jeudi 21 décembre 2017

Haruki Murakami "Le passage de la nuit" Déborah Bron

  
Haruki Murakami - Le passage de la nuit 
     Une nuit sombre et noire à Tokyo, où le temps s’égrène lentement et où l’on retrouve une certaine nostalgie. Murakami évoque la situation la plus «naturelle» à laquelle chacun de nous est sans cesse confronté ; La nuit, elle, est universelle, c’est un fait, chacun la subit, chacun s’en sert comme il le souhaite, c’est là où une partie du monde s’endort, et une autre s’éveille.           Une horloge marque le temps à chaque début de chapitre, on suit différents personnages et plus la nuit avance plus les personnages se révèlent et se découvrent, toujours à mi-chemin entre rêve et réalité. Lire ce roman c’est toucher de près à la simplicité au-dessus de laquelle chaque être humain passe sans y accorder beaucoup d’importance, on en ressort attentionné et perspicace quant à ce qui nous entoure. L’histoire se met en place doucement, laisse des indices, ne révèle pas tout elle nous remémore aussi des sensations lointaines rangées dans un coin oublié de notre mémoire. Ce  livre est un temps de méditation et de calme, où l’on s’autorise à ralentir, à faire une pause avant de retourner à une vie où tout va parfois trop vite... C’est une histoire courte, à l’écriture fluide et rythmée. Grâce aux nombreuses incursions de la musique, on baigne dans des ambiances allant du jazz à la musique classique créant une bande son à l’histoire.  L’auteur rend le quotidien merveilleux ou effrayant laissant une certaine marge de manœuvre pour interpréter son dénouement puis nous observons les personnages comme si la caméra utilisée par l’auteur était finalement tenue et dirigée par le lecteur. Et même si je n’arrive pas à imaginer quelle forme cela pourrait prendre, j’aimeraie en voir une adaptation. Je me suis attachée à chacun des personnages voyant le matin arriver avec regret.

Déborah Bron

mercredi 6 décembre 2017

Carré 35 - Mathilde Lagaron









CARRE 35 de Eric Caravaca est un film français sorti le 1er novembre 2017.
(Durée 67min)

Dans ce film, Eric Caravaca entreprend un travail d’enquêteur pour découvrir le mystère sur sa petite sœur, disparue quand il était jeune. A travers des photographies de son enfance ou encore des témoignages celui-ci découvre peu à peu la vérité. 
Il grandit alors dans une famille traumatisée et muette. Il essaye de se construire une 
identité sur des mensonges et semble finalement au long du film se chercher lui-même, comme une quête de sens à sa vie. 

Il réalise ce film sur une période de 10 ans (1954-1964) qui ont été très flous et témoignent de l’indépendance de l’Afrique du Nord. Il met ces événements en avant pour illustrer cette mémoire que l’on tait. Lui, la rapporte à son histoire personnelle et cherche à mettre en exergue la mémoire de sa sœur, ce qui apparaît comme une envie de transgresser les tabous. 


L’élément qui me parle particulièrement dans ce film, en est le sujet même : son rapport à la mort ; l’idée d’enquêter sur sa sœur morte pour faire revivre un fantôme. Ou encore, en filmant son père après son décès pour rendre immortel son entourage. 
Et c’est aussi sa manière de traiter le secret. De plus, en demandant à sa mère de jouer et non à une actrice, on ressent à l’écran un vécu et non un rôle. Les émotions deviennent ainsi saisissantes. Et alors que sa mère vieillit au long du film et des « interrogatoires » le déni laisse place à une acceptation. 
Son enquête par les photos se révèle être un puzzle avec des pièces manquantes qu’il parvient finalement à reconstituer. 
Enfin, le cinéaste sait mettre en avant la puissance de l’image qui est évocatrice de sens et qui, de ce fait, remplace les mots comme cette photo révélant une famille qui semble chercher des souvenirs cachés et ensevelis.


M.Lagaron L1

Flood - Cécile Dugue

FLOOD      
De Daniel Linehan
Au Lieu Unique
Du 14 au 15 novembre

Entrée en salle sous l’œil des danseurs déjà présents. La lumière s’estompe laissant place à cette ambiance bien connue des spectacles nocturnes. De grands voiles rectangulaires suspendus au centre de la scène occupent une place que je pense déterminante. Les danseurs prennent vie et dessinent leurs gestes dans l’espace.
s’entrechoquent
courent
parlent un langage méconnu
deux duos
quatre vies
se croisent
se décroisent
expérimentent
crient
virevoltent
jouent
touchent
recommencent
accélèrent
Le temps passe, la pièce de voiles blancs à l’intérieur de cette imposante salle noire n’a toujours pas été sollicitée. L’ennui m’étreint, l’envie me retient. Je veux voir cette toile s’animer sous mes yeux. L’énergie dégagée par ces corps frénétiques créer un environnement confus. Les mouvements, devenus familiers par la répétition de ce parcours, s’accélèrent et se recentrent. Jusqu’à s’immiscer à l’intérieur de ces tissus fluides. La danse se lit à travers les couches imbibées de lumière. La pièce qui au départ se compose d’humour, d’énergie et de vitesse, se transforme en une chorégraphie poétique, envoûtante, presque chimérique. Un temps qui s’évapore. Les ombres dansent, se multiplient, et disparaissent à mon regret. La lumière qui remplissait la scène entière s’est recentrée jusqu’à ne devenir qu’un point au loin.


Clémence Dugué

Les seules formes, les seules questions - Cécile Dugue

GROTTA PROFUNDA, APPROFUNDITA, Pauline Curnier-Jardin 
à la Biennale de Venise 2017

Les seules formes, les seules questions

Il n’y a pas plus éprouvant que la Biennale de Venise pour la concentration, car partout dans la ville s’ouvrent des expositions comme des joyaux dans un écrin déjà lui-même du plus grand raffinement. Les parures des rues sont époustouflantes, le regard ne peut qu’être ravi, sollicité et comblé, pourri-gâté. Et lorsqu’on rentre dans un Palazzo, là encore c’est magique, des œuvres  d’art contemporain, du design à l’art conceptuel, de la peinture, de la vidéo, de la sculpture, de la musique, tout, quoi !
Et puis on rentre dans l’immense Arsenal, on en a encore partout autour de soi, c’est de l’artillerie lourde, c’est superbe, ça dégouline d’art contemporain, de bon goût, d’exceptions, on est gavé, on en veut encore, c’est de la boulimie, on vomit un coup et rebelote. 
Tout à coup, on entre dans une sorte de bouche en papier-mâché, c’est très sombre, on se demande ce que c’est que ce recoin de l’expo, et on se retrouve face-à face avec l’essentiel. On oublie tout. La Poésie est là, dans cette grotte. Elle se jette sur nous, elle va tout profond dans l’obscurité, dans ce qui est humain, là, dans ton ventre et puis partout. C’est la seule rencontre de la Biennale qui totalise le corps et la pensée, qui n’est pas qu’une surface, qui est même le dessous de la croûte. Et comme sont belles ces aspérités !
Dans la caverne, je tâtonne un peu avant de retrouver mon équilibre — le sol est inégal. Vingt minutes coulent et ce n’est pas un léger « tic-tac » à l’horloge ; non, ça résonne violemment, il y a une présence, une présence qui traverse la vidéo pour se retrouver, étrange, dans la grotte verte et rouge. C’est exubérant : des démons, des rochers, des jeunes filles dansent et leurs chants racontent un rêve universel. Je me crois revenue à des temps où la tragédie était sacrée, où l’opéra n’existait pas encore. La musique vient de la terre, sous la surface ; elle cherche un dieu, elle trouve des corps. Une araignée ou une femme ? Il y a une foule de moments, mais tout est linéaire : la seule spiritualité contemporaine est un pleur, un vagissement de nourrisson. Et il y a le rire ! La joie absurde, évidente, jouissive du mouvement perpétuel, que les questions n’entament pas.
La lumière enrobe, délivre, mais surtout garde les mystères. Elle encercle les mythes dans une grotte profonde, approfondie.


Cécile Dugué

Nantes triptych Bill Viola - Méline Chargé

Nantes Triptych- Bill Viola

Installation vidéo à la  Chapelle de l'Oratoire, musée d’arts de Nantes (10 rue Georges-Clemenceau) du 23 juin au 18 mars 2018
Site de l’artiste : http://www.billviola.com/
La vidéo, réalisée par Bill Viola, a été conçue à l'origine comme une commande pour le Centre National des Arts Plastiques en France, pour être montrée dans une chapelle du XVIIe siècle au Musée des Beaux-Arts de Nantes en 1992. 
Elle se présente sous forme de triptyque en écho aux peintures religieuses dans l’art occidental, montrant au moyen de la vidéo sa version contemporaine d’iconographie spirituelle. L’artiste nous invite à découvrir sa perception des cycles de la naissance (accouchement entièrement filmé), de la mort (derniers instants d’une vieille dame, la mère de l’artiste, filmés aussi) et la vie, symbolisée par les ébats, aisés ou difficiles, ardents ou étouffés, d’un homme qui se meut entre deux eaux, par le biais de trois écrans vidéo en diffusion simultanée Au premier cri de vie du nouveau-né répond le dernier souffle de la mourante (accompagné de ceux du nageur) et d’une bande sonore de pleurs, de mouvements d'eau et de respiration dans une boucle de 30 minutes.
Le personnage central souligne un entre-deux, tiraillé entre la vie et la mort, il traverse des phases  alternées de turbulences et d’immobilité ondulante, maintenue en suspension fragile devant un espace indistinct et ombragé. Le corps flottant dans le panneau central a été filmé dans une piscine pour un travail antérieur, The Passing (1987-88).  
Bill Viola met en évidence que l’expérience de la mort est commune aux religions et qu’elle traverse tous les lieux et tous les temps. La réflexion de Bill Viola sur la temporalité s'accompagne d'une prise de conscience de la finitude humaine. 
Pour lui, la naissance et la mort, les marqueurs qui délimitent notre durée de vie, «sont des mystères dans le vrai sens du mot, non destinés à être résolus, mais plutôt expérimentés et habités, et «des questions telles que la naissance et la mort ne commandent plus notre attention après qu'elles ont été expliquées physiquement» et qu'il est essentiel d'y revenir en tant que «réveil» avec de puissantes émotions cite Bill Viola dans Effets spirituels (1995, p.273).


Chargé Méline

Linnæus in Tenebris - Margot Darnat

CAPC Bordeaux
Linnæus in Tenebris
NAUFUS RAMÍREZ-FIGUEROA
Installation in situ et performance conçues pour la Nef du musée


Nous avons eu une bonne idée en nous pointant devant le CAPC dès le lever du jour, l’endroit est désert. Un ancien entrepôt de denrées coloniales en plein milieu de Bordeaux, l’expérience du lieu est complète, froide et lourde. Le bâtiment gigantesque, et je n’ose pas faire de bruit pour ne créer aucun écho perturbateur, pourtant nous sommes les seuls visiteurs.

Ils ont enfermé des plantes anthropomorphiques en polystyrène dans la nef. Ici dans le noir, leur faux feuillage phosphorescent luit. Cette végétation est plutôt sage, elle ne cherche pas à s'expandre,  chacune cantonnée à son petit socle, son petit espace, séparées les unes des autres comme une dizaine de scènes qui s’enchaînent.
Ils ont pendu des arbres anthropomorphiques en polystyrène dans cette pièce et ont disposé des petits autels singuliers en terre. Cherchent-ils à s’excuser ? Mais les offrandes sont inutiles à un végétal déjà mort, que pourrait-il bien faire d’un peigne ?
Ces organismes ont déjà abandonné, restent prostrés dans un coin, seul un se débat encore : cet arbuste est convaincu qu’il finira par se débarrasser de cette enveloppe qui l’entoure et l’étouffe.

Un écriteau disposé à l’écart témoigne de la préoccupation de l’artiste : la souffrance de la terre et celle des hommes qui l’exploitent.

Pendant notre déambulation en ce lieu sombre nous sommes aveuglés par les seuls éléments lumineux de la pièce, des lumières blanches très théâtrales qui jaillissent de longs spots et le tunnel éclairé menant à l’exposition voisine : « 4,543 MILLIARDS. La question de la matière ».

Nous nous y dirigeons, figeant dans le temps de nouveau l’espace et ses habitants.


Commissaire : Alice Motard

Margot Darnat




lundi 27 novembre 2017

"Refaire surface" - Simon Bousquet

Centre d'art le LAIT, Albi. 

Refaire surface


Toujours y aller. Toujours par hasard. Peut-être par manque de publicité. Ou juste parce que je ne regarde pas assez quand je suis à Albi. La surprise est toujours bonne, non ?

Traverser le pont neuf pour s'y rendre. Au Moulin de l'albigeois. Le lieu d'exposition est en dessous d'un hôtel.

Refaire surface
Par terre, des piles de livres, des catalogues d'expositions.
-  Servez-vous c'est gratuit. 
- On va d’abord visiter l'exposition. Merci.
- Elle se trouve dans la salle en bas. »

La salle du bas. En dessous de l'accueil, qui peut aussi servir de salle d'exposition.
Un panneau à l'entrée indique les artistes exposant des photographies pour cet événement : 
Pilar Albarracín - Ziad Antar - Vasco Araújo - Pierre Ardouvin - Oreet Ashery - Bertille Bak - François Bellenger – Alain Bernardini - Filip Berte - Véronique Boudier - Thierry Boyer - François Curlet - Nicolas Daubanes - Marcel Dinahet – Yasmine Eid-Sabbagh - Malachi Farrell - Luciana Fina - Maïder Fortuné - Michel François - Véronique Hubert - Pravdoliub Ivanov – Valérie Jouve - Deana Kolencíková - Jan Kopp - Chourouk Hriech - Frédérique Lagny - Lia Lapithi Shukuroglou - Bertrand Lamarche - Florence Lazar - Daniel Lê - Claude Lévêque - Jennis Li Cheng Tien - Nathalia Lopez - Eric Madeleine - Roberto Martinez - Phoebé Meyer – Jean-Luc Moulène - Frédéric Nauczyciel – André Parente - Françoise Parfait - Laurent Pernel - Pratchaya Phinthong - Abraham Poincheval - Paul Pouvreau - Hugues Reip - Tania Ruiz - Avelino Sala - Paola Salerno - Mira Sanders - Larissa Sansour - Susana de Sousa Dias - Stéphane Thidet - Maria Tsagkari - Niek Van de Steeg – Eric Valette - Christophe Viart - Luciano Vinhosa.

Ils ont donné ces clichés en réponse à un sujet. Refaire surface. Ils y sont tous déjà passés.  

Il se passe quelque chose. Première fois que je vois des cimaises dans cette salle. D'ailleurs première fois que je vois la salle. Son architecture. Ses détails. Sa lumière. Sa complexité. Sa beauté.

« C'est la dernière exposition ici. »
- Ah bon ? Mais pourquoi ?
- On va déménager. Le lieu a été revendu à l’hôtel du dessus.
- Mais du coup vous allez être où maintenant ? Le centre ne ferme pas ?
- Pour l'instant nous allons être mis au manoir du parc Rochegude. Et après on ne sait pas.
- Mercure vous a dévoré. C'est dommage...
- Ne me le faîtes pas dire.

Beau pied de nez, après trente d'existence en ces lieux. Un travail de Valérie Jouve, Daniel Lê, Éric Valette, Françoise Parfait, membres du collectif d’artistes et de chercheurs Suspended spaces, et avec la collaboration de Jackie-Ruth Meyer, directrice du Centre.
Un beau pied de nez, un dernier, forcé, comme le déménagement.

Simon Bousquet





"She was dancing" - Mathilde Crepet

She was dancing
Musée d’arts de Nantes, performance du jeudi 16 novembre, une autre aura lieu au TU-Nantes le 21 novembre à 20h30 dans le cadre des rencontres de la scène au musée.
Rencontre entre le poème Orta or one dancing de Gertrude Stein de 1912,  portrait de Isadora Duncan et de la danse La Mère d’Isodora Duncan en 1921, par la chorégraphe Valéria Giuga, qui elle-même interprète sa chorégraphie « Has been, she was dancing » avec Roméo Agid et Jean Michel Espitallier le batteur.
Valéria amène des questions d’époque de la danse à travers le titre de son interprétation qu’elle mêle à la pratique de la danse duncanienne qui se montre très épurée, saccadée et rythmée.
Deux personnes, mêmes habits, même tenue, mêmes couleurs, même perruque, même position d’attente, même présence,
Une bande son lue, un poème, un mot, une répétition, un autre mot,
Un geste, un mouvement, un pas de côté, les bras se lèvent, la tête pivote,
Un poème, un mot, un geste, un mouvement, un rythme
Un poème, un mot, un geste, un mouvement, un rythme 
Ensemble, en même temps, gestes par gestes, mouvements par mouvements, déplacements par déplacements, envahissant l’espace, la salle du musée
Une batterie vient s’ajouter, un autre rythme, un mot, un geste, une note, un autre geste, du mouvement, l’accélération du rythme et donc des mouvements
Un mot, un geste, un rythme, des mots, des gestes, des rythmes, des mouvements, une danse


CREPET Mathilde, L1

mardi 14 novembre 2017

"Winnipeg mon amour" Agathe Gallion

« Winnipeg mon amour » : une ode aux villes natales ?




Réalisé par Guy Maddin et sorti en 2007, « Winnipeg mon amour » est un film en noir et blanc qui traite de la question de l'attachement local.

Avec « Winnipeg mon amour », le réalisateur canadien rend hommage à sa ville natale Winnipeg, capitale du Manitoba au Canada. A travers ce film à la fois documentaire et psychanalyse, on est entraîné dans un voyage au cœur des souvenirs du réalisateur, qui tente de « s'échapper » de Winnipeg, où il finit toujours par revenir, physiquement ou mentalement. Scènes du passé reconstituées, images d'archives et collages sont mêlés et donnent cette sensation de flottement entre rêve et réalité tout au long du film.

C'est la question de l'attachement local qui m'a plu dans ce long métrage, parce que je la relie à des problématiques qui m'intéressent : l'identité, les origines et ici par extension, l'affection presque frénétique pour un lieu en particulier.

Guy Maddin mélange critique de Winnipeg et adoration dont il fait preuve pour cet endroit auquel il est attaché malgré lui, et c'est à cette dévotion que j'ai été sensible, même si mon expérience est bien plus positive que celle qu'il dépeint. C'est aussi ça qui m'a troublée dans son film : il parvient à faire preuve d'une telle désillusion face à Winnipeg qui est la ville où il a grandi et où se trouve une grande partie de ses souvenirs d'enfance. C'est probablement lié aux mutations qu'a subi Winnipeg et c'est peut-être pour ça que Maddin veut s'en défaire.

Avec « Winnipeg mon amour », Guy Maddin affiche une nostalgie qui ne peut que nous toucher et nous donnerait presque envie de prendre nos valises et d'aller visiter Winnipeg pour découvrir son architecture et son manteau de neige.

Agathe Gallion

Galerie "L'atelier", QPN - Alice Gautier

L’invisible en photographie, le travail de Thomas Sauvin

A l’occasion de la Quinzaine Photographique Nantaise – galerie l’Atelier

Du 15 septembre au 15 octobre dernier, à l’Atelier, une galerie de la rue de Chateaubriand, étaient regroupées les œuvres de plusieurs artistes sous l’égide du thème commun de l’invisible, dans le cadre de la QPN. L’exposition nous offrait une déambulation à travers l’imperceptible, de l’échelle microscopique des agrandissements de larmes de Maurice Mikkers, à l’échelle géographique et spatiale des clichés de Xavier Barral, pris à l’aide d’une sonde de la NASA. Mais l’accrochage proposait également une interprétation plus métaphorique de ce qu’est l’invisible en photographie, puisqu’on y découvrait le travail de Thomas Sauvin, un artiste français qui a collecté en Chine des monceaux de pellicules argentiques abandonnées par leurs propriétaires, prêtes à être recyclées.
Après la visite, nous avons pu rencontrer Hervé Marchand, le directeur artistique de la Quinzaine Photographique Nantaise, qui a partagé avec nous ce qu’il sait des artistes et de leurs œuvres. Hervé Marchand a parlé entre autres du rôle de l’artiste comme celui d’un révélateur, un démiurge qui transforme le réel, le fait exister lorsqu’il le met en scène. Pour appuyer ses propos, il a utilisé l’exemple d’un artiste photographiant un caillou sur le bord d’une route, expliquant que le caillou n’avait d’existence propre et singulière jusqu’à ce qu’il soit personnifié par l’objectif photographique. « C’était un caillou semblable à cent mille cailloux, photographié il devient un caillou différent de tous les autres. » M. Marchand a poursuivi en opposant l’idée de photographie, prise par un artiste, aux « photos » que nous autres pourrions faire, le suffixe « graphie » étant pour lui le signe d’une distinction nécessaire : la photo n’accède au statut d’art que lorsqu’elle est porteuse d’une intention artistique. 
 C’est pour moi se méprendre sur le travail de Thomas Sauvin. Bien qu’il nous ait appris beaucoup de choses à leur propos, Hervé Marchand n’a pas rendu hommage aux photographies exposées par Thomas Sauvin, qui, sans nul doute, peuvent être regardées pour elles-mêmes, indépendamment de l’archivage sociologique et historique accompli par T. Sauvin. Dans cette œuvre, Thomas Sauvin est-il le seul artiste ? Il est vrai que ses choix d’accrochage donnent à voir les photographies, soulignent leurs singularités, sous-tendant des jeux de miroirs et d’oppositions, et en définitive participent à la naissance des œuvres. Mais quelle échelle adopter lorsque l’on parle de l’œuvre ? S’il est indéniable qu’il faut accorder ce statut au travail de Thomas Sauvin, il n’en est pas moins de chacune des photographies que j’ai découvertes ce jour-là. Qu’est-ce qui différencie l’intention artistique, primordiale, selon Hervé Marchand, pour que la photo devienne photographie, de l’intention de tous ces photographes anonymes lorsqu’ils prenaient ces clichés aujourd’hui exposés dans une galerie ?
S’il y a une chose que m’apprend Thomas Sauvin, c’est que la beauté de quelque chose ne dépend absolument pas du degré de complexité de l’intention à l’œuvre dans sa réalisation. Certaines photographies m’ont vraiment beaucoup touchée, l’absence de parti pris original dans le cadre ou les choix esthétiques ne rendait que plus forte l’importance symbolique du cliché. De même, l’artificialité de la mise en scène du sujet posant à côté de l’objet ou du lieu qu’il désire immortaliser n’en occulte pas pour autant la sincérité et/ou la solennité de leur rencontre. Le travail de Thomas Sauvin m’a aidée à reconquérir ma naïveté esthétique, déshabillée de toute opinion ou de tout goût extérieur ou antérieur à ma découverte de l’œuvre. 

Les choses sont – elles réellement invisibles avant qu’elles ne soient photographiées ou exposées, ou bien doit - on seulement apprendre à les voir ? La photographie transforme – t – elle le réel ou éduque – t – elle notre perception ?  Notre caillou initial, est – il réellement plus beau sous l’objectif d’un artiste que parmi d’autres sur le bord d’une route ? Je pense qu’il faut rendre au caillou ce qu’il mérite, le monde existe sans les artistes et le monde est beau avant même que nous n’ayons su le voir.
Alice Gautier


"Imaginarium Of Tears" - Maurice Mikkers, Killian DUVIARD

Imaginarium Of Tears, Maurice Mikkers

L’Atelier, du 15 septembre au 15 octobre 2017.
1 rue Chateaubriand, Nantes 

Site web de l’artiste : imaginariumoftears.com

Qui aurait imaginé que deux gouttes d’eau puissent être si différentes ?
Tout comme le docteur Masaru Emoto, qui à travers ses recherches souhaitait prouver que les émotions positives ou négatives, transmises par l'homme, pouvaient modifier la cristallisation de l’eau, l'artiste Maurice Mikkers avec son microscope et ses compétences scientifiques nous fait basculer dans l'univers unique et envoûtant de l'H2o. Ses surprenantes photographies sont le fruit d'un intense travail sur la cristallisation de l'eau et plus particulièrement de sa forme qui semble la plus fascinante, la larme. Via son œuvre, il nous invite à découvrir la magie et la beauté cachées dans les larmes qu'il récolte. En effet, celles-ci se transforment en de véritables paysages pleins de minuscules détails. Nous sommes transportés sur une multitude de planètes toutes uniques. Larmes réflexes (face à un produit agressant), larmes basales (liquide empêchant le dessèchement de l’œil)  ou encore larmes psychiques (résultant d’une émotion forte)  toutes semblent avoir enfouie en elles la mémoire des hommes les ayant libérées. Les cristaux figés par l’appareil photo nous rapportent le souvenir d'une émotion particulière, toujours différente, il capte dans  chaque goutte une parcelle de l’âme des personnes et nous en fait le tableau. On découvre alors des univers bien distincts et d’une harmonie absolue. Une véritable plongée dans un sanctuaire de larmes. Sortez vos mouchoirs, vous risquez d’être engloutis par une puissante vague émotionnelle qui laissera place à votre sensibilité.
Photographies provenant du site de l’artiste : imaginariumoftears.com

Killian DUVIARD

mercredi 8 novembre 2017

Paris-Beyrouth : Aller-retour. Paul LAFORGE

Paris-Beyrouth: Aller Retour

Conférence à La Colonie, Paris 10, 26 Octobre 2017.

Alors oui, c'est vrai, je veux parler d'une conférence qui a eu lieu il y a bientôt deux semaines, mais le fait est que cet événement m'a marqué. Tout d'abord parce que ça parle du Liban, alors à partir de là c'est dur de résister à l'envie d'y pointer le bout de son nez, qui sait peut être qu'il y aura du houmous à volonté ? Mais surtout parce que je m'intéresse beaucoup à ce qui se passe dans ce pays d'où mon père vient.

Plus sérieusement, je suis arrivé en retard, alors je me suis adapté: j'ai lu la feuille qui présentait les personnes invitées à cette conférence ainsi que les thèmes qui allaient être abordés. 

Réfléchir sur l'imaginaire de la ville de Beyrouth, à travers les prismes de son contexte artistique, architectural, patrimonial et bien sûr politique. 
Nous étions vraiment invités à réfléchir sur le passé, le présent et l'avenir de cette ville en discutant avec des artistes, des architectes, des anthropologues et des écrivains libanais. 

Au moment d'évoquer la guerre civile libanaise qui a duré une quinzaine d'années de 1975 à 1990, ponctuées d'interventions militaires étrangères, j'étais très attentif. Je comparais chaque récit, chaque anecdote, chaque histoire avec toutes les descriptions, les analyses et les aventures que mon père me raconte souvent.

Il y avait notamment cette artiste libanaise qui m'a touché, à qui je fais une dédicace qu'elle ne verra sûrement jamais, allez visiter son site, elle s'appelle Maha Kays.

J'ai vraiment commencé à m'intéresser à cette culture assez tardivement. Toutes ces questions d'identité, d'appartenance, de coutumes se baladaient dans ma tête lorsque j'étais enfant, alors depuis quelques années je me renseigne, je m'instruis, je m'informe, et j'aime ça, parce que c'est une partie de moi. Cela soulève cette question de la division de l'identité, enfin pour moi, parce quand j'étais petit j'étais perdu.

La preuve: le seul à table qui mangeait McDo quand il y avait des déjeuners de famille libanais, c'était moi.

La fin de l'hospitalité ? Déborah LAMY


La fin de l'hospitalité ?


Conférence au Lieu Unique de Fabienne Brugère et Guillaume Le Blanc Jeudi 19 Octobre à 20H30. 

Durée : 2H.

lelieuunique.com


Jusqu'où irons-nous ?

2015 : Crise des migrants : point de départ. Fabienne Brugère et Guillaume Le Blanc, ont vu et vécu : de Lampedusa à Calais. Deux philosophes, qui ont fait un travail journalistique autour de cette crise migratoire. Le philosophe devient journaliste.
Ce fut un discours positif. Notre société, les gens réclament et se posent la question de l'hospitalité : Calais : 200 familles ont accueilli et accompagné des migrants. Mais en politique, une politique migratoire n'est pas encore mise en place. L'hospitalité ? Une affaire de lieux ? Un espace pour une vie privée d'espace. C'est ici la responsabilité de nos gouvernants : créer des lieux, pour ces gens qui 
vivent dans des « Hors lieux », des endroits fantômes, consignés sur aucune carte.

Finalement l'hospitalité peut être : Éthique et Politique. Éthique car elle s'enracine dans un besoin de l'autre. Je pense aux droits de l'homme, nous sommes tous citoyens du monde, nous appartenons à la même terre, c'est le cosmopolitisme éthique. Mais quand les droits de l'homme s'appliquent t'ils ? Quand les hommes sont à deux doigts de la mort et qu'il faut leur venir en aide d'urgence et l'hospitalité est Politique. Politique parce que, accueillir, et secourir, doit être enclenché par une parole politique, par des conditions juridiques. Alors c'est à nous : citoyens de produire des initiatives, qui redéfiniront l'hospitalité politique.

« Le mal radical c'est de ne pas pouvoir appartenir » Hannah Harendt parlant des apatrides. L'hospitalité c'est secourir, accueillir et appartenir. Nous sommes une société qui confond le secours et l’accueil. En effet, il ne faut pas rester éternellement hospitalier, c'est un moment intermédiaire, car, finalement, le but est que les hommes (terme générique) soient intégrés et appartiennent à notre pays.

Déborah LAMY 

mercredi 22 mars 2017

Soasig Chamaillard - Galerie Albane, Nantes

GALERIE ALBANE
1 rue Suffren - 44000 NANTESinfo@galerie-albane.com
02 40 74 05 18
mar. au sam. : 10h30 - 12h00 , 14h00 - 19h00


EXPOSITION DE SOASIG CHAMAILLARD 19 AU 23 OCTOBRE 2016
+ expo permanente 
Soasig Chamaillard née en 1976 et diplômée des Beaux-Arts de Nantes, restaure et redonne une seconde vie artistique à des statuettes de Marie en plâtre très abimées. L’artiste va alors nous parler d’amour, de consommation, de société, de publicité, de maternité … De sujets très contemporains, en relation avec sa propre vie, ses propres questionnements.
Tout est important, tout est minutieusement choisi, le moindre détail, chaque couleur, pour être le plus juste possible.
J'ai beaucoup aimé le travail de cette artiste tout d'abord pour le côté très pop, tape-à-l’œil de ses sculptures et installations à première vue. Je passe tous les jours devant cette galerie du coin de ma rue et cette exposition a été celle qui m'a donné envie de franchir les portes automatiques de ce lieu. Il y avait en vitrine une immense maison de Barbie habitée par des Marie verticales ou allongées, presque en PLS (position latérale de sécurité). C’était ludique, abordable. J'ai voulu rentrer pour jouer. Finalement, une longue conversation s'en est suivie avec la galeriste. 
Pourquoi des Marie? Parce que c'est une figure mondialement reconnue, pour être une femme et une mère au-delà d’être une icône religieuse.
Pourquoi des jouets? Pour son attrait pour l'univers de l'industrie et de la production en série identique.



 
Estelle Thise

"Identités" de Vincent Perez - Maison Européenne de la Photographie, Paris

MEP - IDENTITÉS
VINCENT PEREZ
du 08/02/2017 au 09/04/2017

Vincent Perez se questionne sur l’identité culturelle.

«Je suis suisse, enfant d’émigrés, d’un père espagnol et d’une mère allemande. La France est le pays où j’ai le plus vécu. Ma femme est née à Dakar d’une mère bretonne et d’un père sénégalais. Nos enfants sont un mélange de ces cinq pays. Eux se sentent français et sénégalais. Moi je ne sais pas. Je suis ce mélange culturel. Je me sens européen. Je me sens citoyen du monde.»

Sont présentés d’imposants portraits photographiques d’hommes et de femmes rattachés à une appartenance culturelle claire et forte. Ces modèles sont figurés dans leur quotidien. Un quotidien dans lequel le regardeur s’immisce et se projette, un quotidien parfois loin du nôtre.

La grandeur des photographies et le regard des modèles nous plongent dans leurs vies, leurs histoires, c’est une nouvelle rencontre à chaque pas.

Une belle exposition, hantée de présences et de cultures diverses.

Garance Lavallée




"Aux Origines du Surréalisme Cendres de nos Rêves" - Château des ducs de Bretagne, Nantes

« Aux Origines du Surréalisme Cendres de nos Rêves »
Jacques Vaché, Jean Sarment, Pierre Bisserié et Eugène Hublet
Musée d’Histoire de Nantes, Château des Ducs de Bretagne, Nantes
Exposition du 11 février au 28 mai 2017

Ébullition Nantaise

Déambulation dans un labyrinthe, sommes-nous dans des tranchées ? Aux murs une explosions de photos d’archives, de lettres, de dessins tels des éclats d’obus rythmés par ce jaune criard, ébullition d’une ville et de quatre cerveaux en particulier, ceux du groupe des Sârs. Découverte d’un Nantes d’autrefois divisé par la Loire, tenue habillée pour sortir exigée ! Des poutres peut-être centenaires au plafond nous plongeant dans un grenier imaginaire. Partons à la recherche d’archives, des secrets que réserve cette ville « berceau du surréalisme ». Toute une bataille qui débuta dans le lycée Clémenceau lorsque le groupe d’artistes commencèrent la propagation de leurs écrits, idées… Une exposition qui nous disperse dans divers lieux nantais par le biais des photos d’archives, notre rue de Strasbourg méconnaissable, le lycée Clémenceau qui n’a pas trop changé depuis les décennies passées ou encore l’Hôtel de France où fut retrouvé Jacques Vaché mort d’une absorption trop forte d’opium. Grâce aux nombreuses lettres exposées nous pouvons partir à la recherche des différents lieux où furent écrits ces dernières, comme un pèlerinage ou une chasse au trésor surréaliste. Pour pousser le clin d’œil pourquoi ne pas lire « Nadja » au pied de l’immeuble dans lequel Jacques Vaché eut ses correspondances avec André Breton. A la sortie de l’exposition si le temps si prête, le site nous offre une balade à travers le château. Vite allons-nous faufiler à travers les remparts avant que la fièvre ne nous monte à la tête.

V.SIRET


© bibliothèque municipale de Nantes

"Sous le regard des machines pleines d'amour et de grâce" - exposition collective - Palais de tokyo

PALAIS DE TOKYO Paris - «Sous le regard des machines pleines d’amour et de grâce»

Du 03/02/2017 au 08/05/2017. Exposition collective
Commissaire : Yoann Gourmel
Avec : Pedro Barateiro, Richard Brautigan, Isabelle Cornaro, Marjorie Keller, Lee Kit, Marie Lund, Michael E. Smith, Mika Tajima, Marie Mathématiques

Cette exposition propose une traversée de différentes «zones affectives», les neuf artistes exposants interrogent les impacts de l’économie de marché et des nouvelles technologies sur la fabrique de nos émotions et de leurs représentations.

Une artiste m’a particulièrement marquée, Marie Lund, à qui est consacrée une salle entière dans laquelle trois séries de travaux se font écho. Au sol, «Vase», des sculptures évoquant des coquillages, par leurs courbures et leurs multiples reflets, ces formes en cuivre martelé s’appuient et se dispersent autour des «Rumor (Works)», onze sculptures en ciment et MDF (panneau de fibres de bois à moyenne densité). Au mur, «Stills», des rideaux d’école maternelle tendus sur toiles, ici poussière et temps font oeuvre.

Cette salle nous plonge dans univers parallèle de douceur et de mélancolie.

Garance Lavallée


Attitudes, 2014 et Vase 2017, Marie Lund

"Femme avec tête(s)" par ORLAN, Circonférences - Château-Gontier

« Elle est où ORLAN?! »
2e édition Biennale Circonférences, Château-Gontier du 9 au 11 mars

Le samedi 11 mars je me suis rendu avec le groupe de L1 accompagné de Patricia Solini à la deuxième édition de la biennale Circonférences qui a lieu à Château-Gontier, dans divers endroits de la ville (Le Rex, le Théâtre des Ursulines, la Chapelle du Gêneteil) le tout organisé par l'association « le Carré », commissaire d'exposition Bertrand Godot.

Nous avons pu voir l'exposition « Parole, parole » ( du 28 janvier au 23 avril) en lien avec le 40e anniversaire du centre Pompidou, composée de plusieurs œuvres de différents artistes, tels que : Samuel Beckett, Claude Closky, Eric Duyckaerts et plusieurs autres.
Mais nous avons aussi pu assister à trois conférences :
- François Gremaud / Pierre Mifsud - 2b Company
- Grand Magasin « Éloge et défense de la routine »
et
_ORLAN dans « ORLAN remplaçante se fait remplacer par l'agence Air pour « Femme avec tête(s) » »
Pour cette performance, on nous a dit dans l’après-midi que ORLAN nous avait préparé une surprise mais sans plus d'indication. Après le compostage de notre billet, on nous a distribué une photocopie d'un texte écrit par ORLAN nous expliquant qu'elle ne pourra pas être présente mais qu'elle sera remplacée par Alain Gintzburger « Concept de l'intervention, vous avez invité ORLAN à remplacer Jean-Luc Verna, ORLAN met en abîme et en réponse active, sa rétro invitation, en se faisant remplacer par Alain Gintzburger, secrétaire général de l'agence Air. »
Effectivement effet de surprise quand à la place de ORLAN nous voyons arriver un monsieur accoutré comme elle (perruque, lunettes, rouge à lèvre) ainsi que fixé sur chaque épaule un masque à l'effigie de ORLAN, ainsi qu'une valise jaune avec deux autres masques.
Je ne savais pas trop quoi en penser sur le moment, est-ce une échappatoire un peu facile pour ne pas venir ? Est-ce que c'est pas un peu facile de dire que c’est une performance ? Est-ce du foutage de gueule ?
Mais après plusieurs discussions avec d'autres et en y mettant mon propre avis, je trouve cela très audacieux lorsque que l'on apprend en plus qu'ils n'ont eu que trois jours pour mettre en place ce « Remplacement » Merci ORLAN de nous avoir fait assister à cela.


Axel SPAGNOL
http://www.le-carre.org/

"Femme avec tête(s)" - ORLAN, Circonférences, Château-Gontier

« Femme avec tête(s) » par ORLAN, dans le cadre de la biennale de conférences « Circonférences » au Théâtre des Ursulines de Château-Gontier, le samedi 11 mars.

Sur le programme, point de ORLAN. Jean-Luc VERNA, qui a pourtant annulé, a un encart dédié à sa présentation, et c'est une feuille volante « ERRATUM » qui vient prévenir qu'il sera donc remplacé par ORLAN. Si certains de mes camarades semblent émus à l'idée de voir cette artiste, qui par son œuvre subversive, a acquis un statut de star dans le monde de l'art, je suis plus réservé et attend de voir ce qui se cache derrière sa notoriété.


Le début de la conférence arrive, et avec elle, une surprise, un énorme pied-de-nez, qui je l'avoue, me fait bien rire. Un tract nous est en effet distribué et annonce :
« ORLAN REMPLACANTE SE FAIT REMPLACER PAR L'AGENCE AIR POUR FEMME AVEC TÊTE(S) »

Et plus clairement, elle indique « CONCEPT DE L'INTERVENTION D'ORLAN,
VOUS AVEZ INVITE ORLAN A REMPLACER JEAN-LUC VERNA,
ORLAN MET EN ABÎMES ET EN REPONSE ACTIVE,
SA RETRO INVITATION, EN SE FAISANT REMPLACER PAR ALAIN GINTZBURGER,
SECRETAIRE GENERAL DE L'AGENCE INTERNATIONALE DE REMPLACEMENT AIR. »

Arrive alors son remplaçant, grimé en ORLAN, deux de ses têtes greffées sur ses épaules, une valise à sa suite, pendant qu'un message téléphonique retrace le début de la substitution. Et le voilà qui annonce, que lui, ORLAN, a une dent de bœuf dans la mâchoire et que l'artiste a toujours promu l'altérité. Chouette, il semblerait qu'on ait affaire à une personnalité un peu fantasque qui n'a peur ni de la dérision, ni de la conviction.

Cependant, alors que j'avais réussi à associer ORLAN et son remplaçant pour ne former qu'une seule entité, la conférence prend à mon sens un tournant ennuyeux avec la présentation d'un powerpoint qui s'éternise, et devient une simple lecture de fiches quant au début, ORLAN remplaçant écoutait le discours d'ORLAN source via des écouteurs et le retranscrivait en direct.
La présentation énumère ses travaux d'artiste : remise en question des conventions notamment liées au christianisme, animations 3D d'humains écorchés pour éliminer le racisme -soit.-, pièces produites grâce aux cellules d'ORLAN, interventions chirurgicales multiples, filmées et accessibles au public, …

Mais alors qu'ORLAN parle de soi à la troisième personne, ce qui faisait cas du dédoublement de son identité par le simple fait qu'elle soit remplacée - donc présente et absente à la fois, cette présentation tourne en éloge incessant de son travail. Peut-être l'interprétation de son remplaçant manque de finesse, mais ce qui me semblait être malin, taquin et prétexte à une performance, tourne en discours de propagande. Ça y est, je me sens trompé.

Et le malaise s'accentue quand au moment de répondre à nos questions, Alain GINTZBURGER, interprète de cette conférence, souligne à quel point nous avons été chanceux d'assister à une œuvre d'ORLAN. J'écris d'ailleurs à chaud, en sortant :

« PERTINENT MAIS DERANGEANT
Le comble du génie ou de l'enfumage ?
C'est ORLAN, soyons chanceux !?

L'altérité résiste-t-elle au narcissisme ? »

Avec plus de recul, je regrette d'abord que cette bonne idée de remplacement, qui est cohérente quant au travail d'ORLAN, ait été exploitée pour une présentation banale, puisque outre l'accoutrement et une fois l'effet de surprise passé, nous n'assistions qu'à l'exposé du travail de l'artiste par un de ses fans.

Je me demande si ORLAN, plutôt que de créer un substitut à la va-vite, avec l'assurance qu'au moins, il ferait suffisamment le « buzz » pour être accepté, n'aurait pas dû saisir cette occasion pour remplacer littéralement Jean-Luc VERNA. L'acte aurait eu la même portée critique, mais avec cet engagement qui la caractérise, et cette envie d'altérité, que je n'ai pas retrouvé ce jour-là.


Alexandre MONTINA