mardi 24 mars 2015

LA FABRIQUE DES SONGES


LA FABRIQUE DES SONGES
(Les Champs Libres- RENNES)

Exposition du 16 décembre 2014 au 01 mars 2015

Cécile Léna
FLOP
Etienne Saglio

Bien évidemment, le monde du rêve est des plus complexes et particuliers.
Ce monde devient celui de tous les possibles, ainsi les maîtres mots de l'exposition «  la fabrique des songes » peuvent être : « obscur, lumineux, étrange, imagination, sons, bruits, lumières et mécanismes farfelus ... »
Trois artistes prennent place aux champs libres:
Cécile Léna présente une huitaine de « jazz box », véritables modèles réduits de lieux dans une boîte close avec seulement une fenêtre pour le spectateur ainsi qu'un casque audio diffusant de la musique d'ambiance Jazz. Scènes de théâtre sans personnages avec des variations de lumières au rythme de la musique, le spectateur est alors libre d'imaginer tout ce qui peut s'y dérouler.

Etienne Saglio nous berce dans les tréfonds obscurs d'un imaginaire surréaliste  avec ces serpents de plastique qui bougent comme par magie, ou encore une collection de nuages flottants sous cloche, statiques ou dynamiques...

De ces trois artistes, l'envie me prend de m'attarder sur FLOP qui se présente comme « brico-luminologue ». Il explore l'infinie puissance poétique de la lumière dans des spectacles (notamment avec le groupe ZUR dont il est fondateur) et des installations comme ici aux Champs libres avec « les heureuses lueurs »
C'est ainsi que sont dispersées quinze machines à rêve alliant ampoules, moteurs, lentilles et toiles de projections. Grâce à des mécaniques autonomes, et la projection, ces installations créent de véritables tableaux lumino-mouvants poétiques. Les installations sont de bric et de broc, de modestes matériaux laissant place à l'ingéniosité de l'artiste …
Le visiteur vagabonde donc entre les machines en marche et celles endormies qui se relaient et créent une atmosphère onirique. Le silence et l'obscurité sont matière à créer de la lumière et des sons. Sons de machines, des cliquetis, des cliquetas de l'eau et des trucs qui tournent ou qui roulent...

Ampoule
 
Bruit
Cafetière
Diapositive,
Electricité
Filament
Germe
Halo
Imprévu
Journée
Kandinsky
Lentille
Moteur
Netteté
Ombres
Programmé
Quinze
Reflet
Sténopé
Titre
Upside down
Vapeur
Watt
Xavier
Yeux
ZUR
(L'abécédaire de FLOP sur son travail)

Une Exposition digne de ce qu'elle raconte, Une véritable fabrique des Songes est installée aux Champs Libres de Rennes …












Clément Richeux

« Ecoute dans le vent, les buissons en sanglots »


Angélique Lecaille, exposition à la galerie Mélanie Rio.

« Ecoute dans le vent,
les buissons en sanglots »

Une tectite, c'est un fragment qui se forme lorsqu'un débris de roche en fusion émanant d'un cratère de météorite se solidifie, elle obtient alors cette forme de gouttes appelées aussi les « larmes de la terre ». Angélique est une joueuse de matière, rend le mou minéral et peint avec le feu. Les explosions, ou plutôt ce qu'il en reste, donnent aux dessins obscurs de Lecaille une minéralité détonante, presque palpable. Le chiffon, la mine de plomb et la gomme donnent au grès, à la roche en fusion et à la glace une géométrie linéaire qui semble être dictée par la terre elle-même. Elle concentre les essences terrestres et les forces primales dans la nature même des matériaux avec lesquels elle esquisse ses paysages. C'est lorsque la Montagne sainte victoire se mélange aux effluves et aux miasmes colériques du Vésuve, et qu'une cascade dont on ne saurait préciser si elle se compose de feu ou de glace verse son flot d'énergie tellurique pure, et cristallise le paysage, comme si l'énergie éthérée qui émane d'elle était la matière même de la montagne environnante. Un choc thermique tout de géométrie, dans le noir et le blanc. Le bois calciné devient l'enduit du feu, et sa forme sans tâche semble taillée du savoir faire de la race révolue des terrestres, comme ressuscités par l’artiste, qui redonne un sens aux mythes oubliés et tribaux d'un peuple sculpteur de roches et bâtisseur de la terre. Ce sont les strates liquides qui de siècles en siècles reviennent inonder la terre de roches en fusion, et lorsque le sang tellurique coule, que le grès liquide se repaît des restes humains, les objets pétrifiés prennent des airs de nouveau Pompéi. Angélique insuffle dans le volatile la lourdeur du béton, revenant à une déité des forces de la terre, explorant la nature divine de la matière matrice, de Gaïa la génitrice. Elle revient au mysticisme de la création terrestre primale et met en résonance la fossilisation d'artefacts contemporains comme autant d'objets trahissant l'absence d'existences que le temps fera lentement couler sous l'asphalte. Les sacs à dos et la tente coulés sous le béton (œuvres de Briac Leprêtre) y sont des gisants, qui trahissent par la pérennité qui leur a été conférée, le vétuste et l'éphémère de nos existences. Avec l'exposition en arrière plan, ils deviennent les témoins de ce qui restera de nous après une éruption mystique, où le passé millénaire et le présent factuel cohabitent et font émerger du ciel des formes géométriques dont les origines se puisent dans le flot de la terre, irradiés par une lumière qui nous paraît assurément divine. On y ressent le frottement des plaques et l'énergie colossale dégagés par les formes qui pourtant sont lisses, comme des cristaux de verre. Sans éclaboussures, aucune. On y surprend un air presque post-apocalyptique qui nous renvoie à cette fin des temps programmée par notre race, où nos villes seront fondues dans le plomb de la colère terrestre parmi les poussières, emportées par les nuées ardentes et les coulées de lave et dont les fragments seront mis sous des cloches de verre par les générations futures ayant survécu au déclin de leur race. On sent chez Angélique les échanges de matières, les paysages à la fois pérennes et en perpétuelle évolution, modelées sans cesse par les combats  incessants que se livrent les golems et géants de pierre, déités primitives et colossales, dont le résultat se livre à nos yeux en un panel de noir et de blanc sur lequel est portée l'ombre d'un reste de cubisme. On oscille entre le brutal et le gracieux, mais le résultat, esthétisant au possible, fait l'effet d'une véritable puissance mystique sous-jacente. L’extrême finesse et la linéarité lisse et régulière, que l'on sent émerger de la tourmente nous livre un paysage fantôme de strates minérales polies par la chaleur. Angélique invente une roche spectrale, un grès sépulcral qui est aussi matrice de toute vie. L'artiste sculpte la matière pour ne plus croire aux fondements même de la science, pour ne plus croire à l'atome, ou uniquement au carbone. Pour ne plus croire qu'au spirituel qui devient la matière même de ce grès, de cette roche, enfouissant inexorablement les époques et forgeant les mythes, trouvant la petitesse et le semblant de vétuste dans son extrême pérennité, car des milliards d'années nous regardent derrière le verre d'une simple cloche. La roche prend ici valeur de matière mystique et est absorbée par les fumées et les poussières de roche diaphane et par le grès esthétisé des formations géologiques. De la mine de plomb émane une avancée dans la grotte humaine et terrestre, qui rend à ces roches fantomatiques la grandeur mystique des scènes historiques, le tout enrobé d'une lumière d'éclipse caressant et lissant le grès sépulcral par une matière spirituelle et non matérielle, sans couleur aucune. Car la couleur n'est pas dans les origines de la terre, la genèse n'est pas matière, seulement néant, seulement lumière. Seulement le noir, seulement le blanc.



 Martin Roy

Birdman


Alejandro González Iñárritu est un réalisateur mexicain connu notamment pour avoir réalisé "Babel" et le grand "Biutiful".

Cette année il nous dévoile son dernier film oscarisé (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario original, meilleure photographie) nommé "Birdman". Un titre évocateur rappelant tous les héros de la pop culture américaine de Stan Lee, Marvel et DC. tel que Spiderman, Iron man et autre super héros de Blockbusters américains qui semblent depuis une dizaine d'année être à leur heure de gloire parfaite.


Ce titre n'a rien d'anodin. Notre héros est un acteur de film de super héros, anciennement connu sous le nom de Birdman : son plus grand rôle au cinéma, en pleine reconversion dans une pièce de théâtre à Broadway. Son heure de gloire passée, maintenant presque oublié du public, il peine à trouver sa place en tant que réalisateur et acteur de talent, afin de montrer qu'il n'est pas un acteur de seconde zone, notamment près de la critique Tabitha, la critique la plus redoutée de New York, joué à l'écran par Lindsay Duncan, qui le qualifie de "personnalité" et non "d'acteur" en le menaçant de détruire sa pièce dans les médias le premier soir pour "laisser place à de vrais acteurs".


Tourné en un "faux plan séquence" avec une très grande sensation d'étouffement provoqué par l'effet huis clos et les couloirs étroits du théâtre, nous suivons notre acteur pendant les répétitions publiques de sa pièce. On le voit se heurter à des problèmes logistiques, familiaux et d'égo représenté par une voix grave dans sa tête celle de son double, de sa gloire passée : Birdman. Avec un jeu d'acteur incroyable, une atmosphère qui reprend les codes du mythe du héros dans la pop culture. Le réalisateur nous prépare avec la voix de Birdman à un renouveau, une résurrection, qui semble ne jamais arriver.


Véritable mise en abîme du cinéma et critique subtile de la perversion des films de masses à grands budgets, une bande son rythmée et intégrée au film, un casting parfait, Zach Galifianakis dans un registre plus dramatique est rafraîchissant, Naomi Watts toujours aussi convaincante depuis Funny games U.S de Hanneke, un Edward Norton qui ne perd rien de son jeu d'acteur avec un rôle provocateur et mystérieux et enfin un Michael Keaton dans le rôle de l'ancien acteur de Birdman nous renvoyant une fois de plus à la mise en abîme quand on sait qu'il incarna Batman dans le film éponyme de Tim Burton en 1989. Un ego (Birdman) charismatique et une ambiance fantastique et fantasmatique désillusionnée.


Birdman est un film prenant, du début à la fin, avec des rythmes bien jaugés, pas de creux malgré sa lenteur. Une partie huis clos qui pourrait redéfinir le genre, des personnages travaillés.
Un genre de "This must be the place" réalisé par Polanski et co-réalisé par David Fincher. Un film unique meta, docufictif et surréaliste nous plongeant au plus profond des doutes et des contradictions de la vie d'un artiste. Un must see.
 


Guillaume Aubert

Au temps de Klimt

Au temps de Klimt
La sécession à Vienne.

Pinacothèque de Paris
Du 12 février au 21 juin 2015
Commissaire de l'exposition : Alfred Weidinger




10h15 : Il pleut
10H16 : J'épie les vitrines de la boutique du musée. Coussins et dessus de table, stylo et cartes postales à l'effigie des œuvres de Klimt.
11H00 : Ticket en poche, j'entre enfin. L'endroit est clairement sombre.
11H05 : Beaucoup de tableaux, de dessins d'architecture, d'objets. L'histoire de la sécession.
11H20 : Je continue à observer plusieurs œuvres. Les cartels sont vides. Quelques phrases au mur, j'y vois un petit peu plus clair. Je cherche Gustav.
11H25 : Il est là, au fond de la pièce violette. Dans un cube en verre, les premiers dessins. Un livre. J'oublie le reste.
11H30 : Fresque sur le mur. Je l'observe par morceaux, l'espace est étroit, il n'y a pas de recul possible. La rousse aux mains crochues a l'air malicieux.
Klimt bat le rythme de l'exposition.   
Plus j'observe et plus j'en vois. Le sourire en haut à gauche, les ronces, et les chevilles liées.
11H50 : Dessins, croquis. Il y a ce cadre doré que je ne comprends pas. Mais précédé et suivi de ces corps quasiment fantastiques. Il y a Judith aussi, haute comme trois pommes, mais très impressionnante.
Il y a celle à la robe noire, celle aux cheveux rouges, celle aux boucles d'oreilles dorées. Chacune est plus réaliste que la précédente.
12H10 : La respiration devient difficile, la sortie est à droite, je reprends mon souffle auprès des autres visiteurs et de leurs enfants insupportables qui réclament sans cesse leurs cadeaux pour s'être tenus tranquilles.


http://www.pinacotheque.com/index.php?id=1000


Mary Hemmerter

Concert lors de "La Folle Journée 2015" à Nantes


            A l'occasion de la Folle journée 2015 à la Cité des congrès, eut lieu le 1er février un concert d'Antonio Zambujo, une jeune chanteur portugais dont la musique est imprégnée du chant traditionnel de son pays : le fado. Le concert a duré environ 1 heure, la scène est occupée sobrement en accord avec le nombre de musiciens (5 exécutants) et leurs instruments acoustiques. Le chanteur est assis au centre, muni d'une guitare acoustique classique accompagné d'un autre guitariste à sa droite, muni d'une guitare portugaise traditionnelle, très employée pour les lignes mélodiques et les “solos” (il y a d'ailleurs introduit la première musique). Il y a aussi une importante composante du rythme à la contrebasse (à gauche du chanteur) qui n'a jamais recouru à l'archet afin de frotter les cordes, mais uniquement en les pinçant. Cela lui a donné une certaine liberté manuelle durant le concert, car il a pu jouer également du frottement des cordes allié au battement de la main sur le bois qui constitue matériellement tout l'instrument.

            C'est déjà un choix étonnant d'y ajouter cet élément à l'ensemble car on ne le trouve pas dans un groupe de musiciens traditionnels, bien que le fado soit rythmé par les cordes pincées de plusieurs guitares. C'est un instrument que l'on retrouve beaucoup en jazz notamment. Mais ce qui va encore contribuer à la nouveauté du groupe sont la clarinette et la trompette, en retrait par rapport aux autres musiciens présents sur la scène, qui ont eux aussi leur solo au sein de quelques morceaux. Souvent en duo, ils arrivent cependant à tirer de surprenantes sensations dans la façon qu'ils ont de jouer. Par exemple lors d'un morceau, le clarinettiste (simple et basse), tout en nappant d'un son régulier (que permettent les instruments à vents en fonction du souffle) va le scinder par résonnance en “ventousant” le bec de l'instrument ce qui crée véritablement un effet de ventouse. Le trompettiste qui l'accompagne, intervient aussi par des solos, en étant loin de la vision basique que l'on en a habituellement grâce aux nuances du son souvent dans l'adoucissement et dans des valeurs de notes allongées sur le temps, comme la clarinette dans une sorte de survol figurant tantôt en arrière plan tantôt en prenant de l'ampleur. Outre ces autres éléments qui transforment la tradition, la voix de l'interprète est de manière générale presque dans le chuchotement, ce qui s'écarte encore des chants qui regorgent d'un coffre vocal puissant.

            A côté de la musique, l'artiste était très sympathique et prenait la parole lors de chaque pause; vers la fin d'un morceau par exemple, un bébé s'est mis à pleurer, les musiciens terminant à peine de jouer le chanteur dit légèrement : « je vais quand même continuer à chanter.»


Robin Lopes

Timbuktu

Timbuktu
Film de Abderrahmane Sissako, 2014



Une gazelle court dans le sable.
Elle fuit les hommes. Chasseurs à la kalachnikov.
Près de Tombouctou, dans un petit village du Mali, des hommes se sont installés. Ce sont des djihadistes, de ceux qui ne se déchaussent pas dans les lieux saints, de ceux qui font appliquer la charia sur les autres avant de le faire sur eux-mêmes. Ils patrouillent, armés, dans les rues du village et dictent aux habitants la conduite à suivre; les femmes doivent porter des gants et des chaussettes, la musique est interdite, le football est interdit, les cigarettes également. 


Abderrahmane Sissako filme le quotidien. C'est du quotidien, surtout pas du sensationnel. C'est-à-dire que tous les événements vécus par les villageois sont de l'ordre de la vie courante. C'est pourquoi les scènes de violences n'ont rien de choquant si ce n'est leur existence même. On peut dire que la caméra est complètement objective. C'est, en ce sens, un film documentaire. 


Kidane vit dans les dunes avec sa famille. Il élève des vaches. Il représente la paix, la simplicité, la vertu. Car lui aussi est musulman, mais proche de dieu d'une manière différente. Les scènes de vie de cette famille sont agréables à regarder, il s'en dégage une beauté sincère. Les rapports humains sont vrais, les discussions essentielles, n'est dit que le nécessaire, la vérité. Cette famille ne vit pas dans le village, elle est éloignée des autres hommes, elle s'en est éloignée. Elle vit là où le vent souffle, où les dunes ondulent sous le soleil du soir. Cette famille est libre et indépendante. Cependant, les djihadistes viennent parfois, quand Kidane n'est pas là, pour parler à sa femme, sans doute pour la séduire. Cela montre bien que ce n'est pas du non-respect de l'autre, mais de la non-conscience de l'autre. C'est tout simplement de la bêtise. Je trouve d'ailleurs que ce film nous en dit beaucoup sur la bêtise.


Avant d'en dire plus, il faut préciser que toutes les personnes sont filmées de la même façon, les djihadistes comme les villageois, avec leurs forces, avec leurs faiblesses (caméra objective). En effet, on peut être attendri par une scène dans laquelle un père embrasse sa fille aussi bien que par les djihadistes qui se querellent à propos de football. Je trouve cela très humain et très intelligent pour aborder un tel sujet. Revenons-en à la bêtise.
Quand je dis bêtise, je pense ignorance. C'est-à-dire que certains des djihadistes ne savent pas exactement ce qu'ils font là, et pourquoi ils font de telles choses, au nom de quoi ? De dieu ? Ou parce qu'ils ont été influencés? En bref, sont-ils maîtres de leurs pensées, de leurs actions ? Une scène est particulièrement significative. Un jeune djihadiste (qui vient probablement de France) est censé dire devant la caméra à quel point ce qu'il fait est bon pour lui comme pour les autres (je parle de la charia). Cependant, il n'y parvient pas, il bégaie, ne sait pas quoi dire, son acolyte lui souffle même les réponses. On a pitié de ce jeune homme, qui certes tue des gens, mais se tue lui-même. Les gens qu'il tuera seront morts pour rien car ses idéaux n'existent pas, et c'est là que je parle de bêtise, de bêtise profonde.
On se rend compte du ridicule des djihadistes, bien qu'ils soient armés, violents et inconscients. Le premier sentiment est celui du ridicule. Ils sont ridicules. Paradoxalement, ils en sont drôles. Sissako dans le film ne remet la faute sur personne, il nous présente une situation religieuse et politique qui a pris le dessus sur les hommes. Ces derniers sont dépassés par les événements. C'est du pur gâchis. Ce qui est dur en regardant ce film est de se dire que tout cela pourrait facilement ne pas exister. C'est complètement absurde et maintenant personne n'y peut plus rien. 


Une des forces de ce film est qu'il nous met (en plus d'être spectateur) face à l'impuissance et je le redis, face à la bêtise, à l'ignorance, aux problèmes d'éducation, de transmission du savoir.
Ce film pourrait être la base de débats sur la société, la politique, la religion, la psychologie... Mais ce n'est pas le but ici.


L'image est belle, la scène panoramique qui suit le meurtre dans le fleuve est magnifique, elle est suave et douce, très délicate. La caméra glisse d'un endroit à un autre, d'une dune à l'autre avec finesse. De plus, elle filme des belles personnes. Le sourire des uns, les magnifiques vêtements des autres, les voix, les chansons, le silence. Le personnage de l'excentrique du village est intéressant (elle me rappelle Antonin Artaud " je suis fissurée !"). D'ailleurs la scène où un djihadiste danse sous ses yeux est très poétique. Cette "folle" fait de la résistance, accompagnée de son coq elle arpente les rues, fière, libre et sauvage. Elle est comme un oracle désabusé qui a accepté le sens de la vie et le cours des choses, mais qui lutte toujours fidèlement. 


En outre, la bande originale est enveloppante. D'autant plus que dans le film, la musique est interdite... De fait, quand on assiste au chant de Fatoumata Diawara, les poils se dressent sur les visages. Mes poils ont d'ailleurs presque quitté mon visage lors de la scène ou punie par la charia, elle chante sous les coups de fouets.  Diégétique
Pour finir, je dirais que ce film n'est ni porteur d'espoir, ni pessimiste, il est une traduction du réel et de ce qui existe, de ce que vivent les gens. Ce film est de l'ordre de la transmission du savoir. Surtout ici en Europe où il est très difficile d'imaginer un autre quotidien que le nôtre.


(Merci au réalisateur pour son humilité.)
La gazelle court toujours dans le sable. 

Olivier Gros-Laroche