lundi 8 décembre 2014

Ryoji Ikeda - Supersymmetry

Du 27 Juin au 21 septembre 2013
Commissariat : YCMA (Kazunao Abe) 
Le Lieu Unique (Patrick Gyger)


Le visuel de l'installation Supersymmetry est une photographie orientée paysage sur laquelle de petites billes noires glissent sur un fond blanc qui, en s'étirant, tant vers le gris. Notre regard suit naturellement le mouvement circulaire de ces billes dont la netteté n'apparaît clairement qu'au centre de la photographie. Il est ensuite dispersé par ces petites sphères noires qui, en s'éparpillant au loin, semblent disparaissent dans une nappe de brouillard.
C'est donc tout naturellement que je me suis laissé guider jusqu'à la cour du lieu unique où se trouvait Experiment, la première partie de l'installation.
Je me retrouve plongée dans le noir total. Un bruit fracassant de vagues métalliques s'échoue au fond de la salle, je m'approche et découvre trois caissons cubiques noirs projetant une lumière blanche, froide, presque médicale. Chaque caisson renferme des centaines de petites perles rondes ; dans l'un elles sont blanches, dans un autre translucides, dans le dernier, noires. Ces petites particules forment un tout, chacune est unique et pourtant, lorsque le plateau lumineux sur lequel elles reposent, s'incline, elles se dirigent toutes dans la même direction et finissent agglutinées dans le même recoin. Les billes se collent les unes aux autres, des interstices se créent puis se bouchent, ce mouvement forme des images géométriques en constante évolution et d'une esthétique minimaliste due au hasard tout à fait surprenante.
Soudain, un matraquage de basses fréquences vient briser le bruit des vagues devenu berceuse, la lumière blanche s’éteint et se rallume en rythme créant un effet stroboscopique. Par cette coupure nette et brutale, Ryoji Ikeda percute l'état de transe dans lequel il vient de nous plonger pour mieux capter notre attention.
La lumière se rallume, le mouvement stoppe. Une règle de plexiglas traverse la surface du plateau. Une sorte de scanner dont le but serait d'analyser l'état des perles ? De récolter des données statistiques sur la place quelles occupent après chaque déplacement?
Je m'arrête donc sur cette idée de capture de données et, tout en me demandant à quoi peuvent-elles bien servir et où peuvent-elles bien être envoyées, je me retrouve dans "le grand atelier" où se trouve Experience, la deuxième partie de l'installation.
Une fois de plus, noir complet, silence.
Un faisceau de lumière blanche traverse la pièce dans toute sa longueur puis revient vers moi à très grande vitesse. J'ai tout juste le temps de comprendre la configuration de l'espace dans lequel je me trouve qu'instantanément, une vingtaine d'écrans et de projecteurs s'allument sur un fond de cliquetis effréné de touches de claviers d'ordinateurs. Ce couloir d'écrans nous envoie une multitude d'informations, tableurs, calculs, schémas mathématiques. Je me retrouve dans un premier temps perdue dans un brouhaha informatique et incompréhensible puis, peu à peu, je constate que chaque point, chaque segment, chaque son est rigoureusement programmé pour apparaître à un endroit et àun moment bien précis. Toute cette orchestration me semble alors logique et ordonnée. Les schémas forment des figures géométriques rappelant celles formées par les perles d'Experiment et les cliquetis rythment l'ensemble de l'installation.
A nouveau l'obscurité et le silence envahissent l'espace. Le faisceau de lumière blanche retraverse le couloir et me rappelle la règle de plexiglas et cette idée de scanner. Alors que je m'attends à me retrouver de nouveau dans cette base informatique et complexe, je me retrouve dans l'espace.
La pièce est parsemée d'étoiles et nous volons au travers dans un calme et une sérénité profonde.

Ryoji Ikeda est un compositeur sensoriel, il parvient à nous perdre dans l'espace, à provoquer chez nous un état de transe méditative. Supersymmetry est plus qu'une œuvre, c'est une expérience.



Lisa Bonvalot


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