mardi 14 novembre 2017

Galerie "L'atelier", QPN - Alice Gautier

L’invisible en photographie, le travail de Thomas Sauvin

A l’occasion de la Quinzaine Photographique Nantaise – galerie l’Atelier

Du 15 septembre au 15 octobre dernier, à l’Atelier, une galerie de la rue de Chateaubriand, étaient regroupées les œuvres de plusieurs artistes sous l’égide du thème commun de l’invisible, dans le cadre de la QPN. L’exposition nous offrait une déambulation à travers l’imperceptible, de l’échelle microscopique des agrandissements de larmes de Maurice Mikkers, à l’échelle géographique et spatiale des clichés de Xavier Barral, pris à l’aide d’une sonde de la NASA. Mais l’accrochage proposait également une interprétation plus métaphorique de ce qu’est l’invisible en photographie, puisqu’on y découvrait le travail de Thomas Sauvin, un artiste français qui a collecté en Chine des monceaux de pellicules argentiques abandonnées par leurs propriétaires, prêtes à être recyclées.
Après la visite, nous avons pu rencontrer Hervé Marchand, le directeur artistique de la Quinzaine Photographique Nantaise, qui a partagé avec nous ce qu’il sait des artistes et de leurs œuvres. Hervé Marchand a parlé entre autres du rôle de l’artiste comme celui d’un révélateur, un démiurge qui transforme le réel, le fait exister lorsqu’il le met en scène. Pour appuyer ses propos, il a utilisé l’exemple d’un artiste photographiant un caillou sur le bord d’une route, expliquant que le caillou n’avait d’existence propre et singulière jusqu’à ce qu’il soit personnifié par l’objectif photographique. « C’était un caillou semblable à cent mille cailloux, photographié il devient un caillou différent de tous les autres. » M. Marchand a poursuivi en opposant l’idée de photographie, prise par un artiste, aux « photos » que nous autres pourrions faire, le suffixe « graphie » étant pour lui le signe d’une distinction nécessaire : la photo n’accède au statut d’art que lorsqu’elle est porteuse d’une intention artistique. 
 C’est pour moi se méprendre sur le travail de Thomas Sauvin. Bien qu’il nous ait appris beaucoup de choses à leur propos, Hervé Marchand n’a pas rendu hommage aux photographies exposées par Thomas Sauvin, qui, sans nul doute, peuvent être regardées pour elles-mêmes, indépendamment de l’archivage sociologique et historique accompli par T. Sauvin. Dans cette œuvre, Thomas Sauvin est-il le seul artiste ? Il est vrai que ses choix d’accrochage donnent à voir les photographies, soulignent leurs singularités, sous-tendant des jeux de miroirs et d’oppositions, et en définitive participent à la naissance des œuvres. Mais quelle échelle adopter lorsque l’on parle de l’œuvre ? S’il est indéniable qu’il faut accorder ce statut au travail de Thomas Sauvin, il n’en est pas moins de chacune des photographies que j’ai découvertes ce jour-là. Qu’est-ce qui différencie l’intention artistique, primordiale, selon Hervé Marchand, pour que la photo devienne photographie, de l’intention de tous ces photographes anonymes lorsqu’ils prenaient ces clichés aujourd’hui exposés dans une galerie ?
S’il y a une chose que m’apprend Thomas Sauvin, c’est que la beauté de quelque chose ne dépend absolument pas du degré de complexité de l’intention à l’œuvre dans sa réalisation. Certaines photographies m’ont vraiment beaucoup touchée, l’absence de parti pris original dans le cadre ou les choix esthétiques ne rendait que plus forte l’importance symbolique du cliché. De même, l’artificialité de la mise en scène du sujet posant à côté de l’objet ou du lieu qu’il désire immortaliser n’en occulte pas pour autant la sincérité et/ou la solennité de leur rencontre. Le travail de Thomas Sauvin m’a aidée à reconquérir ma naïveté esthétique, déshabillée de toute opinion ou de tout goût extérieur ou antérieur à ma découverte de l’œuvre. 

Les choses sont – elles réellement invisibles avant qu’elles ne soient photographiées ou exposées, ou bien doit - on seulement apprendre à les voir ? La photographie transforme – t – elle le réel ou éduque – t – elle notre perception ?  Notre caillou initial, est – il réellement plus beau sous l’objectif d’un artiste que parmi d’autres sur le bord d’une route ? Je pense qu’il faut rendre au caillou ce qu’il mérite, le monde existe sans les artistes et le monde est beau avant même que nous n’ayons su le voir.
Alice Gautier


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