jeudi 11 décembre 2014

'SCULPTURES & DRAWINGS 2000 - 2014' — BERLINDE DE BRUYCKERE




18.10.2014 — 15.02.2015

S.M.A.K. — Gent, BE

web — smak.be






Première exposition à mi-carrière de l'œuvre de la représentante belge à la Biennale de Venise 2013.
Exit la rétrospective chronologique, j'arrive au premier étage du S.M.A.K. et commence à déambuler au milieu d'immenses salles à la lumière plutôt froide, au milieu desquelles s'embrassent de manière homogène, même organique, dessins, sculptures, installations.
Les corps souffrants gisent dans des vitrines et répondent aux dessins, lesquels dégagent un truc qui me renvoie à quelque chose de familier.
Quelque chose me prend au ventre, on y est, c'est pour ça que je suis là. Chaque pièce, chaque croquis transpercent, à l'image de Kreupelhout - Cripplewood, colonne vertébrale de l'œuvre de Berlinde de Bruyckere. La pièce monumentale exposée à la Biennale de Venise 2013 montre la mutation d'un arbre colossal en un corps à l'agonie, à la fois végétal dans sa forme, et animal par sa peau de cire ensanglanté et par les cris de souffrance qu'il s'en dégage.
Cette dualité semble de prime abord être le fil rouge du travail de l'artiste et de la lecture que l'on peut en faire. Mais on s'aperçoit assez rapidement que les axes et niveaux de compréhensions se multiplient, au fur et à mesure que l'on explore la profondeur abyssale que donne De Bruyckere à l'expression de la douleur et du corps dégénérescent, qui, comme dans un dernier râle, dégage une beauté et une puissance rappelant certaines représentations mythologiques et liturgiques.
C'est cette universalité dans la représentation de la douleur qui lui rend sa beauté.
C'est l'intemporalité dans la finalité qui rend la mort vivante. 

Cette expédition en Belgique fut empreint d'une aura salvatrice tant inconsciemment j'étais dans l'attente de trouver un plasticien capable de me prendre aux tripes comme peuvent le faire certains groupes de musique (Cult of luna, Isis, Neurosis ou encore Amenra qui a collaboré avec Berlinde de Bruyckere pour l'Artwork d'un de leur LP (cf. photo plus bas)).


Cet univers est éprouvant, dans la tête dans le cœur et dans les jambes. Et même si tout le monde n'est pas à l'aise avec ces émotions-là, allez-y ! Allez-y, prenez une baffe et revenez en boitant.



Adrien Cavallin 



















'TENIR LE PAS PERDU' — CLAIRE POLLET




06.09 — 05.10.2014

Espace Short — Nantes

commissariat — Hélène Cheguillaume






L'endroit est à première vue calme, un peu en retrait, modeste mais chargé d'histoire. Je pénètre au sein de ces quatre murs de béton armés d'une froideur impressionnante. Au milieu se trouvent trois tables, installées modestement, elles présentent chacune un ouvrage composé de trois feuilles format raisin, la feuille centrale mise en mouvement par un dispositif discret composé d'un moteur et d'une carte arduino qui contrôle le mouvement et la cadence.
Le ton est donné et le superflu laissé à l'entrée.

Le travail de Claire Pollet est à l'image d'un livre : d'une simplicité, d'une modestie plastique et scénographique presque affolante tant le corps des travaux est consistant.
Épicentre de son œuvre, le livre est pour l'artiste à la fois la cause et le remède de tous. Amené au stade de relique, celui-ci semble contenir l'intégralité de l'identité de son œuvre. Comme une âme, les bouquins font partie intégrante de Claire Pollet qui s'exprime par eux, à travers eux.

Réserve fait suite à un long travail de recherche par la lecture effectué entre septembre 2009 et mai 2010, et au travers desquelles elle essaye d'approfondir la compréhension de son propre travail. L'exposition dans sa temporalité (de la genèse à la finalité) plonge l'artiste dans un état d'auto-empêchement qui la mènera à se retirer du milieu de la création pendant trois ans.

Tenir le pas perdu est donc un retour, une thérapie par la recherche là encore « Recommencer sans oublier le passé ».
Claire Pollet traite ici comme dans le reste de son œuvre de la lecture comme émancipation, libération, comme espoir. Le livre comme corpus mémoriel, dans lequel l'artiste vient piocher, cueillir, chercher de la matière première à une réflexion sur elle même.
Cette relation aux livres reste quelque chose de personnel. Ceux-ci sont le reflet d'un apprentissage, d'une évolution, d'une maturation par le mot, d'une pratique (artistique ?).
La question est telle qu'elle. La lecture peut-elle constituer à elle seule une pratique artistique ?
L'artiste nous livre une proposition de réponse en trois actes, trois tables invitant le spectateur à partager l'intimité d'une lecture.
Un premier tome, synthèse d'un archivage mécanique, systématique qui accompagne Claire dans ses lectures.
Un second se voit marqué de doutes, de questions sans réponses apposées sur le format d'un style hésitant, brouillon rappelant celui de la pensée elle même.
Les conclusions tirées de ces lectures et de ces questionnements sont réunis sur la troisième table, prenant une fois de plus la forme de la citation.

Sartre : « Longtemps j'ai pris ma plume pour une épée: à présent je connais notre impuissance. N'importe : je fais, je ferai des livres ; il en faut; cela sert tout de même. La culture ne sauve rien ni personne, elle ne justifie pas. Mais c'est un produit de l'homme : il s'y projette, s'y reconnaît; seul, ce miroir critique lui offre son image. »

— ceci dit,

Pourquoi la lecture à l'écriture ?
Pourquoi cette cueillette frénétique préférée à la rédaction ?

On sent l'artiste assaillie par les mots, les phrases. On sent une addiction à l'objet, un certain abandon. On sent également une certaine impuissance face à cela, une admiration, un dévouement qui va au-delà du respect. Je ressens comme une incapacité de la part de l'artiste à se détacher du livre objet.
Cette modestie dont est empreinte l'œuvre, se retrouve également de façon assez nette; je trouve, dans la démarche.
Ecrire serait donc prétentieux.
Ecrire nécessiterait d'outrepasser cet état d'abandon au livre qui semble habiller l'artiste, le cloisonner même. Ce qui la pousse à parler à travers le mot de l'autre pour communiquer sans pour autant « …se laisser abêtir, […] se laisser bercer de mots, […] suivre le courant. »


Tenir bon
Tenir le coup
Tenir le cap
Tenir le pas perdu
Tenir le pas gagné
Sauter le pas
Outre l'écume


Il faut continuer



Adrien Cavallin 












Lucinda Childs, Sonia Delaunay.

DANCE, Lucinda Childs, Théâtre de Ville, du 17 au 25 octobre 2014
Exposition - Sonia Delaunay, Musée dArt Moderne de la Ville de Paris, du 17 octobre 2014 au 22 février 2015


Un week-end à Paris : deux femmes.

Sonia Delaunay, Lucinda Childs. Lucinda, Sonia. 

Lune au Théâtre de la Ville, lautre au Musée dArt Moderne. Dans les deux cas, le corps comme support, le corps inévitable. Lune linscrit dans un espace scénique, en mouvement, lautre le destine à la toile et aux vêtements.

Le corps fait face, le corps sefface. 
Le corps dévoile et se dévoile. 
Lun se déploie, lautre senveloppe. 
Le dehors, le dedans, le dedans, le dehors. Le dedans qui s’élance vers le dehors, le dehors qui exhibe le dedans.
Comme une musique redondante, abondante, permanente, épuisante. Le corps encore.

Dune artiste à une autre, il ny a quun pas. Le saut de chat, le grand écart, ou la pirouette.
Résonance, confluence, importance. Le corps encore.

Intemporelle. Un temps pour elles.
En un instant. Un long moment.

Le temps qui s’étend, les souvenirs bientôt. Images, mots, mémoires, raccourci.



Mathilde Berger

LE CORPS DÉCIDE, FRANZ ERHARD WALTHER

LE CORPS DÉCIDE, FRANZ ERHARD WALTHER
Elena Filipovic + Alexis Vaillant
CAPC Musée d’art contemporain de Bordeaux, 7 rue Ferrere
13/11/2014 /// 08/03/2015

Le musée d’art contemporain de Bordeaux est un immense bâtiment en plein cœur de la ville. Cet ancien entrepôt de douanes coloniales est haut de plafond, fait de matières brutes et austères. La résidence de Franz Erhard Walther dans ce lieu m’a surprise et m’a réjouie pour la simple et bonne raison que son travail est littéralement opposé à l’atmosphère du lieu. 
Le travail de Franz Erhard Walther se décrit par des pièces, des « objets » comme il les appelle, de teintes chaudes, de tailles différentes, placées rigoureusement dans un espace et généralement composées de tissus. 
Dans le hangar, les pièces sont là, rangées et exposées comme des trouvailles après une fouille archéologique. Ces objets-trouvailles sont précieux, mais aussi palpables. Le public les porte, les touche, les attrape et les enfile. Certains n’osent pas et voient en ces formes leurs caractères sacrés et inatteignables, d’autres prennent part à l’œuvre. La distance avec l’Objet d’art n’existe plus, le passage du visiteur entre les formes devient performance et il se crée une relation unique entre les formes colorées de Walther et celui qui entre en contact avec elles. Les sculptures de l’artiste bougent, se déplacent et s’agitent. Grâce au travail de l’artiste, le grand entrepôt du musée prend vie, par les couleurs, l’action du corps et les compositions mouvantes de Walther. 
Une fois de plus, le travail de Franz Erhard Walther m’a séduite par son impact visuel,  mais aussi par sa conception de l’Art, simple et cohérente, qu’il révèle à travers ses sculptures. 

Ambrine Abdulrab

Jeff Mills – Time Tunnel

Jeff Mills – Time Tunnel  
21 novembre 2014 (22h00-4h00) 
Nantes ; Stéréolux 
22H00-23H00 : Soul Music (Feat James Brown)                                                                                                           
23H00-0H00 : Planet Jupiter                                                                                                                                             
0H00-1H00 : Mesopotamie                                                                                                                                  
1H00-2H00 : Nantes / Capitale de la France en 2089                                                                                          
2H00-3H00 : Michael  Jackson                                                                                                                             
3H00-4H00 : Porte secrète (to be announced) 
22H00 
Un tunnel animé d’une spirale noire et blanche                                                                                              
Jeff Mills dans une combinaison blanche                                                                                                                                                                                                                                                                         Une danseuse orientale et son serpent                                                                                                        
Michael Jackson revenu nous hanter                                                                                                                      
Un tunnel animé d’une spirale noire et blanche                                                                                               
Jeff Mills dans une combinaison blanche                                                                                                                                                                                                                                                                                                                Mon verre tombé par terre après 30min d’attente                                                                                       
Un détour par les toilettes                                                                                                                                      
Un tunnel animé d’une spirale noire et blanche                                                                                              
Jeff Mills dans une combinaison blanche                                                                                                           
Un tunnel animé d’une spirale noire et blanche                                                                                              
Jeff Mills dans une combinaison blanche                                                                                                           
Un tunnel animé d’une spirale noire et blanche                                                                                              
Jeff Mills dans une combinaison blanche                                                                                                                                                                                                                                                                                                    
6 heures plus tard le voyage prend fin, j’ai n’ai plus de jambes. 
Avec Time Tunnel, Jeff Mills l’un des parrains de la techno, nous a amenés ailleurs, en passant par le passé pour nous amener dans son futur. Il est difficile de mettre des mots sur cette expérience. Mes oreilles, mes jambes, mes bras, mon dos, mes yeux, mon corps ont ressenti ces 6 heures. Observer le tunnel. L’observer se tenir debout pendant 6 heures. C’était un voyage sonore, ce n’était pas un concert, c’était une performance.

Melissa Cascade

mercredi 10 décembre 2014

CHRONIQUE DU FRAC NORD PAS-DE-CALAIS



FRAC Nord Pas-de-Calais — Dunkerque






Chronique du FRAC  Nord Pas-de-Calais. 

C'est un bâtiment  intriguant, réplique exacte de son voisin, dans une version plastifiée, qui s'élève légèrement sur ce plat bord  de mer de Dunkerque. Il paraît presque aérien malgré ses cinq étages, rehaussés sur sa devanture d'une rose et lourde  citation de  Stiv Bators (Chanteur Punk Américain) installée  par Scott King. 
« L'Art est simplement la preuve d'une vie pleinement vécue. » 

Devant le bâtiment, la magie est là, ce n'est qu'une fois rentré que les
choses se gâtent. 

Le rez-de-chaussée est occupé par une exposition d'artistes italiens, intitulée Latin Lovers d'après l'œuvre de Luciano Fabro éponyme. Quelques belles pièces de ces artistes suivant la ligne de l'Arte Povera sont présentées au  spectateur dans une organisation  confuse. Un "trop" d'œuvres dans deux pièces sûrement trop  petite et des cartels "d'explication" pauvres. Première déception donc,  mais avec un peu de bonne volonté les œuvres paraissent puissantes et agréables à regarder au  cas par cas. 

C'est en montant dans les étages que le plaisir retombe, paradoxalement en crescendo, mis a part l'œuvre de Latifa Echakhch A chaque stencil une révolution, et The  Soft Shape  Room de  Matthew Darbyshire, le  reste  est, sans mauvais jeux de mots, un  VRAC. 
Une immense pièce au mur couvert de photo d'une organisation douteuse, une jaguar plantée au milieu. Les photos sont belles, notamment une série de Doisneau. Mais l' organisation et les reflets sur les cadres empêchent totalement une lecture claire de celles-ci. 
Se trouve aussi au milieu de la pièce, pas loin de la jaguar, une grande boîte en bois, cinéma à l'arrache d'une ingénieuse conception, mais dont le film projeté nous fait sérieusement douter quand au  choix de notre orientation. 
Bien sûr le tout sans l'ombre d'un cartel.. 

Enfin le dernier étage comble parfaitement l'ensemble, une gigantesque pièce nommée le Belvédère, espace magnifique, présentant deux œuvres malheureusement décevantes. 
L'André de Saâdane Afif, c'est-à-dire un  vélo. 
Et une très belle œuvre de Roman  Signer nommée Piano, dont le mécanisme ne fonctionnait malheureusement quasiment pas, frustrant. 
Le tout bien sûr sans la moindre trace d'explication.  

Ainsi le Frac Nord Pas-de-Calais dans sa volonté d'ouvrir l'Art Contemporain au grand public s'est quelque peu perdu en chemin. On se demande comment réussir à appréhender l'ensemble sans un minimum de connaissances et de bases en Art contemporain. 
Dommage car le conteneur est d'une très grande qualité, malheureusement décevant par l'ensemble du  contenu. 

Mais ce jugement est sûrement en partie altéré par la qualité des autres lieux d'art contemporain que nous avons pu visiter ailleurs dans le Nord.



Paul Gibert 





PRESENTER L'IRREPRESENTABLE



Alain Fleischer, Jean-Jaques Lebel, Danielle Schirman

29.11.2014 — 22.02.2015

HAB Galerie, Hangar à Bananes — Nantes






Exposition collective de J-J Lebel, Danielle Schirman et Alain Fleischer sur le thème de l’irreprésentable, thème qui traite de réalité détournée ou l’impossibilité d’une représentation motivant la création d’images. Grand lieu d’exposition, salle sombre, rythmée par un jeu de lumière qui met en valeur le travail de chaque artiste. Tout d’abord l’ambiance est calme et détendue mais au fur et à mesure de la visite cette ambiance laisse place à une sensation de malaise.
L’œuvre d’Alain Fleischer, les hommes dans les draps est la première que l’on voit, vidéo douce dévoilant un lit dont les draps s’animent, se froissent et se transforment pour former des visages qui disparaissent la nuit tombée. L’œuvre suggère une intimité apaisante douce d’une activité humaine, de par le mouvement des draps (froissement, défroissement) mais à la fois surprenante par l’apparition de visages.
L’exposition gravite autour de deux grands thèmes, la mort et la sexualité, les titres des œuvres sont très évocateurs et suscitent une polémique, les œuvres présentées bousculent et choquent. 
Le labyrinthe de Jean-Jacques Lebel, œuvre composée de photos de l’occupation américaine à Bagdad est déambulation oppressante, dans un espace étroit autour de clichés d’hommes irakiens, violentés, violés, humiliés par des soldats américains avec une violence obscène.
Dans cette exposition Danielle Schirman aborde la question de la représentation du désir par le biais d’une installation (projection vidéo), en s’inspirant de l’œuvre du Marquis de Sade. Œuvre surprenante, traitant du libertinage au XVIII siècle, sous forme de livre animé montant des personnages de la société aristocratique dans des mises en scènes érotiques, sur fond de décors de salons et de jardins d’époque.
Le titre de cette exposition Présenter l’irreprésentable ne nous laissait pas penser à des idées violentes mais plutôt à la représentation d’émotions, de sensations et de choses utopiques, sur lesquelles nous n’avions jamais pu nous représenter.

Une exposition diversifiée notamment par les différents médiums utilisés (vidéo, performance, photos, installation et son) ce qui nous plonge dans une ambiance à la fois douce et violente, où les artistes abordent des sujets polémiques de manière simple, nous emmènent ainsi à réfléchir sur ce que nous refusons de voir.



Brochard Cloé, Bigey Rihanata 




Danielle Schirman : Théâtre pour la main




Alain Fleischer : Les hommes dans les draps




GO DOWN MOSES — CASTELLUCCI



04.11 — 11.11.2014

Théatre de la Ville






Un spectacle qui se divise en tableaux, dont un abstrait revient plusieurs fois : une sorte de rouleau posé à la verticale qui tourne de plus en plus vite puis de plus en plus lentement, une masse de cheveux prise dedans, la lumière presque bleutée, assez froide. Ce tableau ouvre et ferme le spectacle, parfois sert de lien entre les différentes scènes.

La représentation débute sur une première scène horriblement crue, presque trop longue, qui dérange le spectateur. Une femme dans les toilettes d'un restaurant qui perd des quantités de sang. Fausse couche ? Trente minutes s'écoulent et cette femme qui continue à patauger dans le rouge. Parfois tentant de le nettoyer, puis dans son désespoir se rasseyant dedans. Elle sanglote, semble désemparée désespérée. On frappe à la porte depuis un moment. La situation devient presque comique : même prise dans son malheur et sa détresse, elle se préoccupe de son image ; pleine de son sang elle tire la chasse d'eau, fait couler l'eau du robinet, active le sèche-main, mais ne sort pas des toilettes.

Noir

Une poubelle, un sac en plastique qui remue, les pleurs d'un enfant.

Noir

Interrogatoire de la femme chez l'inspecteur de police. C'est un grand rectangle de lumière qui définit l'espace de la salle. La femme tient des propos incohérents, mais qui indiquent et ce sera le seul indice, le propos de la pièce. Le seul moment de parole aussi. Moïse, Moïse. Il va nous sauver. Sauver le peuple esclave. Quel peuple ? Je n'sais pas. Esclave de quoi? Non plus. Regardez ces animaux ils s'ennuient, ils s'ennuient à mourir. J'ai mis mon enfant dans le fleuve. Je voulais le sauver. Je refusais qu'il devienne esclave. L'inspecteur est d'abord pris dans la problématique de son image. Il parle de crime, tout ce qui l'importe est de sauver ce bébé. C'est sa priorité. Puis, comprenant que la femme ne dira rien, il finit par se dévoiler. Si vous vouliez bien remplir ce formulaire. Tout c’que je veux c'est rentrer chez moi.

Noir

Un scanner au centre de la scène. Une esthétique froide, aseptisée comme celle de l'hôpital. La femme passe dans le scanner et le traverse, passe de l'autre côté, sans revenir.

Noir

Le rouleau tourne.

Noir

Une légère tâche de lumière que l'on distingue encore à peine et qui peu à peu évolue comme un ciel la nuit. Tout doucement la scène s'éclaire jusqu'à ce que la grotte occupe tout l'espace scénique. Un tableau à la De La Tour. Des hommes préhistoriques. La grotte des origines. Un bébé mort. On frappe sur les parois comme dans un enfermement (et oui déjà). SOS !

Noir

Rouleau.

Noir

Il peut paraître étrange de lire un texte sur une pièce de théâtre qui la décrit du début à la fin. Mais un texte peut-il spoiler une pièce sur l'indicible et l'irreprésentabilité. Ainsi en lisant ce texte on a rien compris à la pièce, elle a été enfermée dans des mots qui l'emprisonnent tout autant que les hommes préhistoriques, Moïse, le peuple, et le bébé sont esclaves. 
Un spectacle qui ne parle pas de Moïse.
Un spectacle de contemplation. Où l'on réfléchit par les sens, par les yeux, les émotions. Un spectacle qui ne parle pas avec des mots, qui ne parle pas au cerveau car lorsqu'on le voit, on le ressent, on ne le comprend pas.
Une composition picturale, un lâcher-prise. Accepter de ne pas comprendre tout de suite. C'est le cerveau rétinien qui est sollicité. C'est par la forme la plus juste que le spectateur sera touché.
Un spectacle qui par l'absence de discours et la splendeur de ses tableaux questionne la religion, la politique, la condition humaine.   

Comment libérer un peuple qui n'a même pas conscience d'être esclave ?



Lou Chenivesse 









RETROSPECTIVE SUR JEFF KOONS




26.11.2014 — 27.04.2015

Beaubourg






Je rentre dans l'expo à reculons. Jeff Koons très peu pour moi. Ses œuvres monstrueuses et hors de prix, le kitch d'accord, mais et après ?

Je regarde les premières œuvres avec un œil dubitatif et un léger sourire moqueur sur les lèvres. Je décide tout de même de faire un effort pour me pencher un peu plus précisément sur le travail de cet artiste si reconnu, puis peu à peu je rentre dans l'exposition. 

Son propos me parle : s'adresser à tout le monde en empruntant les codes des cultures populaires, refuser les formes discriminatoires comme le monochrome ou l'art conceptuel dont le public n'est qu'une élite, un pourcentage si faible de la population. L'art n'est-il pas fait pour les Hommes, tous les Hommes ? 
La vision de l'artiste est sensée offrir une nouvelle vision du monde au spectateur. Mais à quoi cela sert-il si les spectateurs concernés ne dépassent pas le nombre de dix ?

Koons refuse toutes formes d'exclusion et considère comme discriminatoires des œuvres qui seraient coupées du goût du plus grand nombre. Il essaie alors d'élaborer un vocabulaire plastique commun à tous. Il met au même niveau des œuvres classiques, comme le buste de Louis IV, et le lapin gonflable sorti tout droit de la culture populaire en les fabriquant dans le même matériau, l'acier, et en les exposant côte à côte. Il impose ainsi au monde le l'art des formes incongrues et indignes.

Il se met en scène dans des pubs, conscient du rôle joué par la communication dans le monde de l'art en 1980, phénomène qu'il ne cesse de questionner dans son travail.

Dans sa série Made in Heaven, où il se met en scène en plein acte sexuel avec Ilona Staller, actrice porno qui devient plus tard sa femme, il cherche à libérer la culpabilité associée depuis si longtemps à l'acte sexuel, culpabilité venant de la morale chrétienne. En effet l'univers de ces photos pornographiques est presque féerique.

Avec sa dernière série Gazing Ball il inverse le rapport entre culture populaire et culture classique. On observe alors des sculptures en plâtre, imitation de sculptures du XVIIIe siècle, inspirée de la Grèce antique sur lesquelles sont déposées des grosses boules bleues. Celles-ci sont encore une fois issues de la culture populaire. Elles servent de décoration dans les jardins des particuliers en Pennsylvanie. Ici les sculptures classiques servent de piédestal aux sculptures populaires.

Bref après un long moment immergée dans l'univers de Jeff Koons, je suis non seulement touchée par son propos, mais ses sculptures de mauvais goût commencent même à provoquer en moi un plaisir sensible (rien à faire pour Mickael Jackson et son singe en porcelaine).

Cette expo crée une ouverture sur le travail de Jeff Koons pour ceux qui seraient dans un rejet complet de son travail et permet de tracer un certain nombre de repères qui informent sur le cheminement de l’artiste.

Le débat reste là. Pourquoi créer pour la masse, tout en fonctionnant dans un monde capitaliste qui la déconsidère ? La polémique perdure mais son propos n'en est pas moins riche.

Il y a au moins une chose qu'on ne peut pas reprocher à Koons: il parle de manière assez juste du monde capitaliste régi par le désir de consommer et plus particulièrement de la société américaine. Il l’incarne même. Que ce soit dans son travail qui grouille d’objets de consommation, dans la vente de ses produits à prix fixes et exubérants ou encore dans la médiatisation de son personnage. Il le fait certes sans ironie et n’oublions pas qu’il était anciennement trader, mais après à chacun de faire son avis sur ce monde qu'il dépeint avec justesse.



Lou Chenivesse 












lundi 8 décembre 2014

Fantasmagorie - David De Tscharner

Instantané (86) du Frac des Pays de la Loire (La Fleuriaye, Carquefou)
Fantasmagorie, David De Tscharner
Commissariat : Laurence Gateau
Du 29 octobre 2014 au 4 janvier 2015


Pour ce 86ème Instantané du Fonds Régional d’Art Contemporain des Pays de la Loire, Laurence Gateau a invité l’artiste suisse David De Tscharner à dévoiler pour la première fois au public son exposition intitulée Fantasmagorie. Le spectateur est tout d’abord plongé dans la pénombre. Pourtant, les sources lumineuses sont nombreuses. En effet, l’espace regorge de lanternes magiques, petites cabanes à oiseaux dans des arbres blancs, qui projettent des images pleines de couleurs. Une déambulation induite par ce dispositif de projection se met ainsi en place. Un lent slalom entre ces lanternes magiques permet au spectateur de s’approcher, puis de s’éloigner de ces intrigantes images. Projetées au mur, elles rappellent la peinture par leurs compositions et couleurs. Mais la présence de ces sculptures se fait pourtant bien ressentir. Frustré par le fait de ne pouvoir voir réellement ces objets au rebut  délicatement choisis et assemblés par l’artiste, le spectateur apprécie d'autant plus ces projections d'un autre temps. L’émotion née ainsi de cette fantasmagorie.


Meg BOURY


http://www.fracdespaysdelaloire.com/fr/programme/2014/au-frac/david-de-tscharner  


Ryoji Ikeda - Supersymmetry

Du 27 Juin au 21 septembre 2013
Commissariat : YCMA (Kazunao Abe) 
Le Lieu Unique (Patrick Gyger)


Le visuel de l'installation Supersymmetry est une photographie orientée paysage sur laquelle de petites billes noires glissent sur un fond blanc qui, en s'étirant, tant vers le gris. Notre regard suit naturellement le mouvement circulaire de ces billes dont la netteté n'apparaît clairement qu'au centre de la photographie. Il est ensuite dispersé par ces petites sphères noires qui, en s'éparpillant au loin, semblent disparaissent dans une nappe de brouillard.
C'est donc tout naturellement que je me suis laissé guider jusqu'à la cour du lieu unique où se trouvait Experiment, la première partie de l'installation.
Je me retrouve plongée dans le noir total. Un bruit fracassant de vagues métalliques s'échoue au fond de la salle, je m'approche et découvre trois caissons cubiques noirs projetant une lumière blanche, froide, presque médicale. Chaque caisson renferme des centaines de petites perles rondes ; dans l'un elles sont blanches, dans un autre translucides, dans le dernier, noires. Ces petites particules forment un tout, chacune est unique et pourtant, lorsque le plateau lumineux sur lequel elles reposent, s'incline, elles se dirigent toutes dans la même direction et finissent agglutinées dans le même recoin. Les billes se collent les unes aux autres, des interstices se créent puis se bouchent, ce mouvement forme des images géométriques en constante évolution et d'une esthétique minimaliste due au hasard tout à fait surprenante.
Soudain, un matraquage de basses fréquences vient briser le bruit des vagues devenu berceuse, la lumière blanche s’éteint et se rallume en rythme créant un effet stroboscopique. Par cette coupure nette et brutale, Ryoji Ikeda percute l'état de transe dans lequel il vient de nous plonger pour mieux capter notre attention.
La lumière se rallume, le mouvement stoppe. Une règle de plexiglas traverse la surface du plateau. Une sorte de scanner dont le but serait d'analyser l'état des perles ? De récolter des données statistiques sur la place quelles occupent après chaque déplacement?
Je m'arrête donc sur cette idée de capture de données et, tout en me demandant à quoi peuvent-elles bien servir et où peuvent-elles bien être envoyées, je me retrouve dans "le grand atelier" où se trouve Experience, la deuxième partie de l'installation.
Une fois de plus, noir complet, silence.
Un faisceau de lumière blanche traverse la pièce dans toute sa longueur puis revient vers moi à très grande vitesse. J'ai tout juste le temps de comprendre la configuration de l'espace dans lequel je me trouve qu'instantanément, une vingtaine d'écrans et de projecteurs s'allument sur un fond de cliquetis effréné de touches de claviers d'ordinateurs. Ce couloir d'écrans nous envoie une multitude d'informations, tableurs, calculs, schémas mathématiques. Je me retrouve dans un premier temps perdue dans un brouhaha informatique et incompréhensible puis, peu à peu, je constate que chaque point, chaque segment, chaque son est rigoureusement programmé pour apparaître à un endroit et àun moment bien précis. Toute cette orchestration me semble alors logique et ordonnée. Les schémas forment des figures géométriques rappelant celles formées par les perles d'Experiment et les cliquetis rythment l'ensemble de l'installation.
A nouveau l'obscurité et le silence envahissent l'espace. Le faisceau de lumière blanche retraverse le couloir et me rappelle la règle de plexiglas et cette idée de scanner. Alors que je m'attends à me retrouver de nouveau dans cette base informatique et complexe, je me retrouve dans l'espace.
La pièce est parsemée d'étoiles et nous volons au travers dans un calme et une sérénité profonde.

Ryoji Ikeda est un compositeur sensoriel, il parvient à nous perdre dans l'espace, à provoquer chez nous un état de transe méditative. Supersymmetry est plus qu'une œuvre, c'est une expérience.



Lisa Bonvalot


vendredi 24 octobre 2014

Tournée d'adieu de la chorégraphe Trisha Brown


Au Theatre ONYX / La Carrière

Le samedi 27 septembre à 20h30



Proposition poétique pour retranscription synthétique :



                                   TrishAdieu un samedi soir, le rideau se lève …



                                            //////////////////.       .\\\\\\\\\\\\\\\\\\
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                                                       ImPuLsIoN dU CoRpS



                                D         A                     n            S


                  l   ´e    s                                  p                    A                   c                    e


................non........chalance.................                                         &

                                           
                                                  <~~f~l~u~i~d~i~t~é~~~~>



P,r,e,c,i,s,i,o,n d,u  g,e,s,t,e
.     ,,              &.     ". ,,                                         Qu.            A.        Tu.            Or



1.règles      2. qui      3. structure     4. la        5. chorégraphie



M.u.s.i/q.u-e e-l/e-c-t/r/o/n.i-q/u;e 
Pa pa pea pea papa tchaktchak toumtoum toum!



            Du       o 

                                                                          Tr             i                 o


                                             solo

G
É
O
MÉTRIE 

[Hommes] //////[ Femmes ]



ééééélaaaaaaaaaaaaaannnnnnnnnnnnnnnnn !
      Jeté ! Jeté !
                   Jeté ! Jeté !
                             Jeté ! Jeté !




*Brrrrrrrrrrrrtt*(silence) *vraaaaaaaaaaaaaaaaaaa*(silence) *zzzzzzzzzzzzzzzzzrt* (silence)



                                                                       corpsCONTREcorps



                                                        ///////////////////////..\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\
                                                        -------------------------------------------------



                        ?
                       Fin !
            
           
                 .Mathilde Berger.



Informations sur le spectacle : http://www.onyx-culturel.org/spip.php?article361
Interview de Trisha Brown (sur la pièce Set and Reset notamment): http://www.numeridanse.tv/en/video/1743_zoom-on-an-interview-with-trisha-brown