jeudi 13 décembre 2018

Le temple du temps



       Musée d'Histoire Naturelle de Nantes,12 rue Voltaire - 44000 Nantes

            Situé au Nord-Est du centre-ville Nantais, le muséum d'histoire naturelle s'érige comme un temple de notre passé. En y pénétrant, on découvre d'incroyables collections mises en lumière par la disposition type des anciens cabinets de curiosité. Cette atmosphère fait vivre en chaque visiteur le plaisir enfantin de la découverte. En passant d'une vitrine à l'autre, des minéraux, des espèces éteintes naturalisées ainsi que des coquillages s'offrent à notre regard. Toutes ses formes dialoguent entre elles et transforment la réalité en imaginaire : ce qui est mort ne le sera jamais plus, ce qui semblait figé, prend vie et ce qui était vivant se pétrifie. Ainsi, l'essence de la vie contenue dans cet écrin qu'est le musée renvoie l'humanité à son éternelle danse funèbre présente dans les gravures du moyen-âge.
            Cependant, cette nature fantasmée n'apparaît que comme un échantillon bien pâle de cet univers. La nature muséale de cette exposition révèle ses propres limites faisant prendre conscience, par cette effusion du passé, d'une réalité présente. La beauté des essences de bois disposées autour de l'escalier ne peut exister que dans le cadre de ce musée, sans quoi elles perdraient leur visibilité. On peut se demander ainsi si la nature ne peut exister aux yeux de l'humanité qu'à travers le prisme muséal ? Au fond, l'expérience du musée d'histoire naturelle dépend de l'état d'esprit de son visiteur. Il agit en miroir de nos désirs transformant la nature de ses collections en fonction de nos attentes.
            Mais où sont passés les Dodos dans tout ça ? Les tigres de Tasmanie et autres espèces, disparus ou en voie de disparition. Il est certain que les musées d'histoire naturelle auront un futur dans cette Histoire. Même si le musée de Nantes, a connu de nombreux agrandissements au fil du temps, il semble inévitable que notre histoire présente y trouvera place afin de conserver le souvenir de ce qui a été et que nous n'avons su protéger. Ainsi donc notre univers deviendra un rêve lointain.

Léa Raïs

http://www.museum.nantes.fr


Les Graveurs de la Tour de la Lanterne de La Rochelle


Les Graveurs de la Tour de la Lanterne de La Rochelle


            La Tour de la Lanterne, située à l'entrée du port de la ville de La Rochelle fut construite au XIIe siècle. D'abord résidence du désarmeur des nefs, puis phare, cette tour de 55 mètres de hauteur fit office au XVIe siècle de prison. Sur plus de deux siècles, cet édifice abrita alors des milliers d'hommes : prisonniers religieux, marins et militaires français, anglais, hollandais ou encore espagnols.
            De nos jours, seuls les murs témoignent de ce passé, ce passé de détention. Aujourd'hui lieu historique, elle recueille une collection de plus de 600 « graffitis », de gravures à même les murs.  En effet, tout au long du parcours dans cette tour, nous pouvons observer des bas-reliefs, non visibles aux premiers abords, minutieux et précis dans la pierre. Des centaines de « graffitis » d'une véritable prouesse artistique. Armés d'une pointe de fortune, les détenus gravaient alors les pierres, pendant des heures durant, sans doute des jours pour creuser cette pierre dure.
Occupation pour tuer le temps, ces gravures d'un travail rigoureux et de longue haleine étaient également un moyen de laisser une trace de leur passage en y gravant leur nom mais aussi de s'exprimer. D'exprimer autant leurs souffrances et désespoirs que leurs envies et espérances. De multiples reproductions de navires sont observables, navires que les détenus pouvaient apercevoir depuis la tour ou probablement ceux sur lesquels ils étaient marins. Ces reproductions ayant un point commun : le désir d
'évasion, et l'espoir de reprendre le large. Ce désir d'évasion se mêle au manque des proches, perceptible par leurs représentations via des portraits ou des scènes de vie.
Ces pierres pleines d'enseignement nous content alors l'histoire des prisonniers et nous éclairent ainsi d'une part de l'histoire de la ville.

Blandine Langlois 





    Photo Blandine Langlois

Par-delà l’horizon liquide, le lieu unique, Nantes


Par-delà l’horizon liquide

Du 21 octobre au 06 janvier 2019
Au Lieu Unique, 2 rue de la biscuiterie, 44000 Nantes

A travers l’épais rideau noir, c’est l’obscurité qui m’entoure. Une épaisse brume d’information dans un monde en perpétuel changement. En seulement 40 ans, l’Homme aura réduit de moitié la population d’espèces sauvages tandis que leurs images, quant à elles, n’auront jamais été aussi présentes dans notre quotidien.

 De nos écrans de cristal jusqu’aux plus profondes abysses, cette exposition se tenant au Lieu Unique de Nantes jusqu’au 6 janvier propose à une douzaine de jeunes artistes internationaux de travailler par-delà l’horizon liquide et de proposer s’ils le souhaitent un récit spéculatif d’un futur incertain. La narration de l’exposition se base sur une eau forte de l’artiste estonien Vello Vinn intitulée Fusées et sur l’œuvre de l’écrivain d’origine nantaise Jules Verne
20 000 lieux sous les mers.

Entre poésie, écologie et science-fiction, cette exposition réalisée dans le cadre du centenaire de la république d’Estonie est magiquement orchestrée par la commissaire d’exposition Kati Ilves. La scénographie de Tõnu Narro fonctionne quant à elle incroyablement bien, elle réunit au sein de l’exposition un grand nombre de médiums hétéroclites : Installation, sculpture,  vidéo, gravure et son. « Et encore, aujourd’hui nous sommes peu nombreux, les jours de grande affluence on voit tout son potentiel » me confie un des guides de l’exposition, « Même si je dois l’avouer, la disposition des cartels n’est pas son fort… ». En sortant de l’immense salle sombre, je me trouve baigné dans une lumière aveuglante. L’expérience que j’ai vécue me semblait hors du temps, ou peut-être était-elle bien trop dans le temps.

Artistes exposés :
Anni Puolakka & Jaakko Pallasvuo ; Guan Xiao ; Joey Holder ; Katja Novitskova ; Kristina Õllek ; Laura Põld ; Nicholas Riis ; Norman Orro ; Simon Wald-Lasowski ; Sol Archer ; Taavi
Suisalu ; Vello Vinn.



Georges Davidovits

FROM DOGS TO GODS, Céleste Richard Zimmermann


FROM DOGS TO GODS, Céleste Richard Zimmermann
Dans le cadre d'une exposition collective :
« Le cœur des collectionneurs ne cesse jamais de battre »
à L'Atelier, Nantes,  du 25/10 au 18/11/18


Dans cette vidéo l'artiste nous rapporte à la manière d'un documentaire une scène hebdomadaire de chasse aux rats à New York. Les R.A.T.S (comme ils se nomment) partent pour une chasse urbaine avec leurs chiens (grotesques car ce ne sont même pas des chiens de chasse mais une sorte de petits caniches).
Au final cette équipe barbare a l'air ridicule car ils se mettent à plusieurs pour un si petit animal qui est pourtant beaucoup plus intelligent qu'eux (stratégie mise en place pour fuir).
Au fur et à mesure de la vidéo on se demande qui est le plus cruel, qui est le plus primitif ?

Céleste Richard Zimmermann, ancienne étudiante aux Beaux-Arts de Nantes travaille sur un thème récurrent qui est celui de la relation Homme/Animal. En effet ici le chien : meilleur ami de l'homme se bat contre son ennemi symbolique : le rat qui représente ici le « Mal ». Il y a donc une dimension religieuse et manichéenne (le Bien contre le Mal).
On voit aussi que les chasseurs urbains faisant preuve de cruauté sont très religieux (dans leur discours), c'est presque comme s’ils utilisaient cet argument pour justifier leurs actes.

Ces chasseurs ont une réelle volonté de contrôle sur la nature, ce sont des hommes qui se prennent pour Dieu (ce qui explique aussi le titre) ils s’octroient le pouvoir de choisir qui peut vivre ou mourir.
Dans cette vidéo j'ai vu un homme « moderne » qui se retrouve à chasser l’animal des villes : un récit sombre, presque glaçant.

On peut remarquer un contraste entre la ville qui est symbole de civilisation et leurs actes barbares, sauvages, sanguinaires. Ils prennent même plaisir à se prendre en photo avec leur butin, ils se complaisent dans un narcissisme malsain. Il y a également un contraste entre un outil contemporain : le smartphone pour capturer un moment primitif : eux-mêmes avec leur affreux trophée.

Paola Bonami

Rudy Ricciotti : La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt



Rudy Ricciotti, un architecte français, publie en 2013 son ouvrage : HQE : La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt. Ce pamphlet présente la troisième version, revue et augmentée d'un texte de Rudy Ricciotti paru en 2013. 
Au-delà d'un livre uniquement critique sur un problème majeur de l'architecture, l'auteur ouvre la porte à de nombreux débats qui peuvent, en fonction de nos propres opinions et centre d'intérêt, dévier. Il est particulièrement virulent quant à l'uniformisation technique et formelle qu'engendre la HQE (Haute Qualité Environnementale, charte de chantier français datant de 2004). Ce sujet peut nous amener à penser dans le domaine de l'art à l'uniformisation des white cubes. Et si le « désordre », l'hétérogénéité d'un lieu ne pouvait-elle pas produire une nouvelle forme d'art ?
Comme évoqué en début d'article, Rudy Ricciotti a augmenté son ouvrage à trois reprises. Cette approche, au sein même de la lecture du dernier livre en date, apporte une réelle vision dans le temps. On ne se sent pas piégé au sein d'une seule et même année et des « prédictions futures ». Ses écrits ne vieillissent donc pas d'une certaine façon. Il reprend son propre travail, ses propres critiques à plusieurs reprises : une approche du travail qui se fait sentir dans ses propos.
Enfin, ce qui peut marquer le plus lors de la lecture de HQE est à mon sens le parler même de l'auteur : il mêle langage cru et soutenu nous piquant directement en tant que lecteur. Cela pourrait paraître effrayant en un certain sens : trop polémique, trop critique...etc. Cependant, il permet, de mon point de vue, de dialoguer au fur et à mesure de la lecture avec l'auteur : de débattre avec lui.

Léa Raïs

Masterclass Tsai Ming-Liang


Masterclass Tsai Ming-Liang
25 novembre, 2018.  Grand atelier - Lieu unique, Nantes

(Festival Des 3 Continents. 20-27 novembre 2018.)

    La 40ème édition du Festival Des 3 Continents au lieu unique présentait un programme Taipei Stories, dont douze films réalisés à différentes époques à Taipei, Taïwan. Your Face, Vive l’amour, Goodbye Dragon Inn, trois films de Tsai Ming-Liang ont été présentés lors du festival.

    Tsai Ming-Liang, réalisateur malaisien, a fait ses études puis travaillé à Taipei. Il a donné une conférence pour partager son histoire, ses expériences, et sa vision de la réalisation d’un film.

    Les visages, selon Tsai, sont fondamentalement intéressants ; néanmoins, les gens ne prennent pas assez de temps dans la vie pour bien regarder le visage des autres. Il explique en effet qu’il pense n’avoir véritablement regardé le visage de sa mère que deux fois dans sa vie — lors de sa propre naissance et quand sa mère est décédée. Ce que nous avons peut-être manqué dans la vie, c’est ce qu’il veut porter à l’écran et nous montrer. Il passe donc beaucoup de temps sur les visages des personnages dans ses films. Filmer des visages n’est pas plus simple que de filmer des paysages ; la composition et la lumière sont aussi complexes dans les premiers comme dans les seconds.
    Sans aucun doute, l’histoire d’un film est importante; les spectateurs, en général, regardent des films et suivent un déroulé d'événements qui s'enchaînent. Tsai produit les films avec un point de vue différent : il se concentre sur les apparences, l’esthétique de la simplicité, et laisse aux spectateurs la liberté d'imaginer. Le film perd de son mystère, ce qui est la plus belle chose pour lui, quand on en montre trop aux spectateurs.

    Pendant la conférence, Tsai a aussi mentionné la situation du marché du film asiatique. Ainsi, il a expliqué que la plupart des studios de production suivent la tendance contemporaine en produisant des films grand public. Cependant, Tsai préfère sortir du système industriel et produire des films avec un grand sens esthétique, de vraies créations artistiques.


Wen-Che LIN



Tsai Ming-Liang photo-by-Chang-Jhong-Yuan, octobre 2018

Archives #3 / Kamiel Verschuren


Archives #3 / Kamiel Verschuren
Paradise, centre d’art, Nantes
18 octobre-16 novembre 2018


Ceci n´est pas comme ailleurs.Ce n´est pas quelque chose qui saute sur moi, qui attaque directement mon regard, qui supplie mon attention. C´est un peu un bazard, qui attend tranquillement d‘être déshabillé. Il faut aller vers lui, s’approcher, se calmer. Les Archives sont un univers très stable semblant infini, qui nous invite à plonger dans la charité.
Le rassemblement d’œuvres de Kamiel Verschuren sur les dernières 27 années, nous interroge d’abord sur le nombre de vies que l’artiste a vécues. Il a mis en place de nombreux projets contribuant au progrès dans la vie publique, et a réalisé des œuvres d’art activistes traitant des questions sociales, ce qui apporte de la paix, de l’espoir.
 Il sème de la bienveillance un peu partout dans le monde. Il est à l’écoute des besoins du public et il trouve souplement des solutions pour améliorer son milieu de vie. Sa maîtrise de la question de la communauté est impressionnante. Son travail consiste en plusieurs expérimentations économiques alternatives, des projets collectifs et solidaires, des propositions de plateformes de développement d’existence artistique.  « Le but de toutes ces initiatives est de créer une vie publique, de mettre en relation les gens afin de les autonomiser des pouvoirs publics, de questionner l'autorité et de créer de la liberté, tout en assumant ses responsabilités»
Des petites surprises, le hongrois, l’architecture humaniste, la poésie circulaire.
Un très beau projet de fabrique de puzzles avec des images de vanités humaines, des catastrophes historiques, des souvenirs de souffrance. Il reprend des photos dont il n’est pas l’auteur, donc ne porte aucune signature sur les emballages, pourtant il les produit lui- même. Les puzzles seront vendus pour 100 euros dont 100 pour cent seront récupérés par la Croix Rouge.
L’espoir. Le désir de multiplier cela dans le monde entier. De s’occuper des autres. De s’offrir.
Je le nommerais l’Artruisme.  

Bianka Zamatoczka


Galerie Paradise, 6 Rue Sanlecque, 44000 Nantes