samedi 15 janvier 2011

KISS THE PAST HELLO

KISS THE PAST HELLO
Larry Clark
Au Musée d'Art Moderne , Paris
Du 8 Octobre 2010 au 11 Janvier 2011.

Le titre de l'exposition du photographe et réalisateur Larry Clark au Musée d'Art Moderne de Paris nous en dit tout. A 67 ans, l'artiste a voulu réorganiser son passé, pour faire table rase, à travers son regard neuf, distancié, sur toute une vie.
Et c'est d'abord un hommage à sa mère qui l'a ouvert au monde de la photographie. Dès nos premiers pas, timides s'il en est, on s'amuse de la facétie et de la tendresse avec laquelle cette femme a mis en scène les enfants en bas âge et les animaux, souriant avec insouciance quand des chiens se retrouvent assis derrière les pupitres d'une classe d'école. Lentement d'autres visages, ceux d'une jeunesse anguleuse et sinistrée s'installent. Les portraits de Tulsa semblent vivants, cerclés de contrastes parfaits, les yeux s'animent de rage et chaque détail, d'une crudité vibrante, semblent avoir été pensé, tant le moindre reflet paraît traduire une émotion. Larry Clark a réussi dans sa propre jeunesse a capturé en quelque sorte ses compagnons d'arme. Un film muet en noir et blanc met en mouvement les images. Comme le regard d'un junky, la caméra tangue sans cesse vers le sol, créant un rythme. Dans un lit, un garçon se lève, nous dévoilant le corps d'une fille enceinte dont il bloquait la vue jusque là. Les aiguilles pénètrent les peaux et les bouches remuent, grimacent, se déforment mollement, sans qu'aucun son ne vienne troubler la vision. Le film s'achève avec des arrestations en série, l'auteur filmant fixement les conséquences d'une existence trouble. Car Larry Clark est un moraliste de l'extrême. Non content d'avoir crocheté la porte de la sacro-sainte chambre de l'adolescent, montrant pour la première fois ce que d'aucuns ne voulaient voir, il nous met face aux répercussions les plus sordides du Drug, Sex and Rock'n roll. Ici une fille enceinte se pique, avec le contraste fulgurant de la grâce maternelle de ses formes confrontée à la rouille d'une vilaine aiguille. Là, le cercueil, toujours trop petit, de l'enfant mort-né. Pour comprendre le choc assourdissant de ces images, il n'y a qu'une chose à faire : les voir de ses propres yeux.
On nous raconte une histoire et celle-là finit bien. La seconde moitié de l'exposition est consacrée à un passé plus récent, où à l'occasion d'un film devenu culte dans le monde du skate, Larry Clark a rempilé, pour explorer avec son œil âgé une autre adolescence : celle des skaters, mexicains d'origine, de Los Angeles. L'un deux, Jonathan Velasquez, désormais bon ami de l'artiste est mis à l'honneur. Celui qui a appris à Larry Clark a skaté, à pas moins de 50 ans, se prête à tous les jeux. Exhibant son corps sec avec pudeur au côté de la belle Tiffany Limos ou ses cheveux multiformes, il nous traîne avec son gang à la conquête du pavé. Dans cette jeunesse-là, l'insouciance et la quête de ses propres limites prennent une autre forme, toute aussi sauvage, mais plus pure et sans conteste moins délétère. Un immense collage, assemblant brochures de journaux et souvenirs de toute sorte trône ainsi au centre d'une salle, réveillant chez nous curiosité, amusement et surprise.
Cette exposition aura fait couler beaucoup d'encre pour la censure dont elle a fait l'objet. Mais une once de sensibilité permettra à chacun de la vivre par lui-même, car ce qu'elle nous décrit est une époque charnière inhérente à l'homme, et le message qu'elle délivre est proprement universel.

Lucie Boutoute
Hullabalette.blogspot.com


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