vendredi 23 novembre 2012

Adel Abdessemed


 Je suis innocent, Adel Abdessemed,
Au Centre Pompidou.
Jusqu’au 7 Janvier 2013


Lorsque vous passerez à Beaubourg voir l’exposition de Bertrand Lavier ou simplement flâner dans l’accrochage permanent, il vous est fortement recommandé de rentabiliser votre ticket et d’aller faire un tour dans la galerie sud. Vous y découvrirez en effet l’univers déroutant d’Adel Abdessemed, jeune artiste contemporain algérien.

La première salle donne immédiatement le ton de l’exposition. Interdite aux mineurs pour son caractère violent ou sexuellement explicite, elle vous entraîne dans un monde d’images brutales, poétiques ou absurdes. On y suit un enchaînement de vidéos, parfois très simples, telle qu’un citron écrasé sous un pied, et montant crescendo jusqu’au délire visuel avec Lise, présentant une femme allaitant un porcelet, ou encore Telle mère tel fils, gigantesque carcasse d’avion écrasé. On circule avec perplexité au milieu de ce déchaînement cruel et incongru. Combat à mort entre un serpent et une grenouille, prêtre jouant de la flûte entièrement nu, couples copulant sous les applaudissements du public ou voiture carbonisée, cette grande rétrospective du jeune artiste déroute. S’agit-il d’images choc gratuites ? Ou d’une réelle dénonciation de la société actuelle ?
Abdessemed traite en effet au travers de son œuvre de la violence du monde contemporain, comme avec cette grande barque évoquant l’émigration remplie de sacs poubelle, tout en adoptant un langage très référencé aux œuvres classiques. On ressent dans son travail les influences de Grunewald, Goya ou Desidero (un tableau de ce dernier est d’ailleurs présent à l’exposition), et Who’s afraid of the big bad wolf ? , grand panneau d’animaux empaillés, est une référence claire à Guernica. Les travaux de l’artiste alternent ainsi entre références et modernité, entre voiture carbonisée et Christ en fils barbelés, entre statue monumentale de Zidane et travail sur le motif. L’œuvre interpelle sur la sauvagerie et la décadence du monde qui après tout semblent ne pas être si neuves.
Néanmoins et paradoxalement l’artiste dont le travail est très engagé et qui n’hésite pas à choquer (son œuvre Don’t trust me avait même été censurée) semble adopter un certain recul par rapport à son œuvre, une forme de distance presque gênante. Le simple titre de l’exposition « Je suis innocent » peut paraître étrange. Comme si l’artiste se désengageait totalement des images qu’il créait.

Je ne me permettrai donc pas comme il serait de bon ton de le faire en fin d’article de prononcer un avis tranché sur cette exposition. Certaines images présentent un choc visuel et émotionnel qu’il serait honteux de rater mais l’exposition sans véritable ligne directrice peut laisser perplexe. Enfin quant à la démarche de l’artiste qui peut sembler confuse, peut être ne s’agit il après tout que de pointer la violence du monde qui nous entoure sans y prendre part, tel un spectateur innocent. Comme l’illustre cette célèbre anecdote lorsqu’en 1937 l’ambassadeur nazi Otto Abetz se trouvant dans l’atelier de Picasso s’arrêtant devant le tableau Guernica, demanda outré au peintre :
  • C’est vous qui avez fait ça ?
  • Non, répond Picasso, c’est vous !
V.B



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