vendredi 14 janvier 2011

OLGA BOLDYREFF – CHAPELLE de l'ORATOIRE

Créature-nénuphar échouée. Baignant dans son écume-tissage elle se répand
mollement.
Les tentacules de maille se mêlent, les racines textiles se confondent; la
bête et son être s'entrelacent. Pieuvre de laine à reposer sur son lit de
roche. Bulbe-tricotin composite sur lequel doucement sont venues piquer
les aiguilles, sont venus s'accrocher les points, sans jamais venir
troubler son congé.
Douce paresse, douce mollesse. Lente broderie. Elle sait qu'elle a le temps.

Sous la peau sur le fil: le monstre est endormi.

Tout est silence mais dans le creux de la matière palpite la chair
vagabonde. Voici le murmure brûlant d'un monstre qui sommeille. C'est en
son sein que tout remue que tout se noue. Couvé sous une peau de tricot il
chuchote le mystère, et chacun est enclin à tendre l'oreille vers son
imperceptible langage.

Partout le fil, liant organique d'une matière flottante qui peut-être en
son cœur respire, dessinant aujourd'hui le squelette de ces muettes
chrysalides, esquissant demain les corps paresseux de nouvelles absences.
Les créatures sont enfouies. Ne demeurent que des enveloppes fantômes,
épidermes de laine pour qui ne saura soulever l'épaisseur du silence,
silence dans lequel la parole improbable sait à coup sûr se lover.

Partout ces pelotes, partout la veine de laine prête à s'en retourner.
Elle caresse les murs, caresse le sol. Sillonne l'espace et trace le
chemin versatile de celle qui se sait changeante. La palabre-laine,
fugueuse, tend à s'éclipser; la parleuse flotte indécise, roule et se
déroule, se réenroulera sûrement. Un jour. Car elle sait qu'elle a le
temps.

Maille, par maille.

Manon David


Olga Boldyreff, Les Devenirs, 2010
© Ville de Nantes – Musée des Beaux Arts

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