lundi 23 avril 2018

Für Andrea Emo - Yuma Nadaud


             Du 11 février au 31 mai 2018 se tient à la galerie Thaddaeus Ropac de Pantin, une exposition intitulée Für Andrea Emo. Elle présente une nouvelle série d’œuvres du peintre et sculpteur allemand Anselm Kiefer. 
L’artiste a sélectionné une vingtaine de tableaux et trois sculptures pour rendre hommage au philosophe italien Andrea Emo. Kiefer dit en effet trouver dans les écrits du philosophe la formulation de pensées qu’il n’a jamais pu mettre au clair et pour cause, tous deux axent leur travail autour du souvenir, notamment de sa sédimentation. 
Le temps est un cycle pour Anselm Kiefer, dont le travail est souvent fait, détruit, puis régénéré. 
Les œuvres présentées sont en effet pour la plupart des anciens travaux oubliés, décevants au moment de leur redécouverte, donc remodelés par l’artiste à l’aide de plomb brûlant jeté à même la toile. 
Le résultat évoque autant de plaies en putréfaction, croûtes purulentes que de coulures de lave et paysages lunaires. Ainsi, les toiles, éclatantes par leurs couleurs et textures, nous rappellent les heures les plus sombres de notre si souvent représentée enveloppe charnelle. 
L’oubli se lit dans ces blessures, qui semblent laissées aux vers et à la pourriture. 
Il est question de l’effacement, tout au long de la visite : provoqué, par des couches opaques de plomb brûlant, ou empêché, par des vernis appliqués sur des branches et feuilles d’arbres. 
Kiefer montre l’oubli comme un processus violent, brutal, presque cruel, mais inhérent et nécessaire à la mémoire. Il est pointé comme une agression, un facteur brut, brûlant. 
Cependant, si le plomb recouvre les surfaces, il en fait aussi des moulages. 
Des formes qui, plutôt que de disparaître sous les couches, se retrouvent doublées, mises en relief par les pellicules de plomb que l’artiste décolle et enroule sur la toile. 
Ce faisant, des zones réapparaissent, calcinées par le métal en fusion. 
Les souvenirs oubliés refont surface, modifiés mais ayant tout de même gardé leur forme de base. 
Les rouleaux de plomb évoquent tantôt des chrysalides, tantôt des cours d’eau, toujours dans cette logique de l’effacement et du renouveau. 
L’artiste aborde aussi, au travers de ce prisme de la mémoire, des sujets qui lui sont habituellement chers comme la guerre ou la religion, via des représentations de bombardements et de scènes bibliques. 
Ainsi, l’exposition Für Andrea Emo, présentée dans une galerie lumineuse et spacieuse, frappe par sa densité et sa matérialité. 
Comme souvent avec Anselm Kiefer.


Yuma NADAUD





Galerie Thaddaeus Ropac Pantin, 69 avenue du Général Leclerc, 93500 PANTIN

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