mardi 28 avril 2015

Fatum

Jérome Zonder,  Fatum 

La Maison rouge
Paris


    L'entrée de l'exposition se fait par un couloir entièrement recouvert par des rouleaux de toile
investis d'encre et de graphite dépictant un espace immersif dans lequel nous sommes plongés,
un espace où la ligne à suivre s’impose au spectateur.
    Ainsi, la déambulation est régie afin que le spectateur soit habité par le dessin et qu'une confrontation s'opère. Encadrés par cette étendue organique, de petits dessins d'enfants, des reptiles et insectes rythment l'espace. C'est une sédimentation de la grande histoire, de l'histoire des représentations et de l'histoire intime,
articulée dans une vitalité hyperréaliste. Dans cet espace en évolution, les "archives" de l'auteur viennent se confondre avec ses références afin de faire circuler les espaces entre eux, de faire respirer le dessin. L'espace bascule ensuite dans un espace restreint, des murs blancs jonchés de meubles faits d'encre, c'est un lieu où le réel et l'imaginaire s’effleurent.
    Le pointillé et le hachurage animé investissent la forme, l'épousent et la transforment de manière virtuose et insolente qui se joue de multiples registres graphiques. Zonder investit la feuille de traits, d'intensités, d'inspirations. Ainsi, le dessin fini paraît alors comme de multiples allers-retours entre l'adolescence, l'inconscient, la fiction et la narration.
La limite du dessin se ressent tout de suite dans Chairs grises, une série de dessins basés sur les quatre photographies rescapées d'Auschwitz. Une rupture a lieu, et le dessin léger s'efface pour laisser place à un trait plus physique. Dans Chairs grises, les dessins se font au doigt, c'est une masse constituée d'atomes, un questionnement d'identité et de mémoire. La rupture narrative a lieu dans ce basculement du dessin. Sa pièce Hommage à James Ensor est un rassemblement des restes de son atelier, de poussières, de morceaux de papiers et de chutes, assemblés comme un bas relief orné de masques et de visages.
Nous devons ensuite passer par un tunnel noir, longue respiration, pour arriver à une série de dessins très graphiques, composés de cercles, représentant des formes cubiques. Finalement, nous faisons face à
L'autopsie de la jeune fille, un quadriptyque. Représenter en noir et blanc c'est se tenir du côté de l'artifice et de la fiction, mais paradoxalement, les pièces respirent, elles ne demandent que d'exploser du cadre, de repousser les limites du dessin.
Lorsque l'on s'approche, ce qui paraissait hyperréaliste, devient une masse qui semble communiquer à l'échelle atomique et forme une éclosion. Cette dernière salle nous rejette alors dans la salle du début, c'est une forêt synaptique.

    C'est une exposition en allers-retours, où le spectateur est porté par le dessin. Il n'y a pas d'échappatoire, aucun artifice. L'œuvre de Zonder est habitée par quelque chose de démesurément obsessionnel et puissant. C'est une énergie brute qui paraît recracher toute l'histoire, aujourd'hui, à laquelle nous ne pouvons être hermétiques.





Samuel Prewett

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire