jeudi 1 novembre 2018

Histoire de l’œil, Georges Bataille


« Je n’aimais pas ce qu’on nomme les plaisirs de la chair, en effet parce qu’ils sont fades… »
Georges BATAILLE publie son œuvre, classée dans ses débuts comme pornographique, sous un pseudonyme Lord AUCH. Ce ne sera qu’après sa mort que son livre sera publié sous son vrai nom en 1967 sans que BATAILLE ne reconnaisse officiellement avoir rédigé cette courte fiction.
Entre sexualité anticonventionnelle, perversité et fétichisme, BATAILLE force le lecteur à se confronter à deux adolescents dont la vie érotique dépasse et transgresse tout entendement.
Marqué par une enfance difficile, BATAILLE assimile des éléments de sa vie quotidienne en les retranscrivant à l’écrit par le biais de ce couple d’adolescents à la découverte d’une sexualité hors normes. La syphilis et les troubles urinaires de son père, narrés dans la préface de son livre nous permettront de tisser un lien avec l’obsession des deux protagonistes pour le jeu avec le « sale ». Le souvenir de l’odeur de l’urine de son père sera assimilé à de la scatophilie. Ces personnages évolueront avec ce désir puissant né d’une souffrance morale. Les actes devenant alors de plus en plus violents, destructeurs, et blasphématoires.
Certains objets reviennent par ailleurs un grand nombre de fois dans l’ouvrage. Une armoire normande dans laquelle on se branle, un revolver que l’on tient pendant l’acte ou bien un prie-Dieu. Des lieux doux tel un bois au clair de lune, violents comme une arène de corrida ou encore religieux. Les lieux et éléments contradictoires entraînent le lecteur dans un univers confus et étrange.
L’œil tient un rôle majeur, vu comme un instrument érotique à part entière, l’œil qui observe le désir permettant l’érection. L’œil qui devient un œuf rond et doux qui pénètre dans la « fourrure » (terme utilisé par BATAILLE pour évoquer le sexe féminin) du protagoniste (Simone). L’œil sein, fesse, qui stimule le désir sexuel du narrateur. L’œil testicule de taureau qui peut s’apparenter à l’Euterpe (divinité ayant une multitude de seins, vus également comme des testicules de taureau). L’œil doux luisant qui devient organe d’excitation arraché à un curé par Simone pour satisfaire ses désirs.
Pour BATAILLE la sexualité, l’érotisme, la violence de la jouissance extrême sont oubliées. Cette ascendance vers le délire et les pratiques sadomasochistes des personnages les rendent humains. J’entends par humain fait de chairs (palpable et déchirable) et animal à la fois, poussant leurs désirs les plus puissants pour qu’ils deviennent des actes d’une extrême violence érotique. La chair n’est plus fade parce qu’ils l’ont consommée.
Les liens transversaux entre l’enfance de BATAILLE, le sexe dans notre société, le cauchemar et la brutalité font de cet ouvrage une œuvre complexe, dure à ingérer et forte d’un point de vue émotionnel nous faisant vaquer entre gêne et honte.
GARRET Lila



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