mardi 24 avril 2018

Poétiques des traces - A. Perrault


A. Perrault, L1,  Poétiques des traces

Au moment d’un temps creux ou d’un creux dans le temps, à trois nous nous sommes laissées guider dans Paris. La balade était tranquille parmi les ruelles en agitation perpétuelle. Notre destination était plus connue que l’était le chemin. Ultime voie, vers cette impasse attendue. Stable et éternelle, la médiathèque Françoise Sagan se dressait face à quelques frêles tentes bleutées et encombrées.
L’une d’entre nous y avait ses habitudes mais nous étions deux à découvrir ce lieu. Grand jardin à volonté solaire, grandes fenêtres reflétant  les palmiers atypiques sur ce fond fait de ciel parisien, tout est disposé pour plaire et pour que notre temps fuit en ces lieux. Nous sommes tombées, entre un couloir et un escalier, sur cette pièce qui se découpait dans son propre encadrement blanchi , et qui n’était autre qu’une salle d’exposition exiguë. Charmées par la coïncidence, sa visite était presque évidente.Intriguées dès le premier objet ; quand on est seul face aux œuvres on essaye de comprendre ; Une arrivée impromptue, c’est l’artiste Cristina Hoffman qui mène désormais la visite.
Son exposition est basée de manière très concrète sur le lieu qu’elle occupe, c’est-à-dire la médiathèque dans son entité, mais plus on avance dans la salle et plus le lien œuvre-sujet devient implicite. Sa démarche était plutôt complète puisqu’elle a tenté de promouvoir plusieurs facettes du lieu : un lieu ancré dans l’histoire et un lieu ancré dans la société. La médiathèque est un espace spécial au cœur de la ville, tout le monde y a accès peu importe l’intention. A la fois passage et stationnement ; « Dans la rencontre de savoirs, d’outils et d’êtres humains » (C.H.).
Je vais plutôt m’attarder ici sur les deux dernières œuvres de l’exposition, dont les aspects plastiques et les processus m’ont plu.
La première est une petite installation comprenant une partie projetée, qui est tout simplement un projecteur avec des filtres colorés qui se succèdent, et une sérigraphie de trois phrases superposées et imprimées de trois couleurs différentes. Dans cette approche épurée, les filtres ont formé un cycle fascinant marquant la cadence des écritures que l’on voyait au fur et mesure s’effacer au profit de la suivante. C’est la magie des couleurs complémentaires. Une succession de mots bruts et de couleurs pures ; un confort s’installe par le biais de cette allure. Elle nous rappelle la justesse des rapports colorés et leurs effets logiques.
La seconde est également une installation, elle se constitue d’un banc blanc un peu stylisé par des bords arrondis sur lequel elle a disposé des plaques de cuivre gravées (dessin d’une main) et reliées à des capteurs. Nous sommes à genoux à même le sol, les mains à la hauteur du torse. Grâce à l’impulsion électrique fournie par notre corps conducteur et le cuivre (qui est un des meilleurs conducteur d’électricité), une bande audio se déclenche. L’attention du spectateur concerné est immédiate mais ailleurs un autre processus est activé, il est chimique, c’est celui de sa lente corrosion. Par la sueur de nos mains immobiles le cuivre se dégrade, son apparence, sa texture se modifient. Néanmoins, ce processus est très lent. C’est l’accumulation de personnes qui prennent ce temps qui le permet. Chacune prend la même position, à genoux, les mains en avant, le regard au loin. L’action d’attention-destruction fait figure de prière.

Lien vers l’article de la médiathèque :
Lien vers le site l’artiste : http://cristinahoffmann.com/

                                                                                                                                      Agathe Perrault






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