jeudi 13 décembre 2018

Le temple du temps



       Musée d'Histoire Naturelle de Nantes,12 rue Voltaire - 44000 Nantes

            Situé au Nord-Est du centre-ville Nantais, le muséum d'histoire naturelle s'érige comme un temple de notre passé. En y pénétrant, on découvre d'incroyables collections mises en lumière par la disposition type des anciens cabinets de curiosité. Cette atmosphère fait vivre en chaque visiteur le plaisir enfantin de la découverte. En passant d'une vitrine à l'autre, des minéraux, des espèces éteintes naturalisées ainsi que des coquillages s'offrent à notre regard. Toutes ses formes dialoguent entre elles et transforment la réalité en imaginaire : ce qui est mort ne le sera jamais plus, ce qui semblait figé, prend vie et ce qui était vivant se pétrifie. Ainsi, l'essence de la vie contenue dans cet écrin qu'est le musée renvoie l'humanité à son éternelle danse funèbre présente dans les gravures du moyen-âge.
            Cependant, cette nature fantasmée n'apparaît que comme un échantillon bien pâle de cet univers. La nature muséale de cette exposition révèle ses propres limites faisant prendre conscience, par cette effusion du passé, d'une réalité présente. La beauté des essences de bois disposées autour de l'escalier ne peut exister que dans le cadre de ce musée, sans quoi elles perdraient leur visibilité. On peut se demander ainsi si la nature ne peut exister aux yeux de l'humanité qu'à travers le prisme muséal ? Au fond, l'expérience du musée d'histoire naturelle dépend de l'état d'esprit de son visiteur. Il agit en miroir de nos désirs transformant la nature de ses collections en fonction de nos attentes.
            Mais où sont passés les Dodos dans tout ça ? Les tigres de Tasmanie et autres espèces, disparus ou en voie de disparition. Il est certain que les musées d'histoire naturelle auront un futur dans cette Histoire. Même si le musée de Nantes, a connu de nombreux agrandissements au fil du temps, il semble inévitable que notre histoire présente y trouvera place afin de conserver le souvenir de ce qui a été et que nous n'avons su protéger. Ainsi donc notre univers deviendra un rêve lointain.

Léa Raïs

http://www.museum.nantes.fr


Les Graveurs de la Tour de la Lanterne de La Rochelle


Les Graveurs de la Tour de la Lanterne de La Rochelle


            La Tour de la Lanterne, située à l'entrée du port de la ville de La Rochelle fut construite au XIIe siècle. D'abord résidence du désarmeur des nefs, puis phare, cette tour de 55 mètres de hauteur fit office au XVIe siècle de prison. Sur plus de deux siècles, cet édifice abrita alors des milliers d'hommes : prisonniers religieux, marins et militaires français, anglais, hollandais ou encore espagnols.
            De nos jours, seuls les murs témoignent de ce passé, ce passé de détention. Aujourd'hui lieu historique, elle recueille une collection de plus de 600 « graffitis », de gravures à même les murs.  En effet, tout au long du parcours dans cette tour, nous pouvons observer des bas-reliefs, non visibles aux premiers abords, minutieux et précis dans la pierre. Des centaines de « graffitis » d'une véritable prouesse artistique. Armés d'une pointe de fortune, les détenus gravaient alors les pierres, pendant des heures durant, sans doute des jours pour creuser cette pierre dure.
Occupation pour tuer le temps, ces gravures d'un travail rigoureux et de longue haleine étaient également un moyen de laisser une trace de leur passage en y gravant leur nom mais aussi de s'exprimer. D'exprimer autant leurs souffrances et désespoirs que leurs envies et espérances. De multiples reproductions de navires sont observables, navires que les détenus pouvaient apercevoir depuis la tour ou probablement ceux sur lesquels ils étaient marins. Ces reproductions ayant un point commun : le désir d
'évasion, et l'espoir de reprendre le large. Ce désir d'évasion se mêle au manque des proches, perceptible par leurs représentations via des portraits ou des scènes de vie.
Ces pierres pleines d'enseignement nous content alors l'histoire des prisonniers et nous éclairent ainsi d'une part de l'histoire de la ville.

Blandine Langlois 





    Photo Blandine Langlois

Par-delà l’horizon liquide, le lieu unique, Nantes


Par-delà l’horizon liquide

Du 21 octobre au 06 janvier 2019
Au Lieu Unique, 2 rue de la biscuiterie, 44000 Nantes

A travers l’épais rideau noir, c’est l’obscurité qui m’entoure. Une épaisse brume d’information dans un monde en perpétuel changement. En seulement 40 ans, l’Homme aura réduit de moitié la population d’espèces sauvages tandis que leurs images, quant à elles, n’auront jamais été aussi présentes dans notre quotidien.

 De nos écrans de cristal jusqu’aux plus profondes abysses, cette exposition se tenant au Lieu Unique de Nantes jusqu’au 6 janvier propose à une douzaine de jeunes artistes internationaux de travailler par-delà l’horizon liquide et de proposer s’ils le souhaitent un récit spéculatif d’un futur incertain. La narration de l’exposition se base sur une eau forte de l’artiste estonien Vello Vinn intitulée Fusées et sur l’œuvre de l’écrivain d’origine nantaise Jules Verne
20 000 lieux sous les mers.

Entre poésie, écologie et science-fiction, cette exposition réalisée dans le cadre du centenaire de la république d’Estonie est magiquement orchestrée par la commissaire d’exposition Kati Ilves. La scénographie de Tõnu Narro fonctionne quant à elle incroyablement bien, elle réunit au sein de l’exposition un grand nombre de médiums hétéroclites : Installation, sculpture,  vidéo, gravure et son. « Et encore, aujourd’hui nous sommes peu nombreux, les jours de grande affluence on voit tout son potentiel » me confie un des guides de l’exposition, « Même si je dois l’avouer, la disposition des cartels n’est pas son fort… ». En sortant de l’immense salle sombre, je me trouve baigné dans une lumière aveuglante. L’expérience que j’ai vécue me semblait hors du temps, ou peut-être était-elle bien trop dans le temps.

Artistes exposés :
Anni Puolakka & Jaakko Pallasvuo ; Guan Xiao ; Joey Holder ; Katja Novitskova ; Kristina Õllek ; Laura Põld ; Nicholas Riis ; Norman Orro ; Simon Wald-Lasowski ; Sol Archer ; Taavi
Suisalu ; Vello Vinn.



Georges Davidovits

FROM DOGS TO GODS, Céleste Richard Zimmermann


FROM DOGS TO GODS, Céleste Richard Zimmermann
Dans le cadre d'une exposition collective :
« Le cœur des collectionneurs ne cesse jamais de battre »
à L'Atelier, Nantes,  du 25/10 au 18/11/18


Dans cette vidéo l'artiste nous rapporte à la manière d'un documentaire une scène hebdomadaire de chasse aux rats à New York. Les R.A.T.S (comme ils se nomment) partent pour une chasse urbaine avec leurs chiens (grotesques car ce ne sont même pas des chiens de chasse mais une sorte de petits caniches).
Au final cette équipe barbare a l'air ridicule car ils se mettent à plusieurs pour un si petit animal qui est pourtant beaucoup plus intelligent qu'eux (stratégie mise en place pour fuir).
Au fur et à mesure de la vidéo on se demande qui est le plus cruel, qui est le plus primitif ?

Céleste Richard Zimmermann, ancienne étudiante aux Beaux-Arts de Nantes travaille sur un thème récurrent qui est celui de la relation Homme/Animal. En effet ici le chien : meilleur ami de l'homme se bat contre son ennemi symbolique : le rat qui représente ici le « Mal ». Il y a donc une dimension religieuse et manichéenne (le Bien contre le Mal).
On voit aussi que les chasseurs urbains faisant preuve de cruauté sont très religieux (dans leur discours), c'est presque comme s’ils utilisaient cet argument pour justifier leurs actes.

Ces chasseurs ont une réelle volonté de contrôle sur la nature, ce sont des hommes qui se prennent pour Dieu (ce qui explique aussi le titre) ils s’octroient le pouvoir de choisir qui peut vivre ou mourir.
Dans cette vidéo j'ai vu un homme « moderne » qui se retrouve à chasser l’animal des villes : un récit sombre, presque glaçant.

On peut remarquer un contraste entre la ville qui est symbole de civilisation et leurs actes barbares, sauvages, sanguinaires. Ils prennent même plaisir à se prendre en photo avec leur butin, ils se complaisent dans un narcissisme malsain. Il y a également un contraste entre un outil contemporain : le smartphone pour capturer un moment primitif : eux-mêmes avec leur affreux trophée.

Paola Bonami

Rudy Ricciotti : La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt



Rudy Ricciotti, un architecte français, publie en 2013 son ouvrage : HQE : La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt. Ce pamphlet présente la troisième version, revue et augmentée d'un texte de Rudy Ricciotti paru en 2013. 
Au-delà d'un livre uniquement critique sur un problème majeur de l'architecture, l'auteur ouvre la porte à de nombreux débats qui peuvent, en fonction de nos propres opinions et centre d'intérêt, dévier. Il est particulièrement virulent quant à l'uniformisation technique et formelle qu'engendre la HQE (Haute Qualité Environnementale, charte de chantier français datant de 2004). Ce sujet peut nous amener à penser dans le domaine de l'art à l'uniformisation des white cubes. Et si le « désordre », l'hétérogénéité d'un lieu ne pouvait-elle pas produire une nouvelle forme d'art ?
Comme évoqué en début d'article, Rudy Ricciotti a augmenté son ouvrage à trois reprises. Cette approche, au sein même de la lecture du dernier livre en date, apporte une réelle vision dans le temps. On ne se sent pas piégé au sein d'une seule et même année et des « prédictions futures ». Ses écrits ne vieillissent donc pas d'une certaine façon. Il reprend son propre travail, ses propres critiques à plusieurs reprises : une approche du travail qui se fait sentir dans ses propos.
Enfin, ce qui peut marquer le plus lors de la lecture de HQE est à mon sens le parler même de l'auteur : il mêle langage cru et soutenu nous piquant directement en tant que lecteur. Cela pourrait paraître effrayant en un certain sens : trop polémique, trop critique...etc. Cependant, il permet, de mon point de vue, de dialoguer au fur et à mesure de la lecture avec l'auteur : de débattre avec lui.

Léa Raïs

Masterclass Tsai Ming-Liang


Masterclass Tsai Ming-Liang
25 novembre, 2018.  Grand atelier - Lieu unique, Nantes

(Festival Des 3 Continents. 20-27 novembre 2018.)

    La 40ème édition du Festival Des 3 Continents au lieu unique présentait un programme Taipei Stories, dont douze films réalisés à différentes époques à Taipei, Taïwan. Your Face, Vive l’amour, Goodbye Dragon Inn, trois films de Tsai Ming-Liang ont été présentés lors du festival.

    Tsai Ming-Liang, réalisateur malaisien, a fait ses études puis travaillé à Taipei. Il a donné une conférence pour partager son histoire, ses expériences, et sa vision de la réalisation d’un film.

    Les visages, selon Tsai, sont fondamentalement intéressants ; néanmoins, les gens ne prennent pas assez de temps dans la vie pour bien regarder le visage des autres. Il explique en effet qu’il pense n’avoir véritablement regardé le visage de sa mère que deux fois dans sa vie — lors de sa propre naissance et quand sa mère est décédée. Ce que nous avons peut-être manqué dans la vie, c’est ce qu’il veut porter à l’écran et nous montrer. Il passe donc beaucoup de temps sur les visages des personnages dans ses films. Filmer des visages n’est pas plus simple que de filmer des paysages ; la composition et la lumière sont aussi complexes dans les premiers comme dans les seconds.
    Sans aucun doute, l’histoire d’un film est importante; les spectateurs, en général, regardent des films et suivent un déroulé d'événements qui s'enchaînent. Tsai produit les films avec un point de vue différent : il se concentre sur les apparences, l’esthétique de la simplicité, et laisse aux spectateurs la liberté d'imaginer. Le film perd de son mystère, ce qui est la plus belle chose pour lui, quand on en montre trop aux spectateurs.

    Pendant la conférence, Tsai a aussi mentionné la situation du marché du film asiatique. Ainsi, il a expliqué que la plupart des studios de production suivent la tendance contemporaine en produisant des films grand public. Cependant, Tsai préfère sortir du système industriel et produire des films avec un grand sens esthétique, de vraies créations artistiques.


Wen-Che LIN



Tsai Ming-Liang photo-by-Chang-Jhong-Yuan, octobre 2018

Archives #3 / Kamiel Verschuren


Archives #3 / Kamiel Verschuren
Paradise, centre d’art, Nantes
18 octobre-16 novembre 2018


Ceci n´est pas comme ailleurs.Ce n´est pas quelque chose qui saute sur moi, qui attaque directement mon regard, qui supplie mon attention. C´est un peu un bazard, qui attend tranquillement d‘être déshabillé. Il faut aller vers lui, s’approcher, se calmer. Les Archives sont un univers très stable semblant infini, qui nous invite à plonger dans la charité.
Le rassemblement d’œuvres de Kamiel Verschuren sur les dernières 27 années, nous interroge d’abord sur le nombre de vies que l’artiste a vécues. Il a mis en place de nombreux projets contribuant au progrès dans la vie publique, et a réalisé des œuvres d’art activistes traitant des questions sociales, ce qui apporte de la paix, de l’espoir.
 Il sème de la bienveillance un peu partout dans le monde. Il est à l’écoute des besoins du public et il trouve souplement des solutions pour améliorer son milieu de vie. Sa maîtrise de la question de la communauté est impressionnante. Son travail consiste en plusieurs expérimentations économiques alternatives, des projets collectifs et solidaires, des propositions de plateformes de développement d’existence artistique.  « Le but de toutes ces initiatives est de créer une vie publique, de mettre en relation les gens afin de les autonomiser des pouvoirs publics, de questionner l'autorité et de créer de la liberté, tout en assumant ses responsabilités»
Des petites surprises, le hongrois, l’architecture humaniste, la poésie circulaire.
Un très beau projet de fabrique de puzzles avec des images de vanités humaines, des catastrophes historiques, des souvenirs de souffrance. Il reprend des photos dont il n’est pas l’auteur, donc ne porte aucune signature sur les emballages, pourtant il les produit lui- même. Les puzzles seront vendus pour 100 euros dont 100 pour cent seront récupérés par la Croix Rouge.
L’espoir. Le désir de multiplier cela dans le monde entier. De s’occuper des autres. De s’offrir.
Je le nommerais l’Artruisme.  

Bianka Zamatoczka


Galerie Paradise, 6 Rue Sanlecque, 44000 Nantes


Disposer du vent, Raphaël Ilias




Le FRAC Pays de la Loire est un FRAC seconde génération, c’est-à-dire qu’il possède un espace dédié à l’exposition des œuvres acquises, en plus de la conservation et la restauration de celles qu’il possède.

La pièce Disposer du vent, a été réalisée par l’artiste mexicain Raphaël Ilias dans le cadre de la résidence Ateliers Internationaux. Cette résidence entre Yucatán au Mexique et le FRAC a donné lieu à l’exposition Tenir L’écart, ayant visible du 27 octobre 2017 au 21 janvier 2018.

Cette œuvre est composée de feuilles de polyester suspendues par des pinces à dessin, reliées à des moteurs. Les moteurs font bouger les feuilles de manière à ce qu’elles reproduisent le son du vent. Cette pièce reprend une œuvre antérieure de l’artiste nommée Disponer el viento. Qui de la même manière reproduisait le son du vent du Yucatán à l’aide de fruits séchés, créant des sortes de maracas.

L’artiste à travers ces deux installations joue sur le lien entre l’espace et les sonorités, ou comment le son fait partie intégrante de l’espace. Il joue aussi sur les différences culturelles entre son pays natal et la France, où l’on entend, retranscrite la sonorité du vent de manière différente.

Il fait jouer son installation avec le lieu de manière subtile et sensible. L’œuvre, in situ, n’est pas située dans les deux espaces du FRAC liés à l’exposition des œuvres mais elle est accrochée dans le couloir, qui n’est pas un espace d’exposition usuel.

Pour autant elle s’inscrit avec finesse dans cet espace, qui permet, avec sa longueur d’accrocher les feuilles tout du long, et dans le sens du mouvement que l’endroit impose. Le son lui aussi suit la longueur et incite le déplacement du regard. Le couloir mène à une fenêtre qui propose un jeu de lumières grâce à la transparence des feuilles.

Cette pièce dialogue avec la sensibilité du spectateur et de l’espace dans lequel elle s’inscrit.

Pascaline Amblard




Raphaël Ilias, disposer du vent (version) 2017, Frac des Pays de la Loire

Exposition « Mademoiselle » au CRAC de Sète.




Cette exposition est une exposition collective et temporaire (du 12 juillet au 6 janvier) ayant lieu au CRAC d’Occitanie. Elle marque le début de la carrière de la nouvelle directrice artistique Marie Cozette et la fin de celle de Noëlle Tissier.

Cette exposition collective regroupe plus de 30 artistes, toutes des artistes femmes contemporaines, dont Laure Prouvost, Ackroyd Rebbeca, Argimon Bianca, Bukman Zoé etc. Ayant pour commissaire d’exposition Tara Londi.

Cette exposition fait référence à l’interdiction récente du titre « Mademoiselle ». Sous ce terme sont présentées une trentaine d’artistes, toutes des femmes car « Mademoiselle ». Je n’ai pas réellement apprécié cette exposition, non pas pour les œuvres présentées mais pour l’exposition elle-même, le concept, l’idée qui, finalement, peut être à la limite du sexisme.

On peut très facilement faire un rapprochement avec les expositions précédentes ayant eu lieu au CRAC : « Tempête » ou un nouveau terme fourre-tout pour y entreposer plus de 50 artistes.

La peur du vide ? Le lieu est un immense bâtiment, haut de plafond, qui met à disposition d’énormes espaces, pouvant être assez impressionnants. Chaque pièce est donc remplie d’œuvres ayant des propos diamétralement opposés.

Qu’est-ce qu’une œuvre de femme ? Ce terme colle à la peau des pièces. En quoi la vidéo de Gery Georgieva (ayant la forme d’un tutoriel make up de youtube) est-elle une oeuvre de femme ? Car elle traite d’un sujet supposément exclusivement féminin ?

Le titre général « Mademoiselle » nous permet de voir un éventail d’œuvres et de propos très large et différent. À travers notre déambulation dans cette immense frigidaire, on perd tout propos et le seul fil rouge traversant l’exposition est ce terme flottant « Mademoiselle ».

http://crac.laregion.fr/exposition_fiche/229/3170-expositions-art-contemporain-futures-crac-sete.htm

Pascaline Amblard


Exposition collective Mademoiselle @ CRAC OCCITANIE à Sète
Zanele Muholi, Phaphama at Cassilhaus, North Carolina, 2016. 
Courtesy de l’artiste Yancey Richardson Gallery, New York, 
Stevenson Gallery, Cape Town et Johannesbourg

mercredi 5 décembre 2018

BOUCHRA OUIZGUEN / CARTE BLANCHE JERADA


15-18 novembre, 2018. Centre Pompidou, Paris


La lumière s'allume progressivement à droite de la scène
Une musique résonne avec un tambour intensif
Un danseur entre dans la lumière puis tourne sur lui-même

Ouvrant les bras
La lumière s’étale et s’intensifie au fur et à mesure de ses mouvements
Il tourne, il tourne, il tourne sans arrêt

——

Vingt minutes passent, un autre danseur est enrôlé dans la danse
Ensuite c’est elle, ensuite c'est lui

Ils tournent sans arrêt, parfois ils s’assemblent, parfois ils se dispersent, parfois ils se heurtent
Lui, elle, lui, lui, et elle vont sur la scène qui deviennent des places d’orchestres
Pas de points communs pour les rotations, les costumes, ou les gestes
Chacun est unique

Une des personnes crie

Lever les bras, tomber par terre, sourire
Les danseurs exécutent les ordres mais sans arrêter de tourner

——

Les danseurs quittent la salle un par un
Il n’en reste que deux
Ils se battent en tournant et leurs vêtements flottent

D’autres envahissent successivement l’espace, chacun porte un vêtement dans les mains,
Avec lequel on couvre l’un des deux danseurs
Ils sortent

Le danseur ainsi recouvert,
Telle une danseuse de ballet
Reste seul en scène, et continue à tourner

——

Un autre porte des baskets puis court sur la scène
Elle, se met à courir aussi, et fait le tour de la scène avec lui
Une, deux, et trois
La scène devient un terrain de sport où tout le monde court
Pour suivre la musique de plus en plus rapide, ils courent de plus en plus vite
Quelques-uns se dépensent entièrement, d’autres courent en dansant de joie

——

Cette ronde endiablée se sépare en deux
Les coureurs et les spectateurs
Ils les encouragent, les acclament
Parfois, un coureur sort de scène, et un spectateur le remplace
L'atmosphère s'achève au sommet

——

Lentement, ils sortent
Il ne reste qu'elle
Au milieu de la scène, elle tourne, utilise sa tête pour enclencher son corps
Tourner, tourner

La lumière s'assombrit doucement jusqu'au noir complet
On peut entendre ses pas mais elle a disparu


Un spectacle de danse écrit par Bouchra Ouizguen, une danseuse, chorégraphe marocaine. Ce spectacle nous a invités à un retour en enfance ; la course, le tournis sont représentés par les danseurs dans le spectacle, “La spirale m’évoque un infini, un éternel recommencement tout autant qu’un < hors de soi > ” indiqué par Bouchra.


Wen-Che LIN


Jerada Arash A.Nejad / Carte Blanche

mercredi 28 novembre 2018

Les contes cruels de Paula Rego


Musée de l’Orangerie, Paris
Exposition du 17 octobre 12018 au 14 janvier 2019

J’arrive à l’orangerie, j’enlève mon sac à dos, je prends un billet, j’entre dans l’exposition.
Il y a une drôle de lumière ici, je m’approche du premier cartel et l’on m’informe de qui sont ces drôles de toiles et ces sculptures féériques mystérieuses.
« Paula Rego est une artiste ayant étudié à l’école de Londres, attachée à sa culture portugaise. »
Je m’approche des premiers tableaux, il y a des jeunes filles jouant avec un chien, elles sont dans un mouvement immobile. J’ai du mal à me concentrer sur les tableaux parce que l’on m’observe, derrière moi il y a une rangée de sculptures étranges. Des monstres que Paula crée afin de réaliser ses tableaux vivants (par la suite retranscrits sous la forme de très grands pastels). Une sculpture attire mon attention, il s’agit d’un gros bonhomme mélancolique en tissu.
Je passe dans la seconde salle sombre et ornée de gravures illustrant des contes. Je m’approche pour voir la finesse du travail et j’entre dans l’histoire. On me dit que Paula « grâce à l’obtention d’une bourse de la fondation Calouste-Gulbenkian, se plonge dans l’étude des contes et leurs illustrations ».
Je continue mon chemin et elles sont là ces grandes peintures à l’acrylique. « Les bonnes » 1987. Les couleurs sont froides, la scène angoissante, les personnages nerveux, des bonnes menacent de tuer leur maîtresse. « La famille » 1988. Un homme pantin manipulé par deux femmes. Paula et ses filles aidant son mari malade (sclérose en plaque paralysante). Elle peint sa famille courageuse face à une vie dure. Dans un coin de la salle il y a un dessin de Louise Bourgeois, il est bien là.
Il y a des peintures et de grands pastels sur tous les murs, Paula ne raconte plus mais crée un nouveau conte. Il y a des femmes-chiens, elles sont puissantes, indépendantes. Des danseuses, qui s’inspirent de la danse des autruches de fantasia, fortes, massives, le visage dur, certaines nous regardent. Une interprétation d’une photo de la guerre d’Irak. Des femmes en « fête », le visage dur, elles se représentent jouant de l’accordéon au bord d’une plage qu’elle a bien connue, elle semble souffrir. Sa fille en fée bleu parlant à Pinocchio, et son mari sculptant celui-ci. Des illustrations de Peter Pan (l’enfant qui ne voulait pas grandir, son conte favori). Et puis, à la fin je retrouve ce gros bonhomme en tissu que j’avais rencontré en début d’exposition. Je l’imagine jouer seul dans son atelier avec cette poupée de chiffon, la placer dans différents endroits, la placer dans différentes positions. Elle prend des pastels « plus tactiles pour rendre la palpitation des chairs » ici c’est un triptyque, cet homme qui sue est un personnage d’une histoire de Martin Mc DONAGH « Pillowman » (l’homme oreiller) étouffant les enfants pour qu’ils n’aient pas une vie de souffrance. Pillowman représente ainsi son père un homme doux et dépressif. Ils sont ensemble dans ces tableaux de pêches sombres, mélancoliques, l’exposition se termine là.
Garret Lila
Paula Rego

mardi 27 novembre 2018

PERSONA GRATA


MAC VAL ET Musée national de l’histoire de l’immigration, Paris
Du 16 octobre 2018 au 20 janvier 2019

L’ambitieuse double-exposition Persona Grata interroge la notion d'hospitalité, actuelle et omniprésente dans le discours français, soulevée par la question migratoire et les insatisfaisantes réponses socio-politiques. Dans un moment où le poids de ces enjeux dans le débat public est grandissant, il est fondamental que la discussion prenne corps dans des lieux de culture, d’histoire, du sensible, ceci étant souligné par la cohérence du choix d’intégrer au parcours à la fois un musée de société (le musée de l’histoire de l’immigration) et un musée d'art contemporain (le Mac Val). Ce dernier avait déjà l’an passé, avec l’exposition Tous de sang mêlé, ouvert la discussion autour de problématiques proches appuyant en cela l’investissement de l’art et de ses institutions dans la réflexion de société et dans la création d’espaces d’incarnation de pensées en formes. Il est intéressant de questionner le rôle de l’artiste et sa responsabilité mais également le dispositif d'exposition comme un espace de collaboration, un laboratoire à réfléchir des problématiques fondamentales en les reformulant. Il peut être un espace de reconfiguration des relations entre individus permettant une conscientisation, une considération par des biais sensibles. Ici, le dialogue est ouvert par Fabienne Brugère et Guillaume le Blanc, philosophes et sous le commissariat d’Anne-Laure Flacelière, chargée de l’étude et du développement de la collection du MAC VAL et Isabelle Renard, chef du service des collections et des expositions du Musée national de l’histoire de l’immigration.

L'exposition n'est pas pensée d'une seule voix et ne présente pas d'utopie, mais des réalités où les acteurs qui la constituent, sont présents. Il s’agit de remettre l'humain au centre, là où actuellement la politique nous parle de flux et de crise, ici il est question de visages, de parcours de vies, d’êtres. Il n’est pas question de s'arrêter à la seule réflexion de cette notion d'hospitalité mais de sensibiliser par une construction sensible de ce qu’elle représente et aux concepts et notions dont elle relève : l’accueil, l’exil, le territoire, la culture, l'identité du territoire, la frontière, le déplacement, le déracinement etc. Elle invite à dépasser la simple visite, à réfléchir concrètement et à investir le visiteur d'une véritable posture critique. On peut se demander si la pédagogie de ce type de manifestation peut être un agir social mais ne serait-ce que le fait d'en discuter, de rendre visible ces problématiques, c'est nier l'invisibilité de ceux qui subissent les dérives politiques. C’est questionner l'éthique par le sensible. L’exposition peut être appréhendée comme un dispositif qui permet de donner lieu et place à la sensibilisation nécessaire à la mobilisation en la nourrissant émotionnellement. Le problème qui serait à soulever serait la juste voix (militante?) accordée à ces causes portées par les artistes et non seulement par les choix des commissaires. En effet l’exposition a été construite non pas par des réponses immédiates des artistes mais par un choix d’œuvres qui s’est fait par prélèvements dans les collections. C’est le discours théorique de l’exposition qui a pris les œuvres en son sein pour penser et s’incarner dans les formes. Il ne s'agit pas seulement de réfléchir aux notions soulevées par chaque œuvre (par exemple celle de Sarkis et la notion de voyage, d’arrivée de départ ou celle de Philippe Cognée et de l’habitat précaire, du territoire), notions qui sont des prolongements critiques des questions socio-politiques soulevées. Il s’agit d’une cause militante, le positionnement des deux institutions est clair et on peut se demander en quoi il est juste de faire dire aux œuvres ce qu’on leur demande. La commissaire de l’exposition explique que, consciente de cette problématique, elle a demandé aux artistes s’ils étaient en accord avec le discours tenu et si le discours ne travestissait pas celui de l’œuvre. Que l’œuvre soit un support de médiation est une chose mais qu’elle prenne voix à un discours engagé alors que l’acteur ne l’est pas nécessairement peut s'avérer problématique. Bien que ça ne soit pas le cas d’une grande partie des objets exposés, ceci engage à réfléchir sur les discours curatoriaux et à la liberté des commissaires et à la façon dont les objets sont engagés dans les théories dont ils ne doivent être ni prétextes ni illustrations. La finesse de l’exposition tiendra aussi en cela car l’idée de l’illustration est évacuée par la mobilisation des concepts au-delà du simple fait d'évoquer l'hospitalité. Il est question de formes poétiques, sensibles, métaphoriques, imaginaires faisant par cela appel au sens large des questions politiques portées en fil conducteur. Le territoire, le départ, l’arrivée, l'étranger, le voyage, le rêve, et son prix, le désir et sa réalité, la fuite, l’exil, l’abri en ce qu’il évoque l'intérieur etc. C’est dans l’appréhension de questions concernant chacun que l’exposition réussit autant à intéresser de manière éthique autant que sensible.

Quoi qu’il en soit l’exposition est encourageante ainsi que le type de propositions plus que nécessaires dans le climat actuel. Elle offre à voir une belle diversité de formes qui permet l'exploration de formes de vie, de conscience, d’espoir et non seulement un message strict. Loin d'être dogmatique ou moralisatrice, elle laisse la possibilité d’un positionnement critique et émotionnel riche. Les thématiques de société et les enjeux contemporains ont réellement besoin de trouver des espaces de discussions engagés et soulevés par des biais sensibles telle que cette double exposition nous le propose aujourd'hui. En espérant que cela ne s'arrête pas là.

Anna de Castro

Du 16 Octobre 2018 au 20 Janvier 2019 au Musée de l’Histoire de l’immigration à Paris.
Avec les oeuvres de Bertille Bak, Dominique Blais, Alina Bliumis, Jeff Bliumis, Halida Boughriet, Kyungwoo Chun, Philippe Cognée, Pascale Consigny, Hamid Debarrah, Latifa Echakhch, Eléonore False, Claire Fontaine, Laura Henno, Pierre Huyghe, Bertrand Lamarche, Xie Lei, Lahouari Mohammed Bakir, Moataz Nasr, Eva Nielsen, Gina Pane, Laure Prouvost, Enrique Ramirez, Judit Reigl, Anri Sala, Sarkis, Zineb Sedira, Bruno Serralongue, Chiharu Shiota, Société Réaliste, Dan Stockholm, Barthélémy Toguo.

Du 16 Octobre 2018 au 24 Février 2019 au Mac Val à Vitry-sur-Seine .
Avec les œuvres de Eduardo Arroyo, Kader Attia, Renaud Auguste-Dormeuil, Marcos Avila Forero, Laëtitia Badaut Haussmann, Bertille Bak, Richard Baquié, Taysir Batniji, Ben, Bruno Boudjelal, David Brognon & Stéphanie Rollin, Mark Brusse, Pierre Buraglio, Mircea Cantor, Étienne Chambaud, Kyungwoo Chun, Clément Cogitore, Philippe Cognée, Delphine Coindet, Matali Crasset, Julien Discrit, Thierry Fontaine, Jochen Gerz, Ghazel, Marie-Ange Guilleminot, Mona Hatoum, Éric Hattan, Laura Henno, Pierre Huyghe, Emily Jacir, Yeondoo Jung, Bouchra Khalili, Kimsooja, Claude Lévêque, M/M, Lahouari Mohammed Bakir, Jean-Christophe Norman, Lucy Orta, Bernard Pagès, Philippe Parreno, Yan Pei-Ming, Cécile Paris, Mathieu Pernot, Jacqueline Salmon, Bruno Serralongue, Esther Shalev-Gerz, Société Réaliste, Djamel Tatah, Barthélémy Toguo, Patrick Tosani, Sabine Weiss.


1. Bouchra Khalili, The Constellations n°2, 2011. Sérigraphie sur papier contrecollée sur aluminium, 65 x 45 cm. Collection Musée national de l’histoire de l’immigration, Palais de la Porte Dorée, Paris. Photo © Lorenzo. © Adagp, Paris 2018.



2. Sarkis, Le Bateau Kriegsschatz ,1982-2005, Panneaux de bois contreplaqué peints au goudron, ampoules peintes, maquette debateau,700x510x70cm Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne. Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France © ADAGP, Paris, 2018. Photo © Jacques Faujour.


3. Marcos Avila Forero, Cayuco, Sillage Oujda/Melilla - Un bateau disparaît en dessinant une carte, 2012. capture de la vidéo HD, couleur, son, 55’. Collection Frac Aquitaine. © Adagp, Paris 2018.


4. Mona Hatoum, Suspendu, 2009 - 2010. Médium stratifié, chaînes en acier, dimensions variables. Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne. Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France. Photo © Jacques Faujour.



5. Moataz Nasr, Dôme, 2011, Bois, cristal, vidéoprojection, leds 260x565x565cm, Production Établissement public du Palais de la Porte Dorée, Musée national de l’histoire de l’immigration. Courtesy de l’artiste et GALLERIA CONTINUA, Gimignano/Pékin/Le Moulin de Boissy/ La Havane. Photo © Ela Bialkowska.



ORLAN avant ORLAN



Exposition de l’artiste ORLAN, galerie Ceysson & Bénétière
  • 23 rue du Renard, 75004 Paris.

Exposition du 18 octobre 2018 – 8 décembre 2018

L'évolution picturale de l'artiste est une nécessité. « Personne n’est exempt des changements. Les théories sont dépassées, la vérité n’est jamais absolue et la plupart du temps, nous ne nous connaissons pas nous-mêmes dans notre totalité » (Sanguino, J). Quarante ans avant de peindre Guernica (1937), Pablo Picasso créa, en 1897, Science et charité, une peinture de style réaliste réalisée selon une technique classique. Dix-sept ans après avoir conçu Croix noire (1915), Kazimir Malevich, peint, en 1932, L’homme qui court, une peinture figurative qui évoque la période de la vie de l'artiste lorsqu'il était persécuté par le gouvernement soviétique.

C’est une erreur de vouloir juger un artiste pour une œuvre, car cela nous oblige à généraliser immédiatement sans avoir connu un aspect plus large de son travail à travers le temps, c'est pourquoi la galerie Ceysson & Bénétière, située à côté du Centre National d’Art et Culture George Pompidou à Paris, présente pour la première fois, une exposition des premières œuvres picturales produites par l'artiste française ORLAN entre 1971 et 1974, intitulées Problématiques géométriques.

ORLAN est une artiste reconnue de l’art corporel, qui pousse le corps dans ses limites, matériau extrêmement fragile, extrêmement vulnérable. La chirurgie esthétique est mise au service de l’art, ce qui soulève des questions liées aux canons de la beauté et à la transformation physique et psychologique du corps. L'art corporel est un art de la résistance, inscrit hors de la loi et émergeant comme une subversion.

C’est dans cette ligne critique que la jeune ORLAN commence à développer son travail artistique, critiquant l’existence des structures oppressives et systématiques qui conditionnent la vie des femmes dans différents domaines : au travail, dans leur corps / leur apparence, dans leur comportement et dans leur sexualité. Clairement influencée par les mouvements sociaux de Mai 68, ORLAN condamne les hiérarchies patriarcales établies dans la vie familiale, présentes sur tout dans la cuisine. Les matériaux et les ustensiles de la vie domestique, ainsi que le corps, serviront comme composants potentiels qui lui permettront de développer ses peintures géométriques.

« Cette exposition sera le premier volet d’une relecture de la carrière de l’artiste » (Ceysson, B).

Berenice Vargas-Bravo

Galerie Ceysson & Bénétière, Paris, France, "ORLAN avant ORLAN", 2018.


Ceysson, B. (2018). Texte sur l’exposition ORLAN avant ORLAN écrit par Bernard Ceysson, critique d’art et commissaire d’exposition.

Chauvel-Levy, L. (2018). Texte sur l’exposition ORLAN avant ORLAN écrit par Léa Chauvel-Lévy , critique d’art et commissaire d’exposition.

Sanguino, J (2018). El primer y último trabajo de grandes pintores y su evolución en el lienzo. Cultura Colectiva, México. https://culturacolectiva.com/arte/el-primer-y-ultimo-trabajo-de-grandes-pintores-y-su-evolucion-en-el-lienzo


Franz West - Centre Pompidou


Du 12 septembre au 10 décembre 2018

Mon train arrive à Paris.
Je cours vite jusqu’au Centre Pompidou, j’ai peur d’arriver trop tard et de rater l’exposition. Ce serait dommage quand même. Venir jusqu’à Paris pour voir la rétrospective dédiée à Franz West et la louper.
Escalator, escalator, escalator, encore et encore. Ça y est, j’y suis.
J’entre.
L’exposition commence avec une vidéo de Franz West tournée par son ami Friedl Kubelka.
Je me balade un peu partout, je lis les cartels. J’aimerais tout toucher, glisser mes pieds dans les méduses d’un Paßstücke accroché au mur.
On n’a plus le droit de toucher à rien maintenant.
Dans un coin, au fond, il y a d’autres Paßstücke avec lesquels on peut jouer. On peut se glisser avec derrière un rideau blanc et en faire ce qu’on veut. Comme dans l’exposition originelle.
C’est rigolo. J’ai envie d’essayer mais j’ose pas.
Je m’approche, tout le monde me fixe. Je tripote cet objet ludique puis le repose.
J’irai pas me cacher avec aujourd’hui.
Je continue à errer dans l’exposition. Je suis un peu déçue, je pensais que ça me parlerait plus.
Je me dirige vers la sortie et c’est là que je les vois. Ces grosses sculptures en papier mâché.
Elles reposent fièrement, toutes ensembles, sur leur socle. Je suis hypnotisée. Je m’en approche, les regarde sous toutes les coutures. J’aimerais pouvoir passer mes doigts dessus, sentir les bosses, la texture. J’imagine Franz West les modeler.
Je regarde les couleurs, tout est mélangé. Je me fais la réflexion que j’aimerais bien voir un peu de orange entre ce parme, ce rouge et ce noir.
J’ai à peine le temps de baisser les yeux que je distingue une petite tâche de peinture orangée dissimulée.
T’es fort Franz, t’es fort.
Il est temps de m’en aller.
Au moment de sortir de l’expo j’aperçois une vidéo de Franz West encore une fois tournée par Kubelka, trois décennies après la première.
Je la regarde, il me regarde.
Il sourit. Je souris.
Voilà, c’est fini.
Je sors.
Heureusement que je suis arrivée à l’heure.

Talhùla Deray

                                                                     © Estate Franz West © Archiv Franz West / Photo: D.R.
Grupp mit Kabinett, ensemble de 8 sculptures. Papier mâché, gaze, tables.

Les Passstücke ou Adaptives (« pièces à adapter », « Adaptatives ») sont des sculptures en plâtre et papier mâché à la matière irrégulière nommées ainsi par Franz West