mercredi 2 mai 2018

Les os Noirs de Phia Ménard - Soizic Trohel-Herbel


Une grande salle de théâtre
                   Des personnes qui s'installent
                                           Les lumières qui s’estompent
Nous voilà, corps spectateur, plongés dans le noir, les yeux rivés sur la scène du grand T ce vendredi 26 Janvier 2018.


Ce noir, c'est tout au long du spectacle que nous allons le vivre ; il va nous transporter, nous émouvoir, nous submerger individuellement durant deux heures.

A couper le souffle.


C'est comme ça que je me suis retrouvée, cramponnée, frissonnante, face au cri de désespoir que Phia Ménard a déposé sur scène. Ce cri, c'est surtout du point de vue sonore qu'il m'a attrapée.


D'abord c'est la scénographie qui nous interpelle ; des matières noires, flottantes, gonflantes remplissent l'espace scénique. Des bâches en plastique, du papier, du tissu qui vous engloutissent comme des monstres géants.
Et c'est à ce monstre géant que l'artiste parle. Ce monstre intérieur de l'être qui dévore, qui détruit, qui le pousse au plus proche du désespoir, de la mort.


Une jeune femme est seule face à elle-même, seule face à sa perte.
Démunie.
Une vague noire l'engloutit, envahit la scène, submerge les corps et étourdit les regards.
C'est comme ça que débute la rencontre entre le public et la scène, entre moi et cette angoissante beauté de la noirceur.
Des formes en érection, noires, composent bientôt une forêt. Face à des peurs innommables on la retrouve haletante. Elle tente de se relever mais s'enfonce un peu plus dans une pénombre effroyable.
Puis, elle ; monstre, monstrueuse, inquiétante et inquiète de sa propre forme. Des cris, des grognements, tout droit venus d'un petit corps de femme, nous accablent.
Elle valse, elle tourne, traverse les âges, pousse des cris qui se transforment peu à peu, se sexualisent pour finir en cris d'alarmes de désespoir.
Ils retentissent en canon, de plus en plus en forts. Ils me crispent et m'attrapent.
Je me retrouve alors passive de mon corps, entièrement submergée d'effroi. Relativiser m'est alors impossible.
C'est là, dans le réel, et je n'ai plus de prise.


Et après ? Un point culminant. Peut-être ce point précis de la limite de l'être.
Un rectangle noir apparaît au centre de la scène. Un trou, un vide et son corps entier face à ce noir absolu.
Elle s'y jette.
Et dans un chaos, des matières s'entrechoquent et rougissent peu à peu comme si tout brûlait jusqu'au noir complet.

Noir
Des os noirs
Brûlés
Intérieurs


La femme, qui ne ressemble plus vraiment à une femme ; tout à coup métallisée, ramasse un corps brûlé, fragile et sombre.
Ce corps, c'est peut-être le sien, inanimé, qu'elle porte désormais avec soin.


De cette salle je ressors sans mots, mon corps entier submergé d'une inexplicable sensation.
Je ne pourrai en parler que quelques jours après.



Les os Noirs de Phia Ménard
http://www.legrandt.fr/spectacles/les-os-noirs


Soizic Trohel-Herbel


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