jeudi 13 octobre 2016

Léviathan et ses fantômes - The Last judgment

Au Lieu Unique
Léviathan et ses fantômes
installation ''The Last Judgment" de
Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor
du 2 juillet au 25 septembre 2016


A l'extérieur, quotidien. Les couleurs, les gens. La vie suit son cours. Un pas. Un seul. Et l'obscurité nous engloutit. La porte, derrière nous, est restée ouverte et pourtant, le monde n'existe plus. Il s'est évaporé dans ce silence spirituel, balayé par le bruit des remous, envolé avec les oiseaux de mer, il s'est dissout dans l'écume. Ici, un autre univers s'est formé dans les vagues lumières. On se demande si notre corps n'est pas devenu éther car la pesanteur semble ne plus être qu'un souvenir éteint. Nous devenons pure sensation. La solitude n'est plus un mot, aucun mot n'est, car autour de nous, le langage est devenu autre.

La pénombre réveille des brumes rêveuses sur tous les murs, nous obligeant à lever la tête, à oublier la vision de notre propre enveloppe charnelle. Aussitôt, je pense à la bande dessinée de Benoît Sokal, L'Amerzone. ''Les oiseaux blancs, c'est rien que des histoires pour faire rêver les enfants de l'Amerzone''. Alors le rêve est devenu réalité dans cet immense espace vide du Lieu Unique. Un espace entre monde qui invite à déployer son corps, comme les ailes de ces mouettes géantes projetées sur les murs et à danser dans les vagues qui parfois submergent notre vue. Dans nos oreilles, la voix de la mer est un chant si ouvert, tout est possible. On y voit un cortège d'hommes-poissons vibrer comme des chamans. L'Atlantis vient de sortir des eaux.

On pourrait rester des heures, ici, à voyager entre les ombres, à tournoyer sur soi-même pour saisir chaque fois une silhouette nouvelle. Je me souviens alors d'une installation semblable à celle-ci, immersive et contemplative, où l'on perd sa propre conscience dans nos sens. C'était à la Fondation Cartier lors de l'exposition The Great Animal Orchestra. On y trouvait alors cette œuvre : Plancton, aux origines du vivant. Une même ascendance, la mer, une même magie, au sein de la pénombre d'une pièce, des sons et des images. Là-bas, comme ici, la notion du temps s'est éclipsée.

Ces expériences parviennent à nous faire ressentir un échantillon lointain de ce que peut être cette chose aussi grandiose, mystérieuse et éternelle que la Mer. Cette contrée impalpable, source de tant de fantasmes s'est faite une place dans notre imaginaire, a creusé en nous une profonde estime. Plus d'une fois, des frissons glacés ont parcouru mon corps, entre frayeur et fascination. Espérons que cela nous aide tous à la considérer autrement, et à y voir un avenir qu'il nous faut à tout prix préserver.

Oriane Cavin

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