mercredi 12 décembre 2012

NOVA ARGEA André Guedes


NOVA ARGEA André Guedes juqu’au 09/12/12
http://www.phakt.fr/

Après avoir passé une heure à demander votre chemin à une multitude de personnes, allant jusqu’à chercher naïvement un centre d’art ouvert le lundi qui pourrait vous renseigner et enfin après avoir compris qu’il fallait en fait traverser le centre commercial Columbia pour accéder à la fameuse place des Colombes, vous parviendrez éventuellement à trouver le centre culturel du PHAKT.
Situé au fond d’une petite cour dominée par des constructions des années 60, le PHAKT semble étouffer sous le poids de ces grands immeubles se voulant modernes qui semblent faire l’ unité du paysage du quartier Colombier.
Des vitres glissent puis s’ouvrent sur un espace silencieux où, à l’occasion de la Biennale de Rennes 2012, se dresse une pièce dans la pièce, entièrement faite de bois, comme une énième « structure sous la structure », en décalage avec la robe de béton et de plastique qui recouvre le reste du quartier. C'est comme si l'on avait enfin atteint la dernière poupée russe, la plus petite, celle qui semble renfermer un énorme secret.
On y pénètre par un trou parfaitement rond dont le morceau qui le comblait a été déposé au sol près de l’entrée (1). Un rideau, puis des chaises qui nous attendent. Au centre, deux projecteurs de diapositives se tournent presque le dos, assez pour que les images forment un angle obtus qui fonctionne avec la disposition des chaises pour mieux aérer et élargir notre champ de vision.
Nos yeux n’ont plus qu' à se concentrer sur les diapositives. Elles défilent presque simultanément; un léger écart néanmoins crée un rythme saccadé du fait du bruit des rétroprojecteurs, en contraste avec le noir et blanc légèrement jauni des images qui berce la pièce d’une douceur passée.
À gauche (2), des photographies d’un groupe de jeunes gens réunis autour de ce qui semble être un jeu de société fabriqué par leurs soins alternent avec des œuvres de Clara Barthala (4), des formes géométriques qui s’entrechoquent, s’embrassent ou se dispersent... On pense à un plan ou, pourquoi pas, à
Rythmus 21 de Hans Richter qui nous ramène à l’époque de l’architecture moderniste, à un désir d’ épuration et de minimalisme.
À droite (3), le même groupe semble jouer au même jeu mais cette fois-ci à taille humaine, dans une clairière. Ils forment une sorte de ronde, accompagnés de pièces triangulaires à leur taille.
Un 360 degrés et l'on remarque que ces triangles sont partout dans la pièce. Ils soutiennent la structure, forment une fissure dans une des faces, sont déposés au sol ou debout, attendant peut-être qu’on les manipule. On retrouve également des similitudes dans les photos et la structure : le rond de l’entrée, le cercle formé par le groupe, la ronde comme une sorte de danse dans les photos de droite, le bruit des diapositives qui s'enchaînent, les images qui passent en boucle puis la raideur des formes géométriques, triangle, bras tendu, bâton pointé vers le sol...
À cela s’ajoute le récit textuel diffusé depuis le plafond. Entre autre, un récit historique à propos de
A communal 1974, une coopérative créée au Portugal par de jeunes urbanistes désireux d’ «insuffler une dynamisation culturelle en milieu rural» tout en travaillant main dans la main avec les paysans et ainsi construire un système différent, sans aucune hiérarchisation. Sans que le texte ne soit parfaitement synchronisé avec les images, il nous guide. Naïvement j’avais pensé que ce qui défilait actuellement était la preuve de la survie de la coopérative jusqu’en 2012 où elle continuerait d’ agir... Que nenni! Ce ne sont pas des images d’archives mais une fiction sous forme de jeu en 8 règles qui nous font étroitement penser à l’élaboration d’un système utopique, comme on l’appellerait vulgairement. Entre autres : former un cercle, changer de façon de fonctionner à chaque tour, « ni vainqueur ni perdant », on discute du tour précédent pour ne pas répéter les mêmes erreurs... Le but est de construire une sorte d’espace convenant à chacun et capable d’évoluer en permanence. Il y a des extraits de poèmes de Fiama Hasse évoquant «l’harmonie», «l’aube», «l’éphémère». Puis vient un témoignage: «la coopérative ne mourra jamais», «unir nos terres pour unir les gens», «le plus important c’est les gens», «ce que nous appelons socialisme», «capacité de décision collective». Des formules que je trouve simplistes. Je suis agacée, peut-être en partie par moi-même puisque ces mots-là me rappellent les miens il y a quelques jour : « multiplier les coopératives pour transformer la société».
Tout cela semble s'organiser en un genre de chorégraphie qui nous inviterait nous aussi à « rentrer dans le cercle ». Je souris. Ça fait maintenant une demi-heure que je suis là; je me suis laissée entraîner. D’abord par défi face à une installation qui, à première vue, ne me captivait ni par sa forme ni par son propos, ensuite bien malgré moi. Finalement on y croit à leur projet. C’est si doux, ça semble tout près, palpable... et puis on sort par le triangle et nous voilà dans un cul-de-sac (5). L’espace est confiné, comme un espoir vain. Demi-tour. On passe par le cercle, on sort et nous voilà à nouveau dans la réalité. La transition s'est faite avec violence. Violence d’une société qui n'arrête pas de vouloir augmenter, ajouter, multiplier, accélérer; violence d'un système qui «
tend à l’inhumain».
Tout d’un coup je suis heureuse d’avoir rencontré autant de difficultés pour trouver ce lieu. Avoir eu à traverser tout un centre commercial et me retrouver à présent surveillée par ces ignobles immeubles qui semblent vouloir nous écraser donne d’autant plus de poids à l’installation d’André Guedes que cela crée un contraste avec l’œuvre qu’il nous propose. On mesure l’énormité de l’obstacle face à la coopérative
A communal et à tous ceux et celles qui se mobilisent pour le changement. Mais le désir d’une évolution vers un autre mode de fonctionnement est toujours là et même au milieu d’un quartier qui traduit une tendance à «l’amplification maladive», il semble avoir sa place et nous rappelle qu’il ne faut jamais abandonner les espoirs d’une époque mais plutôt les réactualiser sans cesse.

Marie Grihon
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(3)

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1 commentaire:

  1. Je voudrais bien contacter Marie Grihon. Serait-il possible?
    aguedes@gmail.com

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