Première
impression : « Quoi ?! Une exposition de photographie ? C’est
impossible…la qualité des photos est à mourir ! ». Mon cœur est de glace
devant cette première série Les Maliens de Paris. Les photographies pixellisées me sont jetées à la figure, je ne vois que ça.
Je persévère, je marche, d’une photographie à une autre, je m’arrête et regarde : Certains matins.
Certains matins pas comme les autres :
un bel adolescent torse nu se tient debout, il nous tourne le dos ; la
lumière du soleil traversant le tissu nonchalamment pendu à la fenêtre
crée cette atmosphère chaude, paisible, d’un beau matin. Je continue mon
excursion. Certains matins j’offre des fleurs à ma copine,
voilà un titre léger, si ce n’est enfantin pour une
photographie sérieuse ! Peu importe, continuons, même dans
l’incompréhension : une femme assise à une table, dans la pénombre. Sa
posture suffit. On comprend son bonheur, on imagine un sourire
lorsqu’elle tend son bras et récupère le bouquet de fleurs.
Je
quitte cette pièce où les photographies me semblent étrangement de
basse qualité, bien que je me sente, au fur et à mesure, de plus en plus
touchée. Nouvelle série : Chambres maliennes.
C’est
toute une histoire qui s’offre à nos yeux ! Toujours cette qualité
médiocre de photos, mais j’oublie. Je suis prise au jeu, voilà que je
rentre, sans même le réaliser, dans l’intimité du photographe qui nous
livre avec candeur, spontanéité, simplicité ses histoires d’adolescent. J’imite la façon dont on emballe les morts et ma famille me gronde : un adolescent drapé dans un tissu troué se tient devant nous, je souris. Certains matins je n’ai pas le courage de commencer la journée : la tête dans les mains, assis sur son lit…que c’est dur ! Un petit bout pour les moustiques : une main endormie dépasse d’une moustiquaire et l’on devine la suite. Ce n’est pas mon jumeau, c’est mon meilleur ami :
deux adolescents, allongés, les yeux dans les yeux, même position, même
affection l’un envers l’autre, tout se voit, tout se ressent, belle
complicité. De la bêtise à la fatigue, de la fatigue à l’humour, de
l’humour à l’amitié…c’est une vision simple, légère, attendrissante,
vraiment touchante, que nous livre ici Mohamed Camara, 19 ans à cette
époque. Ce jeune malien, nous fait oublier ces clichés où la pauvreté de
certains pays d’Afrique, tel le Mali dont il est originaire, masque la
gaieté d’une vie quotidienne épurée. Nous ne sommes pas au Mali, nous
sommes dans l’univers d’un jeune malien.
Le petit oiseau est devenu grand. Nouvelle pièce, nouvelle série, série 2010 : Regards croisés Nantes / Bamako.
Surprise : finies les photographies mal tirées, place à la qualité,
finis les titres enfantins, place à davantage de sérieux. Les
photographies sont maintenant en couple : le mari est nantais, la femme
malienne. Les photographies vont deux par deux, elles se font écho.
Une
partie de foot à Nantes, peut-elle être vue de la même façon au Mali ?
Et qu’en est-il alors de ce Malien adossé à un mur jaunâtre, la tête
penchée, le regard fixe, le torse nu, un tissu bleu autour du cou : ne
serait-il pas en train de poser, à sa façon ? Je déplace mon regard
légèrement vers la gauche, la photographie à côté me fait rire : un
Nantais timide à la chemise blanche, se tient devant une splendide
affiche Dior ! Pointe d’autodérision ? Je fais peut-être une erreur,
simple interprétation. Passons au couple suivant. J’ai hâte. Mais que
vois-je ? La Place Royale, magnifique…royale même ! Une ombre, une
simple ombre, une ombre sobre, très sobre, une ombre sans expression
vient agrémenter la photo. Cette ombre, je la retrouve à Bamako, plus
vivante, plus prenante : elle se projette sur cet énorme rocher qui
surplombe la rivière. Cette ombre a cette fois, les bras levés, elle
crie, elle est puissante. Ce couple me plaît. A deux pas de moi, un
autre couple, allons voir. Un feu d’artifice aux multiples couleurs est
figé là, devant moi. C’est le nouvel an à Nantes. Et au Mali ?
Trois…deux…un…et non, pas de feu d’artifice. Un simple « Joyeuses
Fêtes » inscrit en rouge, bleu, vert, sur une chèvre blanche. Tiens…mais
que vois-je au loin ? Un couple marrant, légèrement ironique cette
fois ! A droite, je peux parfaitement lire « Quick WiFi gratuit. Tout
droit à 1 mn », c’est propre, c’est net. A gauche ou au Mali - comme on
veut - je devine sur une pancarte en bois « WiFi station artisanale. 25
FCF A / heure ». Contrairement aux apparences, les couples de
photographies ne sont pas là pour s’entretuer, ils se complètent, ils se
renvoient la balle, en toute simplicité. Pas d’appel à la critique ici,
pas de dénonciation sarcastique, rien de géopolitique, ni de
manifestation contre la fracture numérique ! Il n’y a pas de ça ici,
seule est perceptible la volonté d’un jeune Malien de nous montrer le
double visage d’une vie, tantôt dirigée vers le Nord, tantôt vers le
Sud, avec une douceur, une candeur troublante au début, touchante à la
fin.
Allez…venez…et entrez dans l’Atelier au 1 rue de Chateaubriand pour voir l’exposition de Mohamed CAMARA « Regards croisés : Nantes/Bamako »
et laissez vous lentement séduire par l’évolution d’un artiste qui, à
19 ans, rêvait de devenir footballeur professionnel et qui par hasard,
s’est retrouvé un appareil photo entre les mains pour ne plus le
quitter…
Infos : www.carnets-de-nantes.fr
Exposition de Mohamed Camara intitulée : « Regards croisés : Nantes/Bamako »
L’Atelier au 1 rue de Chateaubriand 44000 Nantes.
Entrée Libre du 10/11 au 5/12/2010.
Du Mardi au samedi de 13h à 19h, le dimanche de 10h à 15h
Lise Rémon
Audencia L1
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