plantes, elle grelotte. La neige se pose sur ses cheveux blancs. Elle
regarde les flocons, elle sourit parce qu'elle trouve ça beau. C'est
entre deux cigarettes qu'elle se confie :
«Je
ne sais pas comment lancer un appel au secours. Je ne sais pas faire.
Le pire de tout, c'est ne pas obtenir de réponse aux problèmes qui
t'ont menée ici. C'est comme si les gens, les autorités, te
donnaient pour perdue, comme si le fait d'être à la rue, ce n'est
plus la peine de s'arrêter, de t'écouter… Les gens ne deviennent
pas fous, ils disparaissent. Tout simplement.»
La
mise en scène est osée. Entre triviale et sublime, elle nous plonge
dans un Paris équivoque, où se rencontrent luxe des tapis rouges et
pauvreté des tapis de carton.
Un
film plein de dignité et une grande leçon d'humanité dans
un Paris sublimé mais totalement exact.
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