mardi 17 décembre 2013

Scènes ouvertes de slam à Nantes



Ils se réunissent. Presque cachés. Tous les premiers dimanches soirs au Live Bar et les seconds au Chat noir. Ils sont discrets et on les a surement déjà croisés mais on ne leur a jamais parlé.
Pourtant eux les mots ils savent les manier. Certains sont novices et hésitants alors que d'autres sont des pionniers bien assurés.
Lorsque la chance te vient et que tu connais les lieux de rendez-vous, tu t'y aventures. Au début tu te fais discret. A première vue ils ressemblent à une secte, une communauté bien fermée, tapis au fond d'un vieux bar un peu miteux.
Du coup tu fais profil bas. Tu te tais et écoutes.
Il y en a un qui monte sur scène. Il déplie son petit papier, ou non. Il ouvre la bouche. ET LÀ, la magie commence. Un flot de paroles t'englobe. Elles t'apaisent et te bercent quand il est tendre et aimant, ou te submergent et te noient s'il est rapide et acéré.
Ces poètes anonymes se livrent. Puis entre deux passages ils descendent une pression à tes côtés. Ils discutent et les langues se délient. Tu parles de la pluie du beau temps mais avec de vrais mots, ceux qui sont beaux. Si par hasard toi aussi tu écris alors tu sais bien qu'au prochain rendez-vous tu seras sur scène à leurs côtés.
Pour écouter, créer, te livrer
ou simplement te désalterer
tu sais où te rendre.
Si seul un dimanche,
une blanche
tu ne veux pas descendre.


Anouck Gosselin

Aqua Vitalis, Positions de l’Art Contemporain

Aqua Vitalis – Positions de l’Art Contemporain – Acte 2
« Aqua Vitalis, Positions de l’Art Contemporain  », Acte 2, du 15 septembre au 30 décembre 2013. Exposition intégrant le festival Normandie Impressionniste.
L’Artothèque, Espaces d’Art Contemporain,
Palais Ducal Impasse Duc Rollon
14000 Caen
Commissariat : Paul Ardenne/Claire Tangy
Artistes : Marie Aerts, Jennifer Allora et Guillermo Calzadilla, Kader Attia, Faycal Baghriche, Yto Barrada, Taysir Batniji, Lionel Bayol-Themines, Daniel Beltra, Philippe Chancel, Florence Chevallier, Alexandrine Deshayes, Marcel Dinahet, Christiane Geoffroy, Camille Goujon, HEHE, Nick Laessing, Malik Nejmi, Lucy et Jorge Orta, Zineb Sedira, Studio 21bis, Claire Tabouret, Barthelemy Toguo, Marie Velardi.


HISTOIRE D’EAU
Eau de mer, eau de pluie, eau de vie, eau de toutes les convoitises et de tous les dangers…
A peine franchie la porte d’entrée de l’Artothèque, nous voilà embarqués pour un voyage au long cours. Notre viatique ? Une grande barque voguant au milieu de la salle, sur un océan de bouteilles de verre. Barthelemy Toguo, avec son imposante installation « Road to Exile », nous transporte comme les ballots bringuebalants et bariolés qui entourent la barque.
Ne nous y fions pas : il ne s’agit pas d’un voyage d’agrément !
Les paradis artificiels nous guettent comme cette île-témoin aménagée et photographiée par Philippe Chancel : « Dubaï World, île témoin » ou encore l’œuvre de HEHE, Helen Evans et Haiko Hansen, « Nuage Vert », née d’un évènement qui a secoué Saint Ouen, un étrange rayon vert apparu dans la zone de l’incinérateur à déchets.
Si nous réchappons de Charybde, c’est pour mieux tomber sur Scylla et sur un gyrophare bleu en haut d’un socle à quatre étages. « Lighthouse », œuvre du collectif parisien Studio 21 bis. Le phare ne va pas rassurer les pauvres voyageurs que nous sommes. Il tourne vite. Et derrière lui, des photographies d’une plage, Sangatte : police, arrestation, exil.
Nous ne sommes plus très loin de sombrer… le reste de l’exposition à l’étage nous offrirait-il une issue de sauvetage ? Pas sûr !
Un globe terrestre illuminé tourne à une vitesse absolument phénoménale. Cycle de la vie. Vie qui défile. Invitation au voyage : Tu peux aller n’importe où, profites-en, hâte-toi ! Une œuvre de Faycal Baghriche, « Souvenir ». Notre vision se trouble, les contours des terres s’effacent et le bleu de l’eau envahit tout : trop tard !
En vain, notre regard cherche à se rassurer.
Une superbe photographie de Daniel Beltra capte notre regard. Sublime paysage. Forte dominance du turquoise. Des veines rouges et noires parsèment cet océan chimérique. Une île de rêve ? « Spill 4 » révèle en fait une gigantesque masse de pétrole, qui semble embraser la surface de l’eau. Alliage toxique létal.
Le naufrage n’est plus très loin. Se fait alors entendre un requiem, une marche funèbre pour hommes sans têtes. Avec « Débarquement 3 », Marie Aerts nous renvoie au printemps 1944 sur les plages de Normandie. Les images défilent, fébriles et effrayantes. Sommes-nous vivants ou morts ?
Cécile Bredeaux

Pour en savoir davantage sur cette exposition dont il ne faut pas en perdre une goutte, rendez-vous sur www.artotheque-caen.net




Barthelemy Toguo, «Road to exile », 2013, copyright Cécile Bredeaux




Faycal Baghriche, « Souvenir », 2012, copyright Cécile Bredeaux





Marie Aerts, « Débarquement 3 », 2011, copyright Cécile Bredeaux


Thomas Ferrand

MON AMOUR
Thomas Ferrand - Projet Libéral (adaptation hallucinée du Dom Juan de Molière)


Des confettis sur le sol. Un homme. Un bouquet de fleurs. A l’écart, une femme accroupie. Elle semble attendre quelque chose.  « Moi, me railler de vous? Dieu m'en garde ! Je vous aime trop pour cela, et c'est du fond du cœur que je vous parle ». Une chorégraphie se met en place entre les deux corps. L'homme se met à jouer avec elle comme avec une poupée de chiffon. Il la fait basculer, valser, tomber. Il caresse ses seins puis son sexe. «Je vous aime Charlotte je vous aime» Le jeu semble sans fin. «Je vous aime Charlotte je vous aime». Rapidement il n’est plus nécessaire de la guider. Elle exécute mécaniquement les mouvements qui lui ont été dictés auparavant. Une pomme est offerte à une jeune fille du public. La femme se jette par terre. «Je vous aime Charlotte je vous aime» Leurs gestes deviennent absurdes presque pathologiques. Pourquoi se change-t-elle frénétiquement à chaque fin du monologue ?
La comédie se répète. Une nouvelle fois. Inlassablement.  L’homme s'écrase des pommes sur le torse comme preuve factice de sa bonne foi. La transpiration perle sur leurs fronts. Il s'approche, me fixe, mais finit par embrasser ma voisine. Je n’aurais pas voulu être à sa place. embarrassée ? intimidée ? troublée ? dégoûtée ? ........... flattée ? Je sens une pointe de jalousie monter en moi. Pourquoi ne m’a t-il pas choisie ?





C.Guettier


Raw Vision

Raw Vision
du 18/09/2013 au 22/08/2014
Halle Saint Pierre, Paris
Un an après l'exposition Banditi Dell Arte, je retourne à la Halle Saint-Pierre pressée de découvrir ce qui s'y trame. Une fois devant, je ne suis pas déçue, venue à l'aveuglette, je découvre alors leur nouvel évènement. La Halle Saint Pierre présente une exposition célébrant le 25e anniversaire de la revue anglo-saxonne Raw Vision, consacrée à l'art outsider. Avec plus de 80 artistes et plus de 400 œuvres, cette exposition est l’occasion de retrouver de grands artistes issus de l'art brut. A l’intérieur, mon regard est attiré partout. Je décide de me concentrer et de choisir mon propre itinéraire.  Chaque artiste présenté a droit à un cartel bien détaillé. Ainsi je découvre des artistes souvent torturés, malades et quelquefois lourdement handicapés, ainsi que des univers sombres mais parfois contre toute attente une pointe d’espoir se fait entrevoir. J'ai choisi de vous présenter deux artistes qui m'ont marquée soit à cause de leur vie semée d'embûches soit grâce à leur œuvres particulièrement soignées.
Aloïse,Corbaz, 1886-1964 née à Lausanne figure emblématique de l'art brut. A Postdam, elle est engagée comme gouvernante à la cour. De là, elle tombe éperdument amoureuse de l'empereur. En 1918 elle est hospitalisée pour des troubles mentaux. Aloïse dessine le plus souvent avec des crayons de couleur et de craies grasses, mais aussi parfois avec du suc de pétales ou de feuilles, ou encore avec du dentifrice. Le support qu’elle préfère est le papier kraft récupéré de colis. Elle dessine presque toujours le recto et le verso. Son œuvre est peuplée de fleurs, de rois, de reines, de princes charmants, de princesses. Les thèmes que l'on retrouve régulièrement dans son œuvre sont le couple amoureux, le théâtre...
Dalton Ghetti : est né au brésil, il immigre à l'âge de 24 ans aux Etats Unis. Il commence à  travailler avec des outils des l'âge de six ans. A l'âge de neuf ans il sculpte des objets de toutes sortes à l'aide de couteaux, de ciseaux et d'un marteau. Il commence d’abord à sculpter des œuvres volumineuses puis, en 1986 il décide de créer les plus petites sculptures possibles. Son but est d’attirer l'attention sur les petites choses. Ainsi il commence à sculpter les mines de crayon à papier abandonnés. Pour Dalton Ghetti, ses sculptures sont un passe-temps, et une forme de méditation, qui nécessite beaucoup de patience. Il refuse alors de vendre ses œuvres.
Lucie Calbo



Aloïse,Corbaz

Dalton Ghetti

Armando Andrade Tudela, Zoé Schellenbaum et Genius Loci, Mathieu Pernot, Simone et Lucien Kroll, Cédric Delsaux

CONVERSATIONS IMAGINÉES

* Armando Andrade Tudela, Seuil de rétablissement,
Au Grand Café, Saint-Nazaire,
Exposition du 5 octobre 2013 au 5 janvier 2014

- Les corps absents me regardent.
- Ne les regarde pas.
- Ils m'aspirent et collent sur ma peau la lourdeur du temps. Ils me noient dans
leurs transparences.
- Ne t'inquiète pas, ils sont créés de toutes pièces.
- Mon corps devient absent, fond avec les leurs, qu'est-ce qu'il se passe ?

* Zoé Schellenbaum, Genius Loci,
A l'Atelier sur l'Herbe, Nantes

- Ça veut dire quoi "genius loci" ?
- Ça veut dire "esprit du lieu"
- Mais, un lieu n'a pas d'esprit, non?
- Naïf…

* Mathieu Pernot, Ligne de Mire,
Frac Bretagne, Rennes,
Exposition du 14 septembre au 24 novembre 2013

- C'est étrange, je me demande ce que c'est. Les images sont renversées. On
dirait un montage, une surimpression de photographies.
- C'est du présent sur du passé, un monde vivant sur un monde mort, oublié.


* Simone et Lucien Kroll, Une architecture habitée
Collectif Etc, L'appartement témoin
Au Lieu Unique, Nantes
Exposition du 25 septembre au 1er décembre 2013

- Viens, on habite ensemble ?
- Peut-être pas maintenant, on est jeune, c'est tôt. Et puis, on ne se connaît pas
assez.
- Profite. C'est une expérience. Et puis j'en sais rien moi non plus, on s'en fiche,
on verra.

* Cédric Delsaux, Nous resterons sur terre,
Au passage Sainte-Croix, Nantes

- Moi, je n'y resterais pas.
- Moi si.
- Non, multiple, duplique. Trop de choses, de fouillis. Surtout trop de failles
humaines, de conséquences et d'impacts. Trop.
- Pas assez.
- Un tas de canetons, un tas de voitures, un tas d'humains. Je ne resterais pas
sur cette terre.

Jade Joannès









Armando Andrade Tudela, Jour Transparent I, Jour Transparent II, et Jour Transparent III, 2013



Mathieu Pernot, Plage du Palus, 2012



Collectif Etc, L'appartement témoin, 2013



Cédric Delsaux, Nous resterons sur terre





Les M&M designers



Un grand dépôt.......

On y entre avec des yeux d'enfants, et comme c'est bientôt Noël, on a dans les poches quelques centimes pour s'offrir des petits bonheurs..
Et c'est suffisant, là-bas.
La veste en velours côtelée, de la vieille, on l'a pour 50 centimes.
Alors.......
Le sourire en avant, on prend tout ce qui peut être contenu dans nos sacs.
Parce que sans savoir avant, dans cette cale aux trésors, on sait qu'on y trouvera les perles auxquelles on ne s'attendait pas.

Avec nos sacs en bandoulière, nous voilà sur le chemin de la tirelire, vers le dehors.

Et puis, non.

Une petite entrée sur le côté attire nos pas.

On y voit des objets de récup' de là où on s'est arrêté.
On s'approche ........ un vélo engrainé d'engrenages qu'avec notre imagination on fait voler. Le mécanisme en suspens s'enclenche. Il pourrait voler ce vélo. Il pourrait.

Un robot pensif, tout tordu de rouille, pose à côté d'oiseaux de cuir "en-lacets" dans l'entre deux du sol et du plafond en toile de cette cabane aux merveilles.
On avance..... ..... et......
Au fond...... au fond, on fond.
Des grands volatiles de bois gravés, aux yeux profonds, solitaires dans leur élégance, nous font chavirer. On penche de l'autre côté. Du côté des rêves de l'imagination créatrice, et, poètes de nos regards, on fait virevolter ce grand manège de bois, de fer, et debout, on rêve.
Parce que la simplicité de ces objets, parle.
Au cœur, il y a leur souffle, on se dit qu'ils ont une âme, ces objets.
Qu'ils ont une âme.

Silvia Destouches


(Les M&M designers, cabinet de curiosité, LA RESSOURCERIE DE L'ILE, Nantes, Martin Leveque et Mathier Maingourd)



jeudi 12 décembre 2013

Pierre Huyghe

Pierre Huyghe au Centre Pompidou
Paris, le 27 septembre 2013

Dès le seuil de l’exposition de Pierre Huyghe, je peux apercevoir l’évaporation d’une fumée brumeuse et épaisse, et je crois reconnaître le son de la pluie s’abattre frénétiquement contre le sol.
Dans la première salle se dresse un talus de pierres, disposées de façon à penser qu’elles seraient directement tombées du ciel. Cette œuvre nous laisse seul face à une fatalité évidente : la mort. La pesanteur s’impose d’elle même, en nous élevant avec légèreté de façon à faire du visiteur l’acteur de second rôle de l’œuvre. Les pierres sont posées sur un socle blanc, la magie du contraste opère. Le face à face est inévitable.

Dans la deuxième salle j’entends des voix. Je devine un son audio, je touche de la glace et aperçois un lévrier à l’allure nonchalante traîner péniblement sa patte rose dans l’espace d’exposition. P. Huyghe joue avec nos sens, il les manipule comme s’il pouvait jongler avec chacun d’entre eux, et s’en amuser. C’est en fait de cela qu’il s’agit au travers de l’exposition de Pierre Huyghe. Il ne se restreint pas seulement à nous montrer, il nous fait Voir, ressentir. J’avance. Je me dirige instinctivement vers la pièce la plus subjectivement attrayante de l’exposition : De la brume, la déferlante de la pluie, le bourdonnement des abeilles. Mes mains deviennent moites, et mes cheveux, humides. L’artiste nous invite à pénétrer dans les abîmes de son âme, et parvient à matérialiser ses pensées, des souvenirs. Cette exposition agit comme un carnet de bord de la pensée. L’aboiement du lévrier interrompt subitement ce rêve éveillé. Une patineuse apparaît désormais devant moi. Légère, elle s’envole, glisse et touche à peine le sol. Quelque chose de Divin se dégage de son mouvement. Pendant une minute, le regard des visiteurs se confond avec la pureté d’une expression enfantine et laisse apparaître une admiration puérile, mais touchante.

Pierre Huyghe explore les facettes les plus obscures de l’art visuel à des fins sensationnelles. J’ai l’impression que si ces installations pouvaient parler, elles nous diraient : «  Sortez-nous de là, nous ne sommes pas à notre place. Nous sommes dans l’air, nous sommes dans le mouvement d’une jupe contre la cuisse d’une jeune fille, dans l’étreinte d’une caresse, ou dans le réconfort d’un feu de bois ». Il s’agit donc, selon moi, d’un questionnement de l’art in-situ à travers les abîmes de la pensée. Pierre Huyghe est un poète, et son atelier est la vie. Il saisit des instants de l’existence, et les retranscrit tels qu’il les ressent dans son fort intérieur.
Il est presque difficile de mettre des mots sur cette exposition. Il faut la sentir et la ressentir pour l’apprécier dans sa juste vérité.
Une citation du poète Rainer Maria Rilke illustre bien cette pensée :
« Les oeuvres d'art sont d'une infinie solitude ; rien n'est pire que la critique pour les aborder. Seul l'amour peut les saisir, les garder, être juste envers elles. »







François Durel

Jennifer Allora & Guillermo Calzadilla

Jennifer Allora & Guillermo Calzadilla
13 septembre - 16 octobre 2013
Co-produit avec le Festival d’Automne à Paris

Galerie Chantal Crousel 10 rue Charlot Paris 3ème

             Après vingt minutes de marche intensive dans les rues du Marais parisien nous voilà arrivés devant l’entrée de la galerie Chantal Crousel cachée au fond d’une cour. J’ouvre la porte, je prends mon petit papier explicatif et je pose mes fesses sur un des quinze cubes mis à disposition pour pouvoir regarder la vidéo projetée. Malade, j’essaye de couper mon souffle fort qui résonne et fait mauvais écho à la vidéo, la pièce est sombre et le silence règne, je ne veux pas déranger. Allora & Calzadilla ont réalisé un film qui tente de représenter, en termes visuels et musicaux, un processus de transcription de la figure de la Vénus en musique, utilisant les proportions de la statue comme une gamme musicale. Ils ont demandé au compositeur David Lang d’écrire un solo pour violoncelle à partir de ces règles. Pour le film, la violoncelliste Maya Beiser joue la composition de David Lang à la Vénus de Lespugue originale. Vidéo émouvante, ce ne sont que des gros plans sur le visage de la violoncelliste, sur ses doigts qui tapotent les cordes, sur la colophane qui s’échappe de ses gestes. J’écoute la mélodie grave dans une ambiance sensuelle…Je suis alors prise d’une quinte de toux, je me lève, je trébuche, je dois sortir.

Deuxième round, je re-rentre et au moment deressortir pour partir, quelqu’un m’agrippe le bras, « Ce n’est pas fini il y en a une autre ! ». Cette salle était cachée mais j’étais tellement gênée d’être malade et de déranger par mes raclements de gorge que j’ai presque fait exprès de ne pas la voir. Surprise, un homme chante, il racle sa gorge comme moi, je ne comprends pas vraiment ce qu’il se passe, il communique avec des ossements. J’essaye de regarder mon petit papier pour comprendre mais plongée dans le noir je ne peux pas lire. Pourquoi faire un concerto pour animaux morts ? C’est comme s’il leur racontait une histoire. L’archéologie, la musique et la performance se mêlent, les artistes s’inspirent et jouent de la science avec des faits quasi fantastiques. Silence, la vidéo l’impose. Ça me rappelle l’homme qui tente de communiquer et de créer des nouvelles relations avec des animaux en captivité, comme l’expérience organisée par des musiciens qui avait pour but d’étudier l’impact de la musique humaine sur des espèces non-humaines au jardin des plantes de Paris je crois, vers 1789.

La vidéo se termine, je dois sortir mon état de santé empire. Lumière, j’en profite pour rouvrir le papier que je tiens dans la main depuis trente-cinq minutes sans pouvoir en lire une miette. En fait « les concepts d’homme, de vie et de nature, ainsi que les frontières entre eux, définies par leur rapport à la guerre, la captivité, l’esclavage et d’autres formes de domination et de contrôle social et politique, émergent à cette époque » (j’imagine la révolution). « A cela s’ajoute la question de la musique en tant que possible métalangage inter-espèces, un mode de communication proto-linguistique, non-symbolique et affectif dont la base est biologique et évolutionnaire.
Les artistes ont exploré dans l’ensemble de leurs films les relations entre les proportions et les disproportions, l’harmonie et le déséquilibre, des relations commensurables et incommensurables. Je rentre ça m’a épuisée.



Site de la galerie : http://www.crousel.com/home/

                                          Film 3
 
                                          Apotome

                                          Apotome



                                                                                                                                        Camille Coléon


mercredi 27 novembre 2013

Pierre Huygues, Centre-Pompidou


« Pierre Huyghe » au Centre-Pompidou de Paris du 25 septembre au 6 janvier 2013.
Commissaire d’exposition : Emma Lavigne.  


Beaucoup l’ont adorée, émerveillés devant l’imaginaire d’un espace organique et onirique, alliant féerie et troubles par des métamorphoses, des hybridations, des rencontres inattendues qui n’avaient encore jamais été proposées auparavant au sein d’une exposition. Entre le rêve et le cauchemar, Pierre Huyghe fait partie de ces artistes contemporains qui revisitent le statut d’œuvre d’art et plus particulièrement de l’espace d’exposition ; un projet qui est d’autant plus influent dans l’immense bâtiment du Centre Pompidou de Paris aux allures d’usine et industrie (une présentation au Palais de Tokyo aurait-elle alourdi au contraire le travail de l’artiste dans un lieu davantage « industriel » ?). Par la désignation d’un tel espace je parle entre autres d’une confrontation directe avec la nature, insectes et animaux bien réels ou désignés par vidéo ou performance, d’un espace d’exposition dégradé par un temps que l’artiste a lui-même remonté, et de découvertes technologiques, machine à faire pleuvoir ou jeu de lumière interactif au plafond. La nature organique est représentée dans toute sa puissance, régnant au-dessus de toute création humaine, inondant les architectures urbaines, envahissant les œuvres d’art en ignorant leur sacrement, ce qui est d’ailleurs paradoxal avec la propre représentation de cette nature en œuvre d’art, que la nature elle-même ignore. Ces lieux sont aussi la démonstration du temps, et de l’impuissance de l’homme à vouloir cacher ses effets : l’espace d’exposition n’est plus l’espace frais d’une démonstration contemporaine sur des murs immaculés mais il devient lecture transparente d’une succession de couches qui s’est établie sur un certain temps, des couches d’artistes et de peintures usés.
Mais c’est par ailleurs cette même vision de l’espace qui peut déranger le spectateur, fatigué d’un parcours naïf et innocent il se sent pantin d’un spectacle destiné à l’émerveiller par des effets visuels et surprenants. Bien que ces œuvres ne soient pas sans signification ni opaque à toute lecture intelligible, il est vrai que l’ensemble de l’exposition est basé sur un très long parcours d’œuvres diverses qui s’apparente à un fourre-tout dans lequel chaque œuvre perd de son sens et son attractivité. Car l’exposition est très grande, que le nombre d’œuvres est très important et que le travail de Pierre Huyghe est présenté sous tous les médiums et thèmes possibles, le regardeur accorde moins d’intérêt à chaque œuvre dans son unicité et préfère se consacrer à l’émerveillement de ce qu’on lui offre. Ce qui est dommage car beaucoup de ses œuvres mériteraient de se pencher un peu plus dessus et d’être isolées d’une ambiance extérieure.
Pourtant Pierre Huyghe est un artiste qui ne peut être détaché de son univers, un univers qui est bien reflété dans cet ensemble, dans sa diversité comme dans les liens entre ses différents travaux.


A.Fournié
Untilled (Liegender Frauenakt), 2012.

Timekeeper, 1999

Untitled, Acte 2 (Light Box) L’Expédition Scintillante, 2002.


Hilarious, Roee Rosen


Hilarious, de Roee Rosen
à l’Atelier Millefeuilles, Nantes

Capture d'écran, vidéo accessible sur internet : http://vimeo.com/35370617


Une vidéo d'une vingtaine de minutes, autant de temps qu'il en faut pour se rendre compte qu'un mécanisme intelligent et subtil opère.

Une scène, des spectateurs, des musiciens pour faire le « poum-tchaaa » des punchlines, et une supposée humoriste qui se présente : Roee Rosen.

Expressions faciales folles
Vouloir rire
Attendre
Ecouter
Etre déstabilisé
Attendre encore
Histoires
« It's heartbreaking »
Tu l'as dit
Un peu de transpiration
Malaise
profond
Histoires
tristes
Zygomatiques
off
On baisse les yeux
détourne le regard.

Capture d'écran

Margaux Foucret


Couleurs Plossu, séquences photographiques, Pavillon Populaire


BERNARD PLOSSU
Couleurs Plossu, séquences photographiques 1956 – 2013
au Pavillon Populaire, Montpellier (28 juin-6 octobre 2013)
Commissaire d'Exposition : Marc Donnadieu


Grenoble, France, 1974 - © Bernard Plossu


     Au milieu d’une de ces journées où tu erres sans savoir quoi faire de tes pieds, de tes mains, de ta tête, tu trouves toujours quelque chose à faire de tes yeux. Le bâtiment du Pavillon Populaire est apparu, une réponse venue de nulle-part, comme ça, paf. Les photographies de Plossu, c'est un peu pareil, elles me sont tombées dessus, mais dans un choc feutré.

     Ce sont des images troubles, troublées, troublantes, à la fois grises et à la fois gueulant leurs couleurs, mais de façon sourde. Enfin. Je rectifie : elles sont silencieuses. Elles donnent envie de se taire et de les regarder. Non, plus : les voir, de se plonger dedans, de se confondre avec elles. Ce sont des photos qui fourmillent.
     Je parlais de silence, précédemment, et c'est drôle, mais finalement, il y a du bruit. Du bruit, du grain, comme des grains de sable, comme des grains de sable du temps, comme pour un sablier, comme ces cinquante-sept années de photos offertes aux yeux. Des échantillons mystérieux de tout ce temps. Tu te dis que holy shit, il y a des clichés qui datent.
    Après réflexion, je dirais - de façon triviale : en fait tu t'en fous un peu de quand ça a été pris. Les photos t'atteignent tout autant en plein cœur, quand bien même elles aient pu dormir tant de temps dans les archives perso de Plossu (qui a longtemps été really famous pour ses noirs et blancs, mais qui gardait ses travaux couleur de côté et ne les sortait que pour des occases bien choisies).
    Plossu a décidé de donner dans les notices de l'exposition le lieu et l'année où il a appuyé sur la gâchette. Il se situe dans le temps et l'espace, mais en vrai, j'ai rien retenu, sauf l'information basique qu'il est allé un peu partout. Il a bougé, le type, il a navigué entre les continents, il est allé dans les villes, dans les forêts, les déserts. Ah, si, je me rappelle : un peu d'Ardèche par-ci, un peu de Sahara par-là, et quelque peu de Mexique là-bas aussi.
    Toutes ces petites informations, repères spatio-temporels, j'en parle, j'en parle. Au final, c'est pas forcément le plus important. Déjà, Plossu, il prend des choses simples (ça n'enlève aucune profondeur, aucune complexité dans son travail) en photo. Il se prend pas le chou. Mais il sent beaucoup de choses.
C'est des lignes qui se tirent, et tu te dis que même au-delà des limites de l'objet photo, les lignes elles poursuivent leur route, elles font leur bonhomme de chemin.

    Ces grandes photos, quand t'arrives devant, tu peux plus bouger. T'es en plein dans un instant, à la fois tu as la connaissance rationnelle que c'est un instant mort, et pourtant, ce qui focalise tes yeux, c'est juste de la vie, des purs moments de vie. Plossu, il est fort, parce que clairement, il touche du bout de l'orteil quelque chose d'insaisissable. Je sais pas si on peut comprendre, expliquer, savoir. Il y a juste à à à voilà.
C'est un étrange voyage dans l'existence, un voyage dans le regard, le tien, le mien, le sien, le leur.

Paris, 1967 - © Bernard Plossu 

 Mexico - © Bernard Plossu


Margaux Foucret

Performance Loss, Association Panem&Circences, Collectif A.LTER S.ESSIO.



Performance Loss

(Danse, vidéo, arts numérique, son, performance )
Durée : environ 25 minutes
Le 10 Octobre 2013 au Stéréolux à Nantes

Organisé par Cosmopolis et Stereolux, dans le cadre de Itinéraire Nantes-Japon 2013

Association Panem & Circences // Collectif A.LTER S.ESSIO.
Conception, création sonore, vidéo : Fabrice Planquette.
Chorégraphie : Yoko Higashino, Yum Keiko Takayama, Gianni Joseph.
Interprétation : Yum Keiko Takayama.
Costumes : YKT, YH.
Dessins : Matthieu Levet, Cécile Attagnant.
Production : Panem Et Circenses



On se retrouve assis par terre, tout simplement, en tailleur. Si je tendais le bras, je pourrais toucher la scène.

Une ambiance étrange envahit la salle à mesure que les gens cherchent un endroit où s'installer.
Les lumières sont tamisées, les murs et le sol sont noirs, on ne voit presque rien. Seul émerge ce carré de scène blanc, très peu surélevé.
Posé au centre, recroquevillé sur lui-même, le corps de ce qu'on imagine être la danseuse, semble endormi.
Ça va commencer.
Le son ! C'est lui qui ouvre le bal. Il arrive et envahit tout, même l'intérieur de mon corps. Chaque note se fait lourde et vient secouer mes muscles, bousculer mes neurones.
Le corps ! Si, il bouge, il alterne dans la pénombre mouvements doux et saccadés.
La lumière ? Pour l'instant on doit faire sans, et mes yeux se plissent.
Dans cette atmosphère trouble, l'effort de la danseuse devient le mien.

FLASH BLANC,
VOLUME MAXIMUM,

Brutalement tout s'éclaire, la musique passe dans les aigus, la danseuse se redresse et nous fixe à travers son costume, une sorte de collant chair qui lui recouvre le visage.
Le choc est intense, physique. On navigue entre les extrêmes ; on est quelque part entre la saturation et l'épuration, entre une rêverie impalpable et une douleur brute.
Le spectacle est total. Petit à petit, la danseuse sort de sa camisole et se dévoile. Elle est si expressive ! On dirait qu'elle cristallise tous les maux humains sur son visage.
Elle déverse son combat : un récit entre désir de verticalité et chute, violence contre le monde…
Ou serait-ce l'inverse ? Qui a tiré le premier ?
Tous les éléments fusionnent : la vidéo caresse le mouvement de la danseuse; les dessins très graphiques prennent vie à son contact; la musique semble être le fruit de sa danse…
Tout cela s'imbrique et converge comme un rituel, amenant la danseuse au corps frêle, à se transformer en puissant samouraï.
Je ne suis plus sûr de ce que je vois, la musique est trop forte.
(…)
Quand les lumières se rallument, la danseuse revient saluer. Elle sourit gracieusement, presque comme une enfant. J'échange quelques regards avec les gens de l'assemblée, encore une fois éblouis,
ou peut-être gênés, comme si on avait tous fait le même rêve.



Camille Juthier.

Evènement : http://www.stereolux.org/performance/loss-performance-mutlimedia-10-10-2013

Extrait vidéo (vidéo d'un duo, et non d'un solo comme à Nantes ) : http://vimeo.com/31861075

mercredi 20 novembre 2013

Pierre Huyghe

Pierre Huyghe
Centre Pompidou, Paris.
Galerie sud
25 septembre 2013– 6 janvier 2014

       

                         











 Plan de l’exposition                                             Pierre Huyghe, Untilled (LiegenderFrauenakt), 2012
                                                                                             












Exposition ludique, vivante et organique où le spectateur participe à l’évolution des œuvres.
Le travail de Pierre Huyghe interroge la notion d’exposition et du statut de l’œuvre.
Pour lui, « expédition rime avec exposition ».
Dès notre entrée dans l’exposition, un homme annonce notre arrivée en criant, comme si l’on était attendu.
La scénographie détient un rôle majeur à travers cette rétrospective.
La circulation anime l’exposition, en effet l’exposition est  organisée comme un labyrinthe de façon à ce que le spectateur y crée son propre parcours. Chaque espace n’y est pas bien défini. Human, un chien blanc à la patte  rose s’y promène.
Les sonorités et résonances rythment l’exposition.
Omniprésence de l’eau à travers tous ses états  et d’insectes (fourmis, abeilles, araignée de mer, Bernard l’Hermite, araignée, poisson, chien).
Une expédition intrigante qui se situe entre réalité et fiction.

M. d’Amarzit
   


L’Expédition Scintillante, 2002. Acte 1 : Untitled (Weather Score)